VENISE
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 Le Caffé Florian

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Luciano di Lorio
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Luciano di Lorio


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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleLun 8 Jan - 5:39

Profitant du fait que le serveur se trouve à leur table, Luciano commanda un pâté d’anguilles, l’une des spécialités de la maison. Un Carmignano, du meilleur cru fusse-t-il, n’était pas un excellent apéritif et valait mieux d’accompagner un véritable repas. Son attrayant interlocuteur avait joué le rôle du plus fin des amuse-gueule, mais l’heure du mets principal était venue. D’ailleurs, s’il souhaitait poursuivre une conversation plus ou moins soutenue avec son hôte, lui proposer de partager son déjeuner serait sans doute judicieux. Il voulait que l’alcool le rende loquace, non pas inconscient.

« Vous prendrez bien quelque chose, Monsieur? » s’enquit-il, en désignant le serveur qui patientait.

Il attendit que celui-ci se fut éclipsé pour reprendre la discussion là où elle avait été interrompue.

« Pygmalion et Galathée? La comparaison est flatteuse, Monsieur. Je la préfère à celle d’Hadrien et Antinoüs, puisque je ne vous souhaiterais pas une fin aussi tragique dans ces eaux qui vous font horreur et comme il me déplairait de devoir vous pleurer, bien que vous puissiez faire fort belle figure au panthéon des dieux. Je ne désire pas non plus connaître celle de César et Brutus, et périr sous vingt-trois coups de poignard. Un seul - et définitif - me suffirait. »

Amusé par la comédie qui se jouait devant lui, il apprécia la vision de ces yeux abaissés, imitant à merveille l’humilité, mais ne s’y laissa pas tromper. Le sourire exquisément impudent qui s’ensuivit conforta cette pensée. S’ils n’avaient été en public, l’aristocrate aurait assurément croqué cette bouche pour en essuyer toute effronterie.

« Je compte bien que vous apportiez quelque saveur aux mondanités de cette ville par vos inconvenances, Monsieur. Je n’aurais que faire d’une Galathée qui demeurerait de pierre, sans jamais s’animer peu importe les distractions qu’on puisse lui présenter. Je ne doute pas non plus que vous saurez galamment racheter vos fautes et user de vos charmantes façons pour vous faire pardonner. »

Délaissant momentanément le visage du garçon, son regard se posa sur les gants abandonnés sur la surface laquée de la table et, plus précisément, sur le ruban glissé dans l’une des manchettes. En approchant la main, Luciano s’en saisit avec une lenteur calculée et, répétant le manège du jeune noble sur le canal, il roula le fruit de sa capture entre ses doigts. Il le lui avait remis une toute première fois sans rien exiger en retour, cette fois, par contre, il projetait de se montrer plus gourmand.

« Pour préserver votre pudeur, pratiquer des divertissements inoffensifs, fréquenter les salons sans grand éclat et, sait-on jamais, connaître l’amour… Vous avez fait fausse route et je vous conseille de plier bagages avant d’avoir été dévoyé par ces lieux. »

Ses lèvres se retroussèrent dans un sourire presque carnassier, allant de pair avec ces orbes d’un bleu glacé qui le dévisageaient avec tant d’intensité.

« Mais si, au contraire, vous brûlez d’envie de perfectionner l’art des faux-semblants, délier des mystères, redouter la trahison ou pire la mort devant chaque visage masqué, ou encore être exalté par des voluptés sans pareilles… Eh bien, je vous souhaite la bienvenue à Venise, la cité de toutes les intrigues et de tous les libertinages, Monsieur. »

Il éleva légèrement sa main en l'air, l'extrémité du lien de soie se soulevant doucement au passage hâtif des valets.
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleLun 8 Jan - 21:04

Raffaele repoussa d'un geste l'invitation à partager le repas de l'aristocrate.

"Les salons que vous fréquentez sont donc si friands de mouvement qu'il soit besoin qu'on y sème quelques graines d'impertinence ?"

Une moue tordit sa bouche tandis qu'il se remémorait les salons napolitains où il avait juré de ne plus apparaître. Il s'était d'ailleurs juré de ne plus fréquenter aucun salon tant l'expérience lui avait été éprouvante. L'ennui était la chose qu'il supportait le moins au monde. Et devoir rester debout pendant des heures à écouter les babillages sans fin d'une écervelée et les exploits militaires d'un vieillard à l'haleine effrayante lui avait oté tout goût des mondanités.

"Je peux comprendre cela, j'ai moi-même dû subir certaines soirées terriblement assommantes où la seule distraction qui m'apparaissait possible était de sauter par la fenêtre."

Il sourit à l'évocation de fautes à racheter et du moyen pour ce faire.

"On dit partout que tout ce qu'il y a de têtes bien faites et d'esprits prompts au divertissement se retrouve à Venise, à vous entendre il semble que la rumeur soit fondée. Cela me plait et me laisse présager un séjour bien plus agréable que ce que à quoi je m'attendais."

Le serveur revint et déposa silencieusement devant Luciano les mets qu'il avait commandés. D'un battement de paupière, Raffaele refusa le vin qu'on voulait lui servir. Il estimait avoir assez bu pour l'heure et ne comptait pas arriver totalement gris au souper de la Ca'Grazziano. Souper qui, si l'on en jugeait par l'heure avancée et les dineurs attablés, devait avoir déjà commencé. Il serait en retard. Mais la ponctualité était la politesse des rois et il ne se sentait pas de leur en ravir le privilège.

Il s'attacha un instant au sourire de l'aristocrate. Il avait trop vu de belles figures enlaidies par une dentition gâtée pour ne pas prêter attention à ce détail. De belles et saines dents étaient une chose qu'il appréciait particulièrement et ce sourire-là allumait une flamme dévorante au creux de son estomac.

Son regard fut détourné par le reflet de la soie crissant délicieusement entre les doigts de l'homme et un frisson lui parcourut la nuque. Ses yeux s'étirèrent comme ceux d'un chat au soleil et il alla enrouler ses doigts au ruban, s'y accrochant en tirant lentement, douceur apparente démentie par la lueur métallique jouant dans ses prunelles.
Lueur qui montrait sans équivoque que le ruban n'était pas, et de loin, l'objet de la lutte
.
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Annavera de Luca
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleLun 8 Jan - 22:31


Elle l’aurait tué.

Quelle idée d’avoir accepté de le délivrer des geôles de Venise ? Il aurait tellement été mieux dedans, à y croupir pour l’éternité. Pourquoi l’avait-elle invité à prendre un café ici ? Quelle folie l’avait habitée l’espace d’un instant, la faisant croire qu’un monstre de suffisance pouvait changer ?
Elle ne le supportait pas. Elle ne l’avait jamais supporté et ne le supporterai jamais.
Quand à le recroiser au palais…

Elle ne le gratifia même pas d’un regard quand il s’en alla. Cet homme n’en valait pas la peine. Enfin, il aurait quand même pu payer leurs consommations… Et bien ? Certes, c’était elle qui l’avait invité mais la moindre des politesses, la plus petites des galanteries lui aurait soufflée de le faire lui-même.

Oser insinuer que dans dix petites années elle serait identique à toutes ces vieilles perruches qui caquetaient dans les salons les plus à la mode… Elle était Annavera de Luca que diantre ! Et dans dix ans, elle en paraîtrait toujours vingt. Un point c’est tout.

Un peu de crème de temps à autre ne fait de mal à personne. Résolument elle se concentra sur sa boisson, détaillant du regard les gens évoluant dans la salle.

Des hommes. Des femmes. Des hommes. Des femmes. Des… tiens. Un jeune homme très plaisant venait d’entrer dans le Caffé. Elle le suivit discrètement des yeux, lançant son manteau, s’appropriant la table la plus en vue. Replongeant ses yeux dans sa tasse, elle sentit son regard.

Annavera reposa son café, décidée à ne pas le finir. Lentement, elle fit signe à un des valets d’approcher et lui régla le prix des deux cafés. Puis jouant avec sa tasse, elle prit le temps de faire attendre ce jeune homme. Mais au moment de se lever, un autre homme beaucoup plus âgé que le premier, entra et se joignit à lui.

Un peu déçue, elle arrêta net son mouvement. Lissant les plis de sa robe, elle les dévisagea tout les deux. Le second semblait prendre un malin plaisir à faire boire son vis-à-vis. On aurait dit qu’il allait le manger tout cru. Elle connaissait bien cette expression pour l’avoir souvent utilisée. Mais là, la donne était inversée. Elle n’était qu’une simple spectatrice.

