VENISE
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 L'Estrade des Musiciens

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Pourpre
Du Bout des Doigts
Pourpre


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MessageSujet: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleSam 15 Avr - 21:00

...
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Rossana
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleDim 16 Avr - 1:49

[Les fauteuils côté gauche]

Rossana, le visage encore empourpré de sa conversation avec le prince, arriva à proximité de l'estrade des musiciens.
Elle regarda subrepticement par dessus son épaule, dans l'espoir de croiser le regard doré d'Elio Adorasti, mais il était déjà en grande conversation avec un grand homme aussi maigre que tordu (du moins, ce fut l'impression qu'il fit à la musicienne) et avec une femme vétue d'une robe d'un rouge éclatant. Son coeur se pinca. Qu'espérait-elle? Une marque d'affection?
Elle chassa ces idées ridicules de sa tête et se maudit une fois encore de sa naiveté. Le prince avait entendu un de ces concerts, il l'avait invitée pour egayer sa soirée. Fin de l'histoire. Pas de sentiments, d'amitié, d'affection, ni rien d'autre. Décidément, elle était bien plus romanesque qu'elle ne l'aurait cru ! Une vraie jouvencelle !


*Ridicule!*

Elle chassa ses idées noires de son esprit et releva aussi gracieusement que possible sa robe pour monter sur l'estrade.
Les musiciens étaient occupés à jouer une toccata et l'un d'entre eux fit esquissa un geste pour achever le morceau mais Rossana l'arrêta d'un bref mouvement du poignet, accompagné d'un sourire. Il n'était pas nécessaire de s'interrompre pour elle... Elle attendrait.

Elle caressa du bout des doigts le magnifique clavecin bariolé. Une oeuvre baroque, et une oeuvre de maître ! Des feuillages entrelacés étaient sculptés en bas relief et peints de couleurs vives, les petits chérubins étaient même dorés... Elle réprima l'envie de se pencher pour observer si c'était de la feuille d'or, ç'aurait été on-ne-peut-plus-déplacé. Mais elle se promit que si elle avait l'occasion de revenir, elle prendrait le temps de s'attarder sur ce détail.

La toccata touchait à sa fin.
Avec la dernière note les trois musiciens déposèrent leurs instruments et Rossana les salua chaleureusement.
Elle les connaissait et avait déjà joué avec eux, Venise était un monde si fermé !
Roberto Marinelli au violon, Piettro Zaccaron à la flute et la gracieuse Flavia da Ros au luth. Elle portait une robe unie rouge très foncée, à reflets marrons. Aucune babiole, et pas d'autres bijoux que cette fine chainette autour de son cou. Rossana admira l'habileté avec laquelle Flavia avait choisi sa toilette : cette robe austère sublimait la blancheur de son teint et l'épaisseur de sa chevelure. Dans cette tenue, elle ressemblait à une poupée de porcelaine et attirait sur elle tous les regards, tout en étant un ensemble suffisement simple pour certifier de sa position sociale. Très habile, vraiment ; à la fois une flatterie habilement dissimulée pour tous les invités de marque, et une façon de se montrer.
Rossana trouva subitement sa robe trop voyante, avec ce gris perlé chatoyant. Quelle faute de goût!

Il fallait se concentrer sur la musique, à présent. Les toilettes, les parfums et les bijoux, c'était le souci des nobles et non pas le sien, pauvre petite bougeoise rêveuse !
Et il était temps d'offrir un peu de rêve à tous ces invités. Elio Adorasti attendait beaucoup d'elle, il était temps d'honorer sa requête.

Elle s'assit enfin à son clavecin et caressa les touches d'ivoire.

La musicienne consulta dans un murmure les musiciens afin de choisir le morceau, puis elle déposa son éventail sur ses genoux et fit délicatement glisser son chapelet de son poignet afin d'éviter que les perles d'argent ne frappent les touches de l'instrument.



Elle respira profondément... puis commença à jouer une Sonate de Domenico Scarlatti.