Spectatrice qui appréciait pour le moment la joute entre les deux hommes. Trop loin pour saisir tout le sens des propos, elle se leva et glissa avec légèreté vers eux.


« Veuillez pardonner mon intrusion Messieurs, la compagnie me fait défaut. Permettez-vous que je me joigne à vous ? »
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleMar 9 Jan - 3:25

Pleinement conscient du regard pressant du garçon, le sourire de Luciano s’élargit, l’avidité qu’on pouvait y lire dirigée vers un tout autre objet que le repas qu’on avait placé devant lui. Il devait se reconnaître charmé par la grâce et l’esprit que présentait son interlocuteur ainsi que par son adresse, surprenante pour son jeune âge, à se mêler au jeu et à en faire le sien. Une telle prise ne serait pas dénuée de prestige, ce qui ne faisait que piquer la convoitise de l’aristocrate. Il ne possédait pas le caractère d’un collectionneur jaloux, qui enfermait ses richesses et finissait par en ternir la beauté. Au contraire, s’il réussissait à s’emparer d’un tel trophée, il l’exposerait au grand jour pour le faire rayonner dans toute sa splendeur, plutôt que de se réserver le droit de l’admirer. Il tenait tout autant à ce que les gains de ses conquêtes fassent preuve de la même liberté - pour ne pas dire libertinage - car jamais il n’aurait abandonné à un autre que lui-même la régence de son existence.

« J’espère que vous ne regretterez pas votre venue dans cette ville, Monsieur, et je suis intimement persuadé que Venise n’aura jamais à déplorer votre présence en ses murs. »

Constatant que l’appât se révélait utile, il demeura immobile jusqu’à ce qu’on tente de lui ravir sa capture avec une délicatesse traîtresse. Resserrant sa prise, il plongea ses yeux dans ceux de son hôte, brûlant d’un feu dangereux, alors que sa main venait se refermer autour du poignet tendu. Le noble n’aurait jamais permis à l’âge de l’empâter et la fermeté de sa poigne en témoignait, tandis que ses doigts caressaient l’ossature fine qu’ils devinaient sous cette peau pâle. Il s’avança légèrement, des mots se formant dans sa gorge lorsque soudain…

« Veuillez pardonner mon intrusion Messieurs, la compagnie me fait défaut. Permettez-vous que je me joigne à vous ? »

Une expression indéfinissable se peignit sur son visage avant de laisser place à un savant mélange de consternation et de pur mépris. Sans relâcher son étau, il tourna la tête vers l’importune, la jaugeant de bas en haut, avant de lâcher, le sarcasme à peine voilé :

« Votre invasion arrive à point, Madame. »

Il n’était pas sans savoir que le Caffe Florian pullulait de mignons et galants de toute sorte, mais c’était bien la première fois qu’on l’abordait d’aussi abrupte façon et, de surcroît, au milieu d’une conversation exigeant toute son attention. En d’autres circonstances, peut-être se serait-il montré indulgent, la pauvre ne devait probablement remplir ses offices que depuis quelques heures, car rien d’autre n’aurait pu justifier cette absence effarante de raffinement.

« Vous comprendrez sans doute que si ce Monsieur ou moi-même désirons requérir vos services, nous serons tout à fait capables de vous en aviser par nous-mêmes. Nul besoin de vous colporter de table en table comme le premier marchand forain venu exhiberait sa marchandise de piètre qualité, » articula-t-il, d’un ton glacial.

Pour signifier à l’éphèbe prisonnier qu’il ne l’avait point oublié, il effleura sa paume découverte de ses doigts gantés, l’assurant que cette interruption ne le détournerait pas de leur entretien. Sa bouche s’étirant dans un rictus dédaigneux, il énonça avec toute la froideur dont il était capable :

« Et même si vos frais étaient aussi peu élevés que vos manières, je ne gaspillerais pas un denier pour regarder plus que je n'aie déjà eu le déplaisir de voir. »

Sa voix s’adoucit, le velours après la lame, le baiser couvrant la morsure.

« D’autant plus que la compagnie de Monsieur, loin de me faire défaut, me comble amplement. »
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleMar 9 Jan - 21:16

Le ruban résistait, entremélé entre les doigts de l'homme et ceux du garçon qui ne baissait pas les yeux. Il ne céderait pas si facilement, même si la tentation était alléchante. Il put lire dans le sourire de l'aristocrate que celui-ci estimait la victoire comme presqu'acquise quand sa poigne solide se referma sur son poignet.

"Ce que j'aperçois à l'instant de Venise ne me fait pas regretter mon voyage. Et je crois deviner que Venise en ce moment même ne déplore pas ma présence."

Le jeune prince ponctua sa réplique énoncée à voix basse d'un très lent battement de paupières, mimique de félin paresseux, tandis que son sourire s'évanouissait et que l'éclat métallique de son regard s'intensifiait. Il raffermissait sa prise sur le ruban tandis que l'homme se penchait un peu vers lui pour ajouter quelque chose quand un mouvement sur la droite attira son attention.

La jolie chatte avait délaissé sa jatte de crème pour venir ronronner à leur table. Il détailla sa mise, évaluant le prix de la caresse, puisqu'à l'évidence il s'agissait d'un bel animal de compagnie. Bien qu'il ne connaisse ni les moeurs vénitiennes ni l'étendue de la licence qui y régnait, il ne lui vint pas à l'esprit que la demoiselle puisse être une femme honorable. En effet, quelques soient les villes qu'il avait visitées jusque là, aucune n'hébergeait de dame capable sans rougir de s'inviter à la table de deux gentilhommes en conversation. Certes, on lui avait fait passer des messages, par l'entremise d'un regard savamment distillé ou la complicité discrête d'un serveur, mais jamais encore on n'avait ainsi provoqué son attention.

La réplique que servit Luciano à la jeune femme lui fit baisser brusquement la tête pour dissimuler le rire irrépressible qui lui montait aux lèvres. La caresse sans équivoque des doigts gantés à l'intérieur de sa paume en le troublant le rappela à l'ordre et il toussota pour se reprendre. Quand il releva le visage, sa voix était teintée de gronderie feinte
.

"Voyons, Monsieur di Lorio, prenez un peu en pitié cette jeune personne qui parait faire les premières armes de sa profession avec nous. Mademoiselle, il vous faudra être plus habile si vous ne voulez point recevoir souvent le genre de leçon que Monsieur vient de vous servir. Vous vous dépréciez en venant vous offrir ainsi sans la grâce d'une coquetterie." Il sembla réflêchir un instant. "Mais peut-être votre situation requiert-elle au plus vite le fruit d'une affaire rondement menée ? Auquel cas, Mademoiselle, je ne saurais trop vous conseiller de vous porter au devant de ce monsieur attablé dans ce coin là-bas et qui vous dévore des yeux avec plus d'appêtit qu'il n'en montre pour le ragout qu'on vient de lui apporter."

Du regard, il désignait un marchand vêtu ostensiblement de couteuses fourrures, qui en effet, n'avait pas quitté la demoiselle du regard depuis son entrée dans la pièce. Il avait même refusé une place plus confortable pour celle qui lui offrait la meilleure vue sur l'objet de son attention.

Quelque chose cependant dans l'allure et le maintien de la femme tendait à faire croire qu'elle n'était pas ce que sa conduite laissait supposer. Peu importait. Si elle était assez peu au fait des manières en usage, la leçon ne pourrait lui être que profitable. Un sourire en demi-teinte vint ajouter une goutte d'acide aux paroles du jeune homme
.

"En d'autres circonstances, peut-être que Monsieur et moi-même aurions partagé avec entrain les frais de votre compagnie et ce qu'elle doit avoir de plaisant, mais hélas, vous nous arrivez bien mal puisqu'en cet instant, ni lui ni moi ne sommes disposés à renoncer à l'affaire qui nous occupe."
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Annavera de Luca
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleMer 10 Jan - 0:51

C’était ce que l’on appelait donner le bâton pour se faire battre. Ses propos, loin d’être irrespectueux ou de promettre tel ou tel plaisir futile, n’avaient que pour but de se rapprocher de cet homme. Et voilà que le second la prenait pour une femme de mauvaise vie, une femme qui quémandait les attentions des hommes puissants. Décidément, Venise ne lui réussissait pas… A moins que ce soit elle qui ne comprenait pas la Sérénissime ? Abasourdie, elle comprit qu’elle n’aurait peut-être pas dû les aborder ainsi. Mais quand le vin est tiré, il faut le boire, et elle allait le boire même en grimaçant.

Décidément, ils étaient tous les mêmes. Tout d’abord degli Albizzi et ensuite celui-là. Le premier la traitant de sotte et le second de femme à la vertu peu respectueuse. Qu’est-ce qui dans sa mise pouvait prêter à confusion ? Rien. Habillée avec élégance, distinguée, rien ne pouvait alimenter une telle confusion. Pour avoir trop côtoyée ce genre d’individu, elle savait qu’il n’appréciait pas d’avoir été interrompu.

Elle vit le jeune homme réprimer son envie de rire. Elle venait tout bonnement de se ridiculiser. Ne daignant même pas jeter un coup d’œil à celui qui la fixait avec envie depuis quelques minutes déjà, elle fixa ses yeux clairs dans ceux de l'homme blond. Tout en essayant de préserver les quelques restes de sa fierté éparpillée dans ce Caffé, elle maîtrisa la rage qui pointait en elle et glissa mielleusement à l’homme si grossier :



" Je ne suis pas à vendre Monsieur. Mais je ne doute pas que si tel était le cas même vos moyens n’y suffiraient pas, fussiez-vous deux. Si j’osais, je vous dirai que vous ne paraissez guère en mesure de combler une dame quelque qu’elle soit. Mais la bienséance me l’interdit. Malgré cela, je vous prie d’excuser mon… « invasion » comme vous le dîtes si bien. Quand à mes manières, elles n’ont sans aucun doute rien à envier aux vôtres. Il est peut-être vrai que ma façon cavalière de vous avoir abordé n’est guère digne d’une princesse et vous a conduite en erreur. Mais permettez-moi de vous poser une question : qu’est-ce qu’une dame pour vous ? Une charmante idiote attendant bien sagement tout en tenant le logis tandis que vous allez vous amuser avec quelques drôlesses de passage ou que vous vous adonniez à des mœurs plus libertines en compagnie d’éphèbes ?"


Marquant une pose et redressant la tête, elle continua d’une voix beaucoup plus ferme à l'attention des ses deux interlocuteurs :


"Sachez cependant que si l’envie vous prend de continuer à m’insulter de la sorte, je me ferai une joie de croiser le fer avec vous… Et vous pourriez bien en tirer quelques surprises… A moins que ceci vous choque ou vous fasse croire je ne sais quelles inepties. Pensez ce que vous voudrez, je vous laisse à vos occupations. Mais laissez moi vous mettre en garde : si votre parler est de même avec les autres dames de cette cité, je pense que vous aurez bientôt des ennuis… On dit que certaines se transforment en masque et font ravaler leurs paroles disgracieuses à ceux qui les ont offensé. Mais bien entendu, ceci ne devrait guère inquiéter des « mignons » tels que vous… Je vous salue Messieurs. "


Esquissant une très légère révérence, Annavera s’en alla. Elle réclama sa mante qu’un valet s’empressa de lui apporter espérant le sourire affable qu’elle lui avait offert en entrant. Mais au lieu de cela, il ne reçu qu’un regard glacial et une moue méprisante. Décontenancé, le valet s’empressa de lui ouvrir la porte.

Le vent frais lui sauta au visage comme une réalité après la chaleur étouffante du Caffé Florian. Ajustant l’agrafe de son vêtement, elle ramena ses mains dans son manchon. D’un pas décidé, elle s’approcha du bord du Canal et intercepta un gondolier. Prenant place dans la frêle embarcation, elle se prit à espérer que Venise lui ferait vite oublier cette curieuse matinée où elle s’était pour la première fois de sa vie donnée en spectacle. Relevant le menton, elle offrit au soleil un air déterminé : tout était déjà oublié.



"Au palais Grazziano", indiqua-t-elle au gondolier.


[Ca’Grazziano]
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleJeu 11 Jan - 7:13

L’intermède, d’abord perçu comme une nuisance par Luciano, se présenta ensuite comme un divertissement à partager avec le jeune inconnu. Il ne manqua pas de remarquer l’hilarité de ce dernier et dut à son tour conserver son sérieux lors des « réprimandes » qui lui furent servies. Un coup d’œil dans la direction du commerçant concupiscent manqua de lui faire perdre toute contenance mais, par souci de ne pas gâcher le chef-d’œuvre d’ironie de son cadet, il se garda bien d’éclater de rire à sa riposte cinglante. Si l’intruse possédait quelque esprit, peut-être réaliserait-elle l’affront qu’on commettait, sous le couvert de la politesse…

Ce qui ne fut évidemment pas le cas, à en juger par l’interminable tirade qui s’ensuivit. Accusations de dépravation et de pédérastie, provocation en duel et menaces de mort, tout cela couronné par une impétuosité inconvenante provenant d’une femme…Leur occupante cumula une fort belle somme d’inanités en l’espace de quelques instants, prouvant une nouvelle fois pourquoi le sexe faible requerrait l’autorité de la gent masculine. Bien entendu, il n’y avait rien à craindre d’une créature qui, incapable de viser convenablement, lançait à la volée ce qui aurait dû être des piques. Rendues inoffensives par leur absence de finesse, ses flèches n’auraient pu transpercer une cuirasse semblable à celle de l’aristocrate, qui avait mené de fort plus rudes batailles au cours de son existence.

La porte se referma sur l’indésirable avec une ultime envolée de jupon. Si seulement le désespoir de ne trouver preneur avait pu expliquer sa conduite, alors, au moins, aurait-elle pu se justifier en prétendant n’avoir fait qu’exercer ses fonctions. Il semblait malheureusement que son comportement pour le moins déconcertant ne puisse être imputé qu’à un éducation douteuse. Le noble chassa cependant bien vite l’importune de son esprit, jugeant qu’un autre homme se chargerait probablement de lui indiquer le rôle qui était le sien. Tel que l’avait souligné son charmant interlocuteur, une affaire de la plus haute importance l’occupait et il se devait de la régler.

« Je remarque avec plaisir que vous perpétrez d’ores et déjà vos premières inconvenances dans cette ville, Monsieur… »

Lentement, il franchit la distance qui les avait séparés jusqu’alors, ses doigts glissant le long du bras allongé au-dessus de la table, pour finalement relever le menton de son hôte, comme pour mieux admirer la grâce de ses traits.

« Et moi qui devais me faire votre guide et vous apporter modération. Selon les dires de cette dame, je ne serais nullement un exemple à suivre et vous placer sous ma protection pourrait vous coûter votre vertu, voire votre vie. »

La force mesurée de sa main s’était peu à peu accentuée, resserrant son étreinte autour des doigts captifs et attirant par le fait même le garçon vers lui.

« Me croyez-vous désireux de vous faire du mal, Monsieur? »
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleVen 12 Jan - 1:04

La tête inclinée de côté, les lèvres étirées d'un sourire moqueur qui tendait à s'amplifier plutôt qu'à disparaître, Raffaele suivit la sortie de la jeune femme avec amusement. Les phrases s'amoncelaient en un empilement incertain de briques et à les entendre se percuter, il ne doutât pas un instant que la construction s'écroule et enfouisse la demoiselle sous de fumantes décombres.
Il ne fut pas déçu.

Elle s'enferra sans mollir dans une défense offusquée, renvoyant sur ses interlocuteurs la faute de ses propres manques et les attaques trop basses ne portèrent pas. Bien sûr, il voyait clairement l'intention de blesser dans les piques émoussées qu'elle tentait de lancer et qui s'écrasaient pitoyablement avant d'atteindre leur but. Mais l'intention était loin de suffire.
Puis, estimant sans doute son honneur lavé, elle quitta l'établissement d'un pas énergique.
Théâtrale.

Reportant son regard sur l'aristocrate, le jeune prince haussa un sourcil
.

"Quelle merveilleuse petite personne. Fascinante de maladresse. Avez-vous beaucoup de ces... distractions dans vos salons vénitiens ? Je ne vous cacherais point qu'à vous écouter vanter leurs mérites j'en espèrais toute autre chose. Mais enfin, toutes les filles faciles ne peuvent avoir la finesse d'esprit qui forge les courtisanes de renom, n'est ce pas."

Il voulu ajouter quelque chose concernant les inconvenances dont on lui faisait compliment mais la main du gentilhomme glissant sur son bras et remontant jusqu'à son visage l'en dissuadèrent. Il leva le menton sous la pression des doigts offrant son visage au regard inquisiteur de son vis à vis.