(c'est à télécharger)
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Chiara T
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleLun 17 Avr - 23:09

[Office]

Chiara suivait celui qui semblait être le majordome de la Maison. Le jeune homme blond la guida à travers les couloirs jusqu’à une porte derrière laquelle on pouvait entendre le bruit des rires et conversations. Mais ce qui frappa d’abord l’oreille de la jeune femme, ce furent les notes claires du clavecin. Elle reconnut une sonate de Scarlatti en adagio, elle sourit car le jeu dénotait une grande maîtrise de l’instrumentiste et cela lui rappela les nombreuses représentations qu’elle avait donné avec son père à ses côtés. A l’idée de chanter pour la première fois sans son père, Chiara frissonna et déglutit tandis que ses yeux lui piquaient.

Elle fit signe au majordome de lui laisser quelques minutes afin de reprendre empire sur elle-même. Elle inspira profondément. Certes, elle ferait son récital sans son père mais il lui avait appris tout ce qu’il savait et avec une telle formation, elle ne pouvait que réussir. Elle était la fille de Maître Trevisani de Naples et ce n’était pas comme si c’était sa toute première représentation. Elle expira alors que le calme lui revenait.

Avant d'entrer et alors qu’elle remettait sa mante et ses gants au domestique, Chiara vérifia sa tenue car l’inquiétude du jeune page l’avait pressée. Elle avait pris quasiment la première robe qui lui venait sous la main. Heureusement la chance lui avait souri et maintenant, elle portait une robe de soie ivoire et de damas fleuri qu‘elle lissa pour en arranger les plis. Intérieurement Chiara adressa une prière de remerciement au tailleur français qui l’avait faite. Simple dans sa coupe, le tissu dénotait tout de même une certaine aisance financière, somme toute très relative pour la jeune femme, mais elle n’allait pas le crier sur tous les toits. Elle n’allait pas mendier non plus. Elle arrangea quelques mèches échappées de son chignon et fit bouffer les boucles blondes qui cascadaient dans sa nuque. Pour finir son rituel d’avant scène, elle se signa et caressa le seul bijou qu’elle portait à savoir la petite croix dorée à son cou.

Enfin, elle entra poussant la petite porte près de l’estrade. Elle resta une ou deux minutes près de l’entrée éblouie par la lumière très vive de la salle après celle plus ténue du couloir. Puis ses yeux enfin habitués, elle se permit d’observer la salle et les invités en attendant que la musique s’arrête et qu’elle puisse parler à la claveciniste qui devait aussi diriger l’orchestre.

Elles devaient se mettre d’accord sur le morceau à interpréter et vu tout le beau monde présent, il allait falloir leur faire honneur et donner le meilleur d’elle-même. Elle soupira puis s’ébroua. Les dernières notes s’égrenèrent dans la salle et quelques applaudissements vinrent saluer la prestation. Chiara inspira puis s’avança lentement dans la lumière. Marchant comme un cygne glissant sur l’onde, elle s’approcha de la femme qui avait achevé son morceau. S’inclinant respectueusement vers elle, elle dit :


« Bonsoir je suis Chiara Trevisani, cantatrice. »
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Rossana
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleMer 19 Avr - 9:48

Rossana, concentrée sur son clavier, n'avait pas vu la jeune femme approcher.
Quand celle-ci la salua elle se leva aussi prestement que l'étiquette l'autorisait et la salua à son tour. La Trevisani n'était point LA Verucci, cependant elle avait entendu parler d'elle ; le cercle des musiciens de Venise n'était pas aussi étendu qu'on pourrait d'abord le croire!

Elle la salua donc respectueusement.

"Mademoiselle, c'est un honneur de vous être présentée. Voici Monsieur Marinelli, monsieur Zaccaron et Mademoiselle da Ros."

Les trois intéressés s'inclinèrent poliment.
Rossana profita de cet instant "d'inattention" de la part de Chiara pour observer sa robe. On aurait dit une confection française, il n'y avait pas ce genre de coupe à Venise... C'était une robe à la dernière mode! Comment une cantatrice pouvait-elle s'offrir une robe à la dernière mode de France? C'etait un mystère qu'elle se promit d'élucider... Plus tard. Après tout finalement, ça n'avait que peu d'importance : l'important était de réjouir le Prince! Le reste pouvait attendre.