"Je suis les guides qui me plaisent, Monsieur. Et peu m'importe ce qu'en pensent les honnêtes gens. Les puritains et les fâcheux m'ennuient. Les libertins sont mes amis qui savent relever d'épices les mets fades et sans saveur que la vie nous offre chaque jour. En ce qui concerne le péril pour ma vie que représenterait votre compagnie, non seulement j'en doute... mais fut-il réél que je m'en soucierais comme d'une guigne. Je me réserve le droit de choisir mes dangers comme mes refuges. Quant à ma vertu..." Le sourire revint, éclatant de blancheur et le garçon repoussa de sa main libre la main qui lui levait la tête. "la croyiez-vous à prendre ?"

Ses doigts emprisonnés par la poigne de l'homme qui l'attirait à lui commençaient à le faire souffrir et le mouvement qu'il fit pour se dégager faillit lui coûter le ruban. Voyant en une seconde qu'il ne ferait pas facilement lacher prise à son adversaire, il modifia son jeu et, se levant brusquement, se pencha sur la table. Son genou botté glissa sur le plateau laqué et un verre se renversa, heureusement vide, le pied brisé. La pointe d'une botte encore au sol, le reste du corps au dessus de la table légère qui vacilla sous son poids, il saisit le ruban de son autre main et tira violement tandis que ses lèvres venaient effleurer le visage de Luciano.

"Je ne doute de rien venant de vous, Monsieur, et certainement pas de votre désir ni de votre talent à infliger de délicieuses souffrances ! Mais cessez et rendez-moi ce ruban ou par le Diable je jure bien de vous faire perdre toute contenance devant cette assemblée de faux-culs qui sont déjà à me blâmer de ce que je viens de faire !"

Et en effet, les dineurs aux tables les plus proches s'agitaient et les commentaires allaient bon train sous les éventails et les mouchoirs vivement portés devant les visages.
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleVen 12 Jan - 2:37

Plongé dans la contemplation de ce visage sans imperfection, Luciano délibérait intérieurement quant à la conduite à adopter pour la suite des évènements. Si son orgueil tout autant que sa curiosité lui dictaient de ne pas céder, il se devait néanmoins d’estimer les avantages et inconvénient à retirer de cette nouvelle entreprise. On l’avait chargé d’une mission et, sans écarter tout divertissement de son séjour, il ne lui fallait pas omettre le but premier pour lequel il se trouvait dans la Sérénissime. Le jeune homme était dangereux, cela ne faisait aucun doute. Il ne faisait visiblement pas partie de ces parasites qui tentaient à tout prix d’extorquer le plus possible de leurs généreux protecteurs. Ce n’était cependant pas ceux-ci qui représentaient l’espèce de mignons la plus rare et la plus risquée. Il y avait fort plus matière à se défier de jouvenceaux de haute naissance qui pouvaient se permettre n’importe quelle insolence.

Jusqu’où l’aristocrate était-il prêt à faire preuve de magnanimité? Il avait passé depuis longtemps l’âge où on s’affirme digne de l’héritage qui nous est octroyé ou celui où il était de notre devoir d’assurer le maintien dudit héritage. Désormais, après toutes ces années de labeur, il ne lui demeurait qu’une obligation de conservation, de mémoire, d’honneur envers ce nom et ce titre qu’il transmettrait à sa descendance. Une multitude de sombres affaires avaient parfois menacé d’entacher sa réputation, mais il avait toujours fait en sorte de les confiner au rang de simples rumeurs. Il considéra l’éphèbe et la perspective d’en faire une exception, contrevenant ainsi à plusieurs décennies de discernement et d’expérience.

« Merveille d’ineptie, je vous l’accorde, Monsieur. Venise, comme toutes les autres cités, en regorge, si vous prenez plaisir à briser le peu de raison dont la Nature les avait déjà dotées. J’ai bien peur, pour ma part, d’avoir fini par me lasser de ces amusements par trop banals. »

Un sourire de triomphe naquit sur ses lèvres lorsque le noble réalisa que sa dernière tactique se révélait fructueuse. Mais alors que la victoire se présentait à portée de mains, son hôte le força, plus rapidement qu’il ne l’avait anticipé, à prendre une décision quant à sauvegarder les apparences, étouffer les ragots, maintenir son statut de gentilhomme craint, à défaut d’être respecté, ou… agir pour son bon plaisir.

Peut-être fusse l’action d’éclat du garçon ou bien ses lèvres le frôlant, les regards qui convergeaient tous dans leur direction au murmure de la clientèle de ce Caffé trop policé…mais, envoyant au diable affectation et étiquette, Luciano esquissa un sourire carnassier avant d’asséner un solide coup de pied à la table brinquebalante, qui n’attendait que le moment de s’effondrer. Se redressant prestement, il la retint d’une main avant qu’elle n’aille rejoindre pâté aux anguilles et verres de vin sur le parquet ciré, alors que ses doigts arrachaient le ruban tant convoité. Empochant le lien de soie, il reprit aussitôt place sous le regard indigné de tous les individus présents. Plusieurs serveurs étaient accourus au vacarme provoqué par les plats qui s’étaient fracassés contre le sol. Nombre des gentilshommes et gracieuses dames de l’assistance figuraient parmi ses connaissances et bientôt, tout Venise serait au courant de cette affaire. La fébrilité était tangible dans l’air au parfum de scandale, mais le noble n’en avait cure. Pour le moment, du moins. Sans doute s'en mordrait-il les doigts plus tard, mais à cet instant, il ne ressentait qu'une grande satisfaction d'avoir pu remporter cette bataille.

« Votre nom, Monsieur » prononça-t-il froidement tout en rajustant sa mise.
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleSam 13 Jan - 1:23

Raffaele put lire bien des choses dans le regard de l'aristocrate et l'espace d'une seconde, il crut bien avoir remporté l'affaire. Il savait le pouvoir de sa beauté et le trouble facile qu'il donnait à être approché de trop près. Il avait juste oublié que l'attrait du danger lui faisait souvent perdre un peu la mesure des choses et qu'il lui fallait se méfier de ses penchants. Cela lui revint très vite en mémoire et de façon percutante quand il sentit la table vaciller puis s'incliner sous lui. Ses yeux s'agrandirent tandis qu'il comprenait le ridicule de la situation et qu'il s'écrasait sur le sol au milieu des reliefs du déjeuner.

Un des serveurs qui se tenait à quelques pas se précipita à son secours et voulut l'aider à se remettre sur pieds en lui attrapant le coude. Le grondement et le regard étincelant qu'il reçut pour son geste le renvoyèrent s'occuper d'une affaire dont il se rappela soudain l'urgence. Le jeune prince se releva avec lenteur en ôtant de sa paume un éclat de cristal qui s'y était fiché. Il repoussa d'un geste calme les longues mèches qui masquaient son visage, traçant sur sa joue une diagonale sanglante.
Autour de lui, écarlate statue immobile au regard brûlant fixé sur l'homme qui avait provoqué sa chute, une folie de commentaires s'était répandue dans le caffé. Plusieurs personnes s'étaient levées pour mieux voir et le nom de Luciano di Lorio faisait déjà le tour de l'établissement.
Luciano di Lorio qui lui, semblant indifférent à ce que son geste avait soulevé d'indignation, s'était tranquillement réinstallé à la table débarrassée de son repas et froidement, lui demandait son nom. Raffaele fit tourner entre ses doigts l'éclat de cristal ensanglanté qui avait entaillé sa main et récupéra ses gants qu'un valet qui les avait ramassés lui tendait. La rage qui avait menacé un instant de le submerger s'éloignait. Tout ceci n'était qu'un jeu et il avait levé un adversaire à sa mesure. Ceci était suffisamment rare pour qu'il l'apprécie et accepte de continuer la partie. Une manche venait d'être perdue et le vainqueur attendait son dû.

Le jeune prince n'eut pas besoin de réfléchir tandis que son regard ne quittait pas l'aristocrate. Donner son nom était hors de question, il perdrait l'avantage à révéler son rang et sa Maison. Peut-être même Luciano renoncerait-il au jeu, à savoir le rang de son adversaire. Le nom qu'il avait déjà utilisé dans différentes circonstances où sa réelle identité aurait été déplacée, lui vint spontanément aux lèvres
.

Reconnaissant pour un temps la défaite, il s'inclina brièvement en prononçant le nom d'emprunt.

"Raffaele Scaligeri"

Une rapide lueur illumina son regard, accoler ainsi son prénom et le nom de sa nourrice l'amusait toujours beaucoup et berner le gentilhomme lui apparaissait des plus justes.