"Votre voix manquait à cette soirée, ajouta Rossana en souriant. L'heure est aux rires et au divertissement, et je pense que Leurs Grâces apprécieraient un Cantate guillerette, qu'en pensez-vous?"

A toute vitesse, Rossana essayait de se remémorer les morceaux d'accompagnement qu'elle connaissait. La Trevisani était contralto, mais la plupart des partitions de sa connaissance étaient en soprano. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'elles connaissent un compositeur qui leur permette de s'accorder! Vivaldi peut-être? C'était un classique mais après tout il n'était mort que depuis quelques années et chacune de ses compositions était un succès. Il y avait là de très belles partitions chantées tout à fait joyeuses, qui sieraient parfaitement à l'ambiance divertissante de la soirée.
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Chiara T
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleMer 19 Avr - 22:41

La claveciniste la salua avec grâce puis présenta les autres musiciens qui les accompagneraient. Chiara ne reconnut que le sieur Marinelli dont son père vantait toujours l’habilité au violon. Les autres, elle avait dû en entendre parler mais sans plus. Ou peut-être aurait-elle dû mieux écouter son père qui lui connaissait beaucoup de musiciens tant en Italie qu’en France, ainsi elle aurait pu profiter de son réseau.

*À la réflexion, non, se dit-elle, ces gens avaient du respect pour le maestro Trevisani mais sa fille n’était rien d’autre que sa compagne en musique. Voilà ce qu’ils penseraient.*

C’était à elle de faire ses preuves, seule et avec courage. Elle se secoua mentalement pour revenir à l’instant présent et sourit avec courtoisie aux musiciens. Elle les salua d’un aimable signe de tête pour en revenir à la femme qui semblait décider des pièces à jouer.

Elle écouta son interlocutrice avec attention tandis que le reste de l’orchestre reprenait une petite musique en sourdine. Ils étaient là pour divertir et ils divertissaient, de même cela permettait de faire patienter le temps qu’elles se mettent d’accord sur la cantate à interpréter. Elles discutaient entre elles à voix basse lorsque Chiara proposa :


« Je pense qu’un air de Vivaldi serait le meilleur choix. La ville de Venise l’a vu naître, vivre et mourir, on ne peut faire mieux. De plus, son œuvre est assez riche pour que nous trouvions un air gai et entraînant. Qu’en pensez-vous, Madame… ? »

Elle achevait sa phrase sur une double interrogation tout en restant souriante et courtoise. Elle voulait connaître l’avis de la claveciniste sur le morceau mais aussi connaître son nom. Cette dernière avait omis de se présenter et pour Chiara, il lui était difficile de l’appeler Madame la claveciniste, cela n’était guère poli.

En attendant la réponse, elle posa ses yeux clairs sur la femme la regardant franchement et obligeamment. Elle remarqua que la femme était encore accorte malgré les quelques rides aux coins des yeux et le soin qu’elle avait apporté à son apparence soulignait son bon goût. Chiara jeta un coup d’œil autour d’elle et nota que les invités avaient leurs plus beaux atours. Cela lui rappelait certaines soirées auprès des grands de Paris, elle sourit en se disant que rien ne changeait d’une cour à une autre. Les mêmes masques bouffis de suffisance et d’imbécillité se mouvaient dans la salle. Qui à part quelques élus pourraient comprendre la beauté de la musique ? Qui parmi eux n’étaient pas là dans l’unique but de montrer qu’il était dans les petits papiers du maître de céans ? Même elle, était là dans l’espoir d’y trouver un mécène voire pourquoi pour que le Prince le devienne. Le sourire qui joua à nouveau sur ses lèvres était plein d’ironie pour la situation.