Il fit un pas vers l'aristocrate assis et ses prunelles à l'éclat métallique fixées dans son regard, planta lentement mais sûrement le morceau de cristal dans sa paume.

"Ceci vous appartient, permettez que je vous le rende."
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleSam 13 Jan - 9:12

Trônant sur le chaos ambiant, Luciano contemplait le résultat de ses efforts se redresser avec dignité, sa douce figure voilée par sa chevelure en bataille. Le jeu en avait certainement valu la chandelle, ne serait-ce que pour le tapage qu’il provoquerait. Sa dernière action d’éclat dans la Sérénissime remontait au malencontreux décès de son épouse, suite à un terrible mal. Il allait sans dire que, si son retour n’était pas encore connu de tous, la péripétie du Caffe serait bientôt sur les lèvres de tous les habitués des salons mondains. Et, tandis qu’il soutenait ces yeux au feu dévorant, il se prit à constater qu’il ne le regrettait pas le moins du monde. Au contraire, il se réjouissait, d’une part, de sa rencontre avec le jeune inconnu et, de l’autre, du tumulte que ce dernier aurait apporté à son existence.

Patiemment, l’aristocrate attendit qu’on dépose son tribut à ses pieds. Cette rançon se présenta sous la forme de deux mots composant un nom : Raffaele Scaligeri. La saveur de la victoire fut teintée d’un arrière-goût de surprise. Il n’avait pas souvenance d’une famille influente, établie au sud, qui porta un tel nom. S’assurer de la véracité de cette affirmation serait de mise même si, pour l’instant, le noble appréciait son succès à sa juste valeur. Il avait toujours fait preuve d’une prudence, voire une méfiance passionnée pour tout ce qu’on qualifiait de vérité et la lueur de malice qu’il crut apercevoir dans les prunelles de son interlocuteur le laissa pensif. Quel secret de si grande envergure le garçon pouvait-il bien avoir à cacher, s’il s’avérait qu’il avait menti? Quelles pouvaient bien être ses origines pour qu’il soit si important de les dissimuler?

Plissant des yeux comme pour déterminer de la franchise de Raffaele, Luciano ne dévia pas son regard de celui de son cadet, alors qu’il enfonçait un éclat de verre dans sa paume ouverte. Malgré la vive douleur, il sembla même que son expression désinvolte se peigne d’amusement. Dangereux. Ce « jouvenceau » renfermait énormément plus qu’il ne voulait bien l’admettre et le gentilhomme était fort curieux de connaître ces « amusements » qui avaient éloigné sa nouvelle connaissance de sa cité natale. Si ceux-ci s’apparentaient à trancher la chair de ses conquêtes, il n’était pas étonnant qu’il ait été forcé à quitter sa famille pour quelque temps.

« Je vous remercie du fond du cœur, Monsieur Scaligeri, » murmura-t-il, son ton rendant impossible de discerner s'il se référait au bien qu’on lui avait rendu que de l’identité révélée.

D’un geste sec, il retira le morceau de cristal fiché dans sa main, ses lèvres ne formant plus qu’une ligne dure durant un instant. Le laissant choir contre le sol, il l'écrasa de son talon sans aucun regret pour le réduire en fine poudre argentée. Au moins garderait-il un souvenir impérissable, gravé à même sa chair, de cet entretien pour le moins haut en couleurs. C’était bien la moindre des choses après l’humiliation qu’il avait fait subir à son fougueux adversaire et le ruban qu’il lui avait dérobé.

Les sourcils froncés, il remarqua les sillons sanglants qui marquaient le délicieux minois de son protégé. Se saisissant d’un mouchoir de baptiste, il entreprit d’essuyer délicatement toute trace de leur échauffourée de son visage. Un ange fardé de sang n’inspirerait pas confiance à de futures victimes et il lui tardait déjà d’entendre les récits des aventures de son cher favori.

« J’espère que votre chute n’aura occasionné aucune blessure grave, car je serais désolé de vous savoir alité pour le bal populaire de ce soir, qui se tiendra au Jardin du Castello. Un tel évènement aurait été le moment opportun pour vous de faire une entrée plus ou moins officielle dans cette ville…»

Ses mains décrivirent un geste pour désigner l’établissement entier, à l’atmosphère toujours aussi échauffée.

« … quoique j’ai la forte impression que vous n’ayez déjà commencé à vous tailler une réputation en ces lieux, Monsieur. Le Florian n’avait connu pareil esclandre depuis fort longtemps et le vôtre sera à se remémorer pour les prochaines années. »

Se redressant de toute sa hauteur, il tira une bourse bien remplie de son justaucorps pour répandre quelques pièces d’argent qui scintillèrent dans la lumière du matin. Ce serait amplement pour payer les dégâts, mais jamais assez pour faire taire les mauvaises langues. Il n’avait de toute façon nullement l’intention de camoufler ces débordements et comptait plutôt tirer profit de tout ce bruit. C’était dans la tourmente qu’on pouvait en apprendre le plus sur soi comme sur ceux qu’on croyait ses pires ennemis et ses plus proches alliés.

« Me permettrez-vous donc de vous raccompagner jusqu’à bon port? Toutes les embarcations de Venise ne sont pas aussi frêles et nues. Certaines, réservées aux plus nantis, sont dotées d’abri qui vous donnerait peut-être l’illusion de ne jamais avoir quitté la terre. »

Un valet hésitant s’avança pour lui tendre son manteau et sa canne, visiblement soulagé que ces deux clients bien turbulents aillent se quereller ailleurs.

[Rive du Grand Canal]
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleSam 13 Jan - 22:15

A peine une crispation des lèvres, l'aristocrate faisait montre d'une grande maîtrise. Raffaele, qui s'était attendu à un éclat pour son acte cruel, en fut pour ses frais. Il eut une amorce de recul quand l'homme approcha le mouchoir de son visage, puis comprenant se laissa faire. Voilà qu'après avoir provoqué un scandale dont les échos devaient déjà courir la ville, il se laissait débarbouiller comme un petit garçon. Il fronça le nez quand il lui vint à l'esprit qu'il donnait l'image d'un enfant capricieux et que l'homme s'en amusait. Mais Luciano parlait à présent d'un bal qui serait donné le soir même et auquel il semblait plus ou moins le convier. Il balaya d'un geste la question d'éventuelles blessures pour se préoccuper du divertissement annoncé, le regard fixé sur les yeux du gentilhomme.

"Un bal dites-vous ? Populaire... Pourquoi pas s'il se peut que j'y trouve, au milieu des servantes et des petits bourgeois, certain divertissement de qualité."

Le jeune prince se détourna tandis que Luciano lançait quelques pièces sur la table. L'entaille dans sa paume commençait à le faire souffrir et il fit un pas de coté, se tournant vers les dîneurs les plus proches, un couple de négociants dont la femme s'éventait fébrilement. Il s'inclina avec grâce et d'un geste rapide se saisit du verre de grappa qu'on venait de servir au bourgeois. Il sourit à la femme qui blêmit en le regardant verser l'alcool sur sa blessure tandis que le mari balbutiait des protestations outrées.

"Quel affreux scandale, Madame, que ces débordements auxquels vous fûtes contrainte d'assister. Et maintenant voici que l'on vous inflige le spectacle répugnant d'une blessure. Comme je comprends votre indignation ! Mais je vous en prie, ne vous pâmez pas déjà, vous risqueriez de manquer quelque chose et le récit que vous ferez dans les salons serait incomplet, vous privant alors de votre minute de gloire."

Il se redressa et rejoignit Luciano près de la porte. On lui remit son manteau en évitant son regard tandis que l'aristocrate lui proposait de le raccompagner... par voie d'eau. Il eut une petite grimace qui passa inaperçue au moment de quitter l'établissement mais accepta néanmoins avec le sourire.

[Rive du Grand Canal]
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Ariela Accorti
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleVen 25 Mai - 16:19

[La Petite Allée aux Lions de Pierre]

La comtesse, au vu de la réaction de Flavio lorsqu’elle commenta le dessin qu’il avait donné à la jeunette Visconti, se persuada très bien que ses compliments à elle l’avaient touché. Il fallait dire qu’ils étaient bien mieux tournés que ceux de Donatella. Elle ne lui jetait pas la pierre, bien entendu, tous ne pouvaient pas être aussi doués qu’elle l’était. Mais c’était toujours un plaisir que de se sentir supérieure. Lorsque le saltimbanque répondit à leur prise de congé, elle lui adressa un beau sourire qui avait l’intéressante marque de la sincérité, ce qui était assez rare chez elle pour être noté.

Après qu’il fut partit, la baronne sembla hésiter, ne sachant trop si elle devait accepter l’invitation d’Ariela. Son malaise enfantin fit de nouveau jaillir un franc sourire sur les lèvres d’Ariela. Elle se saisit du bras gauche de Donatella et le passa sous le sien avec une énergie douce, mais qui ne laissait pas d’autre alternative que de la suivre, ou de se dégager violemment.


« Allons, allons très chère, vous ne voudriez tout de même pas vexer une comtesse en refusant son invitation parce que certaines personnes vous considèrent encore comme une enfant ? » fit-elle sur un ton de plaisanterie, en jetant un coup d’œil vers le chaperon.

Cette vieille peau la gênait particulièrement. Après tout, Donatella en avait évidemment un grand besoin, puisque contrairement à ce que la comtesse venait d’évoquer, c’était encore bel et bien une enfant. Mais une enfant sans tuteur est beaucoup plus intéressante à travailler qu’une jeune dame doublée d’une prude de bon conseil. Heureusement, Donatella était visiblement gravement atteinte, et cela pourrait sans doute l’amener à se comporter de manière imprévisible. Ce qui faisait que le jeu en valait la chandelle. Cela allait beaucoup divertir Ariela, même si cela ne lui procurerait pas autant de jouissance que d’humilier publiquement un certain monsieur Scaligieri.

Elle entraîna la baronne à sa suite, profitant du trajet pour montrer aimablement à Donatella quelques unes des merveilles d’art que les bosquets du Castello ou les façades des palais vénitiens recelaient. Elle évita de rentrer dans les détails comme elle pouvait avoir l’habitude de le faire avec des gens de goût, consciente que le petit cerveau de sa compagne n’était pas à même d’assimiler grand-chose. Elle dut se retenir pour éviter de prendre un ton condescendant, et continua d’afficher sa figure de femme aimable et ravie de sa compagnie.

Elles arrivèrent bientôt au Caffe Florian.


« Nous voilà rendues, mademoiselle Visconti. Le Florian est un établissement renommé et on y croise tous ceux qui font l’élite de Venise. Et les consommations sont à la hauteur de leur réputation. »

Une fois à l’intérieur, Ariela se dirigea vers une table qui lui tait chère, car on pouvait englober toute la salle et surtout ses consommateurs, et les regarder s’agiter bêtement. Quant Ariela avait grand besoin de se moquer des autres rien que pour elle, c’était là qu’elle venait, elle pouvait se faire des jugements acides sur tous ceux qui passaient là, c’était un de ses petits plaisirs. Elle notait régulièrement les plus belles piques que son esprit inventait dans ces moments là. Elle vouait un culte à ses bons mots, même lorsqu’ils ne sortaient pas de ses lèvres.
Mais cette fois-ci, elle n’avait cure de la salle. Elle offrit la banquette du fond à Donatella et s’assit en façe d’elle, ne laissant pas les images des autres méchants sans esprits présents la troubler. Un beau mur, avec la douce et tendre devant, c’était parfait comme cela.

Lorsque le garçon s’approcha d’elles pour prendre leurs commandes, elle s’adressa à lui d’un ton de commandement naturel.


« Je prendrais un café Royal. Sans sucre et sans crème. Et vous, que buvez-vous, Donatella ? »

*De l’eau à la rose, peut-être ?* Pensa-t-elle. Elle fut d’abord fière de son trait d’esprit, puis se maudit d’avoir oublié son carnet à bons mots.

Lorsque les boissons arrivèrent devant elles, Ariela leva son verre.


« A vos premiers jours à Venise, aux rencontres de hasard, et surtout à vous. Notre beau monde manque par trop de personnes comme vous. »

La comtesse trempa ses lèvres dans la boisson chaude. Elle affectionnait tout particulièrement le café Royal, car il lui ressemblait : de la chaleur douce en accord de tête, n’effaçant en rien la sauvagerie insidieuse de l’alcool en accord de coeur, ni le charme entêtant de l’ivresse promise en accord de fond. Oui, c’était tout elle, dans une tasse. C’était tout naturel qu’elle apprécie cette boisson. Elle désespérait de trouver un jour un parfum qui traduise cet état d’esprit. Elle avait bien pensé à se parfumer au café Royal, mais ce n’était malheureusement pas une utilisation très envisageable.

« Dites moi, chère baronne, je suppose que vous devez avoir des protecteurs sur Venise… Oui, vous en avez, j’en jurerai. Laissez moi deviner… Une femme de votre classe ne peut sans doute pas être invitée à résider chez n’importe qui… Je dirai Adorasti. Ou Grazziano, peut-être. Suis-je dans le vrai ? »

La question était dite de manière anodine. De toutes façons, cela n’avait pas grande importance pour elle, mis à part le fait qu’elle saurait ou trouver Donatella lorsqu’elle aurait besoin d’elle, plus tard. Vu que la petite semblait plutôt sédentaire, elle ne bougerait sûrement pas beaucoup de son palais.


Dernière édition par le Ven 25 Mai - 22:20, édité 1 fois
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Donatella Visconti
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleVen 25 Mai - 20:49

[La Petite Allée aux Lions de Pierre]

Alors que sa gouvernante lui faisait un signe indifférent de la tête pour la laisser décider, Ariela lui fit comprendre à sa manière que pour elle, c'était tout décidé. Saisie par le bras sans violence mais sans concession non plus, il n'en fallut pas plus à Donatella pour capituler et se laisser emmener. Après tout, il n'y avait rien de mal à aller se réchauffer avec une bonne boisson chaude et pour une fois qu'elle éveillait l'intérêt de quelqu'un, même s'il ne s'agissait pas d'un homme, elle n'allait pas s'enfuir.

"Oh non... loin de moi l'idée de vouloir vous vexer, madame.. je.. j'accepte volontiers votre invitation." dit-elle en trottinant aux côtés d'Ariela.

Elle ne releva pas la remarque que la comtesse lui fit sur le fait qu'elle était considérée comme une enfant par certains, mais sa gouvernante oui. Cependant celle-ci resta effacée, se contentant de jeter un coup d'oeil sur la jeune femme.

Docile, Donatella s'extasia sur chaque chose que lui montrait la comtesse durant leur trajet jusqu'à la Place Saint-Marc même si les façades vénitiennes ne l'attiraient pas plus que cela. En revanche, elle observa attentivement le Caffé lorsqu'elles arrivèrent à destination. Elle aimait bien ce genre d'endroits mais cela l'intimidait aussi un peu car il y avait toujours beaucoup de monde.

Elle suivit la comtesse jusqu'à une table et s'assit à la place qu'elle lui désigna. Personnellement, elle aurait préféré tourner le dos à la salle plutôt que d'y faire face, lui évitant ainsi d'être confrontée aux regards des gens, mais Donatella ne souhaitait pas contrarier Ariela.

Lorsque vint le moment des commandes, Donatella chercha une réponse très vite. Elle avait la fâcheuse tendance à être constamment indécise sur tout et lorsqu'on lui donnait le choix sur n'importe quoi que ce soit, cela pouvait durer très longtemps.


"Et bien, je.. heu.. la même chose s'il vous plaît, mais avec du sucre et de la crème pour moi." trancha-t-elle avant de se pencher vers Ariela avec un sourire amusé. "Je n'ai jamais goûté encore un café Royal !"

Si c'était royal, ça devait certainement être bon. Mais ce qu'elle ignorait c'est qu'il y avait de l'alcool dedans. Et bien sûr, Donatella n'aimait pas trop ça et évitait d'en boire autant que possible.

"Oh, merci madame, vos paroles me flattent. Mais je n'ai rien d'extraordinaire vous savez, pour qu'ainsi je manque au beau monde comme vous le dites." dit-elle en levant sa tasse.

Donatella souffla légèrement sur la surface de la boisson et en but une grosse gorgée. Lorsqu'elle prenait une boisson, c'était pour la boire et pas pour y tremper simplement les lèvres. Lorsqu'elle sentit le liquide lui piquer le fond de la gorge, des larmes embuèrent ses yeux et ses joues s'empourprèrent. La jeune fille reposa la tasse et toussa dans sa main.


"C'est.. très bon.. heu.. spécial..." dit-elle en regardant le liquide suspect. "Mais qu'est-ce qu'il y a dedans pour qu'il soit royal ? Ca pique..."