Elle revint au concert en se penchant vers la musicienne et ajouta :


« Je suis contralto, vous le savez, peut-être. Nous devrons adapter l’œuvre d’un ton plus bas pour que ma voix s’y accorde. Car malgré l‘entraînement de mon père, je ne monte pas aussi haut qu’une soprano ou un castrat. Mais je suis certaine que vous vous en sortirez sans mal puisque le Prince vous a choisi pour éclairer cette soirée de votre habileté. Votre interprétation de l’adagio était superbe. »
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Rossana
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleMer 26 Avr - 13:31

Rossana piqua un fard, que la poudre ne suffit pas à cacher. Elle avait omis de se présenter! Elle résista à l'envie de plaquer ses mains sur sa bouche dans un mouvement de panique et fit de son mieux pour ignorer les picotements qui lui montaient aux joues. Elle devait être plus rouge que la robe de cette dame à côté du prince!
La musicienne fit de son mieux pour garder son sang-froid et son calme, pour calmer son coeur. Quelle idiote! Voilà ce qu'il en coûte que de prétendre à plus que ce que l'on est! C'était un manquement à l'étiquette qui ne serait sûrement pas passé devant un autre interlocuteur, mais le sourire serein de Chiara la rassura sur ce point.

Rossana se contenta donc de lui sourire, l'air aussi naturel que possible :

"Je vous prie de me pardonner."

Elle eu envie d'ajouter une justification du genre "la musique m'a tout fait oublier" ou un autre prétexte imbécile du genre, mais cela lui parut finalement plus grossier que de simplement reconnaître sa faute. A quoi bon se chercher des excuses? Reconnaître ses erreurs et savoir s'en excuser était un signe d'humilité qui serait bienvenu en ce instant...

"Rossana Giuliani, pour vous servir. Dit-elle avec un nouveau sourire. Je suis heureuse que vous ailliez apprecié l'adagio" enchaîna-t-elle directement avec un sourire, bien plus naturel cette fois. "Je constate avec plaisir que nous sommes sensibles aux mêmes compositeurs et je trouve à ce propos que Vivaldi est une excellente suggestion."

Les fauteuils devant l'estrade se remplissaient et il ne fallait pas faire attendre les invités. Rossana et Chiara se mirent rapidement d'accord sur une cantate de Vivaldi. Il fallut cependant quelques minutes à Rossana pour adapter sa partition à la tonalité de voix si particulière de Chiara, minutes qu'elle tenta d'écourter autant que possible.
Lorsque la musicienne et la cantatrice furent enfin accordées, la joyeuse musique de Vivaldi s'éleva à travers la pièce. C'était baroque, bien que pas très nouveau car Vivaldi était un compositeur qui avait connu son heure de gloire ces dernières 20 années... Mais c'était une musique agréable, et la voix de contralto de Chiara Trevisani revisitait ce classique de façon délicieuse quant tout le monde le connaissait chanté en soprano.
Sur son clavecin, Rossana parvint enfin à se détendre. Elle connaissait Vivaldi littéralement sur le bout des doigts et bientôt elle oublia le prince, la maison Adorasti, les convives et toutes les préoccupations qu'elle avait eu depuis son arrivée lui parurent bien vaines...
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Chiara T
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleMer 26 Avr - 23:19

La rougeur et la gêne de la musicienne n’échappèrent pas à Chiara mais cette dernière ne fit aucun commentaire, se contentant d’incliner gracieusement la tête pour saluer à nouveau la signora Giuliani. Elle sourit de même devant son enthousiasme concernant l’œuvre de Scarlatti. Elles partagèrent un instant leur passion pour la musique mais bien vite la réalité reprit ses droits : elles avaient des spectateurs à divertir.

Il leur fallut quelques minutes pour s’accorder l’une et l’autre. Habituellement, cela se faisait naturellement pour Chiara car son père connaissait si bien sa tessiture grave qu’il y avait adapté toutes leurs partitions. Maintenant et avant d’être assez connue dans les cercles musicaux de Venise, il lui faudrait refaire cet exercice. Enfin au moins, la prochaine fois aura-t-elle peut-être la chance de répéter un peu avec les musiciens avant le début de soirée. Chanter sans avoir chauffé sa voix n’était pas très bon tant pour l’artiste que pour l’œuvre. Mais heureusement Chiara avait l’habitude d’improviser et de chanter sans échauffement, tout cela pour le plaisir et l’admiration des spectateurs français. Elle espérait qu’il en serait de même pour les vénitiens.