Commençant à avoir chaud, la jeune fille s'extirpa de son manteau. Bien entendu, lors de ses gesticulations, son bras tendu renversa une plante posée sur un petit guéridon. Le pot chuta et renversa de la terre mais heureusement ne se brisa pas.

"Oh non, quelle maladroite." s'exclama-t-elle en essayant de ramasser la terre pour la remettre dans le pot. Mais aussitôt un laquais la remplaça en s'excusant, visiblement surpris de son initiative.

Gênée et rouge pivoine, Donatella tendit ses mains sales vers sa gouvernante pour qu'elle les essuie avec son mouchoir. Une fois cela fait, elle répondit à la comtesse qui lui posait une question plutôt flatteuse. Quand elle parla de protecteur, la jeune fille manqua répondre qu'elle avait sa gouvernante mais comprit qu'elle faisait fausse route en entendant la fin de la question.


"Oui c'est ça ! Comment avez-vous deviné ? J'ai été invitée par le prince Grazziano ! Vous savez, mes parents et eux se connaissent, alors c'est normal.." dit-elle, modeste.

"Il est très gentil et très charmant aussi ! Mais il est aussi un peu impressionnant, mais ça c'est normal, il est prince." expliqua-t-elle comme une évidence.
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Ariela Accorti
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleSam 26 Mai - 14:59

Ariela pensa un instant arrêter sa compagne lorsque celle-ci demanda à son tour un Royal. Elle se doutait bien que la jeunette ne savait pas ce qui se cachait derrière cette appelation. Elle était trop sage pour toucher déjà vraiment à l’alcool, fut-il noyé dans du café. Mais son instinct reprit le dessus et elle laissa faire. La réaction de la baronne sur le contenu de son verre pouvait se révéler plaisante.

« Oh, vous savez, ne rien avoir d’extraordinaire est devenu une vertu dans le beau monde, de nos jours. Les gens ne savent plus être simples. Ils ne savent plus dire un mot sans le charger d’arrière-pensées, ne savent plus échanger sans se soupçonner les uns les autres… Ils font de l’esbroufe, se montrent, se pavanent… Et sont totalement vides au fond. Rencontrer quelqu’un qui aspire à un certain naturel est une bénédiction pour moi. »

Ce qui était vrai, dans un certain sens.

La Visconti goûta à son verre. La réaction ne se fit pas attendre. Entamer une boisson spiritueuse -celles du Caffe Florian étaient plutôt corsées, et Ariela appréciait beaucoup leur manière de les préparer- par une grande gorgée, quand on n’en a pas l’expérience… Donatella toussa et pleura, avant de s’emmêler en tentant de commenter le café, ce pour le plus grand plaisir de la comtesse Accorti.


« Du cognac, ma chère, du cognac. Je vous accorderai volontiers que ce genre de boissons n’est pas forcément la plus agréable pour une jeune femme. »

Elle porta son verre à ses lèvres et en but une longue rasade, sentant avec délice la brûlure descendre le long de son œsophage pour lui réchauffer le ventre. La comtesse se retint d’éclater de rire lorsque Donatella, se débattant avec son manteau, fit tomber une plante en pot. C’était vraiment magnifique, inespéré. Ariela commençait à comprendre pourquoi elle avait plu à Demetrio. Deux grands innocents maladroits pouvaient former une belle paire. Son génial instinct infaillible ne l’avait encore une fois pas trompée. Pour cacher le sourire amusé et satisfait que la mésaventure de la baronne lui inspirait, elle replongea dans son verre jusqu’à ce qu’il soit revenu à des proportions aimables et dénuées de moquerie. Elle ne commenta pas le petit accident de Donatella.

Ah, Grazziano, donc. Elle était donc bien liée à l’une des deux maisons vénitiennes d’importance capitale. C’était une bonne chose. Il lui fallait renouer rapidement des contacts dans les deux lignées, et la baronne était un moyen comme un autre de se faire ouvrir régulièrement les portes des Grazziano.


« Je ne connais que peu le prince Ugo, mais il m’a semblé un des meilleurs hommes du monde. »

Elle n’en pensait pas un mot. Ugo était prince, donc il était corrompu par son pouvoir. C’était bien connu, personne n’avait une âme assez belle pour ne pas succomber dans de telles conditions -à part Ariela, bien entendu, puisqu’elle était la pure parmi les loups.

Elle regarda sa montre, sortie avec grâce d’un repli de son vêtement, et constata avec une légère surprise que l’heure tournait plus qu’il ne semblait. Elle se laissait emporter par son occupation du moment. Il fallait dire que Donatella était assez fascinante.


« Oh ! J’ai bien peur de n’avoir plus que quelques minutes à vous accorder, quel dommage… Mais dites-moi, vous n’êtes pas venue à Venise pour vous marier ? Excusez-moi, c’est une question des plus impolies, mais ces derniers temps, les mariages arrangés semblent être à la mode, et cela me peinerait de vous savoir ici pour prendre un époux que vous ne connaîtriez ni d’Eve ni d’Adam. Tenez, rien que chez les Grazziano, la pauvre princesse Bianca ne semble pas bien heureuse en ménage… C’est un bien triste sort, je trouve, que de se marier à l’aveuglette parce que nos parents en ont décidé ainsi. Excusez-moi encore si cette interrogation vous dérange, mais c’est la présence de votre chaperon qui me fait penser cela. Et je suis une incorrigible curieuse… »

Elle fit un petit sourire un peu embarrassé, profitant d’une gorgée de boisson alcoolisée pour se faire monter le rouge au joues.
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Donatella Visconti
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleLun 28 Mai - 23:19

"Du.. du cognac... C'est.. oh mais non.. au contraire... c'est agréable.. pour se réchauffer." dit-elle en essayant de paraître convaincante.

La jeune fille leva les yeux vers Ariela qui buvait sa tasse sans ciller. Elle était une grande dame, et si elle-même ne buvait pas sa tasse, elle passerait pour une petite fille. Il fallait donc se forcer mais c'était à retenir : ne plus jamais prendre de café royal.

Donatella regarda son verre comme s'il allait lui sauter au nez pour le lui mordre. Elle inspira profondément, bloqua sa respiration et but d'un trait le reste de la tasse. Le bon côté, c'est qu'elle sentit nettement moins la brûlure de l'alcool dans sa gorge. Le côté moins bien, c'est que cette manoeuvre lui avait donné le hoquet. Elle tenta malgré tout de répondre à la comtesse.


"Alors vous.. hh... vous pensez qu'il vaut mieux rester.. hh... naturel plutôt que de tenter de.. hh... de se mettre en valeur en pavanant ? Si tout le m.. hh... pff tout le monde était comme vous... j'aurais déjà.. hh... trouvé un mari..." dit-elle tandis que sa gouvernante lui tapotait le dos.

Donatella sentit l'effet du cognac lui réchauffer les joues et un léger sourire s'accrocha à ses lèvres sans qu'il semble vouloir s'effacer. Elle hocha un peu la tête quand Ariela fit comprendre que l'heure avançait. Elle devait elle aussi aller se préparer pour le bal du soir et essayer de convaincre sa gouvernante qu'elle ne voulait pas que son corset soit trop serré.


"Oh ? Mais les mariages arrangés ne sont pas une mode madame... c'est l'usage qui le veut pour les dames de la noblesse. Je.. je pensais que vous le saviez..." dit-elle sans penser que cette remarque pertinente pourrait terriblement vexer la comtesse.

"Je suis venue à Venise pour me marier mais.. enfin non.. plutôt pour trouver un mari... c'est légèrement différent.."

En fait, elle aurait préféré qu'on lui en donne un d'office, ça aurait été moins compliqué.

"La princesse Bianca devrait être heureuse de sa situation !" dit-elle avec un peu plus de véhémence qu'elle ne l'aurait souhaité. Le cognac la rendait visiblement un petit peu moins timide et plus sûre de ses opinions.

"Excusez-moi.. je veux dire.. qu'elle n'a pas trop à ce plaindre je crois... Tiens, je n'ai plus le hoquet !" fit-elle remarquer, l'air ravie.

"Et mon chapon... heu.. mon chaperon, enfin ma gouvernante, m'aide... elle m'aide pour ça, et aussi pour tout le reste." dit-elle en offrant un grand sourire gai à sa gouvernante qui pensa alors qu'il était grand temps de rentrer se rafraîchir.
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleMar 29 Mai - 11:38

La comtesse fut soudain très dépitée de ne pas être un chat, tant elle avait envie de ronronner. Elle aurait bien voulu qu’un dessinateur soit là pour saisir l’expression merveilleuse que prenait le visage de sa compagne lorsque celle-ci but la tasse d’un trait. Ariela sirota plus lentement son café, dégustant avec plus d’attention maintenant qu’elle était arrivée à ses fins. Le hoquet était la cerise sur le gâteau.

Evidemment, boire d’un trait une tasse, quand on n’est pas habitué à l’alcool, et qu’on n’a apparemment pas une constitution phénoménale, cela montait rapidement à la tête. Rouge au joues et petit sourire stupide d’ivresse légère, un beau portrait, assurément.

« Je le savais, bien évidemment. C’était une façon de parler. » Répliqua-t-elle d’un ton conciliant à la remarque de la baronne.

Elle écouta avec attention Donatella expliquer qu’elle venait à Venise découvrir l’homme de sa vie puis partir dans une étonnante élocution su le sort de la princesse Bianca. En voilà une que l’alcool faisait parler. A tord et à travers, d’ailleurs. Pour une femme arrivée seulement depuis quelques jours, préjuger de la situation de la sœur du prince Grazziano… En réponse, elle susurra :

« Hélas, mon petit, je crois que vous vous faites beaucoup d’illusions sur nos tendres amis les hommes. Bianca n’a je crois pas eu la chance d’être mariée à quelqu’un de la trempe de son frère. Le prince Elio n’est à mon avis pas aussi bon homme que votre connaissance, du moins n’est-il aucunement galant avec son épouse. Je ne crois pas que la princesse soit heureuse avec lui, loin de là. Tenez, il s’intéresse tellement à elle qu’il n’a semble-t-il pas su la mettre enceinte… »

Elle fit une pause quelque peu théâtrale, replongeant ses lèvres dans le liquide adoré, avant de reprendre, sur un ton de mélancolie prononcée, comme si elle était plongée dans de sombres souvenirs qui lui déchiraient le cœur :

« L’homme est souvent volage, dépensier, inconséquent, ivrogne, stupide, méchant, j’en ai moi-même fait l’amère expérience. »

*Mais m’avoir déçue t’a coûté très cher, n’est-ce pas, monsieur Caprara ?* Pensa-t-elle avec un plaisir presque orgasmique en caressant discrètement le long de sa cuisse sa dague fétiche, dissimulée dans son vêtement, et qui ne la quittait plus jamais. Elle évita bien sûr de préciser à Donatella ce qu’elle pensait des femmes, le portait n’étant pas des plus reluisants non plus. Volages, dépensières, idiotes, bavardes, méchantes…

« Mais vous avez peut-être de la chance… Votre naturel n’attirera sans doute pas les plus mauvais, qui préfèrent les femmes surfaites. Si un homme vous approche un jour prochain, vous pourrez sans doute décemment espérer que ce soit un homme de bien. »

*Ce sera avant tout un imbécile.*

Après avoir achevé ces mots sur un ton chargé d’une légère nuance de tristesse personnelle, la comtesse finit sa boisson et fit une nouvelle pose théâtrale. Puis, elle releva les yeux, et riva intensément son regard dans celui de la baronne, laissant un sourire renaître sur ses lèvres. Elle n’arriverait pas à se débarrasser du chaperon. Tant pis, elle ferait sans.

« Oui, je crois que vous méritez qu’on s’intéresse à vous. »

Elle s’était levée, et rapprochée de Donatella. Sans prévenir, sa main gauche fusa sous la chevelure de la jeune fille et se plaqua sur la peau chaude de sa nuque, en une étreinte douce mais pleine d’assurance. Elle se baissa et posa ses lèvres sur celles de la baronne, tandis que sa main droite venait caresser doucement ses cheveux sur l’arrière de son crâne. Elle ne resta pas longtemps ainsi, le temps d’un baiser fugitif, mais suffisamment prolongé pour goûter à la géométrie pulpeuse de la baronne -après tout, une belle paire de lèvres restait une belle paire de lèvres, même si leur porteuse était une petite gourde de la trempe de Donatella.

Elle se sépara rapidement de la Visconti, laissant sa main gauche glisser le long de sa joue, index tendu, pour venir s’appliquer à son tour sur la bouche de la baronne.

« Peut-être nous croiserons nous au bal de ce soir, mademoiselle Visconti. »

Elle ne regarda pas la jeune femme dans les yeux, s’arrangea pour rougir un peu, et s’en fut avec vivacité, sans attendre quelque réponse que ce soit. Elle ne put s’empêcher au passage de jeter un coup d’œil rieur au chaperon.

*Allez ma petite, maintenant, débrouille toi avec ça.*

Elle sortit du Florian sans chercher à voir si quelqu’un avait vu son geste. Elle n’en avait cure. De toutes façons, des rumeurs circulaient déjà sur elle. La simple idée de l’état de confusion dans lequel elle avait sans doute placé la baronne illuminait la journée. Elle repartit chez elle d’un pas vif, un grand sourire -parfaitement sincère cette fois- peint sur le visage, pour se préparer pour le bal. Elle ne savait pas exactement ce que ferait Donatella suite à cela, et cet état de fait l’excitait beaucoup. La suite des évènements allait être follement amusante.


[Calle Trevisi-La Maison d'Ariela Accorti-La Chambre d'Ariela]
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Donatella Visconti
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 6 PerleVen 8 Juin - 22:33

Comme Ariela se mit à susurrer, Donatella se pencha légèrement sur la table pour entendre ses paroles concernant la princesse Bianca. Sa bouche s'arrondit en un "o" d'étonnement.

"Hoo, la princesse est donc si malheureuse ? Connaissez-vous le prince Elio Adorasti pour ainsi m'assurer cela ? Mais.. s'il n'ont pas d'enfants.. c'est grave, ils n'auront pas d'héritiers, ça ne se fait pas..." dit-elle, légèrement contrariée que ses idéalisations princières ne se vérifient pas.

Donatella s'enfonça de nouveau sur son siège, dos contre le dossier. Elle soupira à la révélation suivante de la comtesse.


"Si les hommes sont vraiment tels que vous me les décrivez.. je ne suis pas prête d'être mariée..." ajouta-t-elle l'air dépité. Et elle ne voulait pas décevoir ses parents.

"Oh vous croyez ? Bien alors je vais suivre votre conseil et rester moi-même en espérant que mon.. comment avez-vous dit ? ... naturel intéressera un homme gentil et attentionné." conclut-elle, l'air un peu moins déprimé.

"C'est gentil. Vous savez, peu de gens ont votre opinion." répondit-elle poliment à son compliment.

Alors qu'elle levait de nouveau son nez de sa tasse vide, elle vit soudain la comtesse qui s'était levée, s'approcher d'elle. D'un mouvement instinctif, Donatella se pencha un peu en arrière, écrasant légèrement sa gouvernante. La jeune baronne ouvrit des yeux ronds immenses en sentant la main de la jeune femme glisser sous ses cheveux et se poser sur sa nuque.


"Qué..." Ebauche de "Qu'est-ce que j'ai ? J'ai une tache sur la figure ?" ou encore de "Qu'est-ce que vous faites ?". Sûrement un mélange des deux phrases qui n'eurent pas le temps de franchir ses lèvres car la baronne venait d'en prendre possession sans qu'elle ne puisse rien faire pour l'éviter.

Quand Ariela se recula, Donatella avait toujours les yeux écarquillés de stupéfaction. Elle ne répondit même pas à la dernière phrase de la jeune femme tellement elle était statufiée. Ce n'est que quand la comtesse eut disparu de son champ de vision que la jeune fille sembla reprendre vie. Cependant, ses yeux étaient toujours aussi grands qu'auparavant et son visage entier avait pris une couleur cramoisie. Elle bredouilla à sa gouvernante qui avait froncé les sourcils, les yeux rivés vers la porte du caffé.


"Mais.. qu'est-ce qu'elle a... pourquoi elle a... ?"

Puis Donatella sembla se remettre totalement et ses yeux reprirent une taille normale. Elle imita sa gouvernante et regarda la porte du caffé d'un air de reproche comme si Ariela était toujours là.

"Oh je comprend mieux maintenant pourquoi madame s'intéressait tant à moi. Seulement, je ne pensais pas que je l'intéressais de cette façon là. Qu'elle n'essaye plus de s'approcher de moi celle-là." affirma-t-elle d'un ton sec, approuvée d'un hochement de tête de sa gouvernante.

Celle-ci se leva et tendit son manteau à Donatella qui l'enfila prestement tout en lançant un regard noir à homme d'un certain âge qui la regardait d'un air amusé.


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