Alors que les doigts prestes de Rossana couraient et caressaient les touches ébènes et ivoires du clavecin, Chiara se tourna vers le public et le salua d’une gracieuse révérence. Les premières notes vivaldiennes flottèrent joyeuses par-dessus les conversations, assez légères pour ne pas troubler les conciliabules, mais si entraînantes que les amoureux de la belle musique ne pouvaient que faire silence. Une main posée au-dessus de son diaphragme, Chiara prit une inspiration profonde et commença son tour de chant.

Comme toujours quand elle chantait, Chiara y mit toute son âme napolitaine. Chaque mot quittait ses lèvres comme teintées du soleil resplendissant sur la baie de Naples. Chaque phrase chantée portait en elle la terre des vignobles s’épanouissant au long des coteaux du Vésuve. Sa voix n’avait pas l’attrait cristallin des castrats mais belle, pure et bien posée, elle naissait dans des lèvres italiennes qui lui donnaient toute sa couleur, sa chaleur et sa sensualité.

Les yeux fermés, Chiara en oublia les gens autour d’elle. La musique la portait, l’emmenait dans un lieu heureux et plein de beauté. Elle s’enivrait du jeu de Rossana et des autres musiciens. Leur habilité lui donnait des ailes, elle se sentait obligée d’exprimer au mieux son talent. La cantate de Vivaldi demandait profondeur et expressivité et Chiara n’y fit pas défaut. Elle s’appliqua de son mieux jouant de sa voix avec adresse. C’était l’instrument qu’elle connaissait et maîtrisait le mieux : elle la modulait comme Marinelli jouait de son violon, tirant des passages graves toute la volupté et l’ardeur qui s’y cachaient et dans les moments où sa voix montait joua sur la pureté et l’exaltation. L’extase et la fièvre qui l’habitaient semblèrent gagner les musiciens qui jouèrent avec plus d’enthousiasme encore.

La musique, sa voix n’étaient pas des vecteurs assez puissants pour exprimer toute la beauté de la cantate. les mains fines de Chiara s’élevèrent pour marquer les phrases, souligner un passage ou donner plus de force à un autre. Elle ne chantait pas, elle ne vivait pas sa musique, elle était Musique. Cela seul avait de la valeur à cet instant présent. La transe l’avait gagnée et le final s’acheva sur une Chiara tenant l’unique et ultime note alors que les instruments se taisaient.

Comme toujours pour la jeune femme, la fin d’un chant était ressenti comme un choc, une rupture violente, une fin brutale. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre pied dans la réalité, pour redevenir Chiara Trevisani. Les applaudissements fusèrent. Elle sourit avec joie et grâce, peu lui importait de savoir si tous appréciaient réellement la musique ou s’ils applaudissaient par politesse. L’instant de grâce vécu était bien plus important pour elle. Elle salua les spectateurs d’une révérence élégante et d’un geste s’inclina devant Rossana Giuliani et ses musiciens pour les remercier. Elle souffla à la claveciniste :


« Sans vous et les autres, Signora, je n’aurais pu faire aussi bien. Pas même avec mon père, je n’ai vécu tant grâces. Je ne vous remercierai jamais assez. »
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P.Giacinto I. Chiaramonti
Père Jésuite
P.Giacinto I. Chiaramonti


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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleMer 17 Mai - 1:37

[Les Fauteuils face à l'Estrade]

Giacinto croyait aux miracles. Il y croyait très sincèrement, et jugeait qu'il n'avait aucun mérite à cela étant donné qu'il en voyait très souvent, qu'il y participait même parfois.
Le tout était de savoir les voir. Par exemple, là, à peine un instant auparavant, devant tout le monde, mais sans que personne ne s'en rende compte, un miracle venait de se produire.

Car, comment expliquer, autrement que par un miracle, le fait que l'envahissante Comtesse ait "miraculeusement" aperçu dans la foule un jeune Chevalier qui visiblement, avait lui aussi ses faveurs et demandait son attention immédiate ?
Elle était là, à l'accabler d'un flot de paroles ambiguës, qu'il ne comprenait pas vraiment et auxquelles il n'osait pas répondre de peur de se faire mal comprendre… Et lui, pour éviter d'avoir un air complètement ahuri, ce qui aurait fait diminuer sa crédibilité, ou terrifier, ce qui aurait fait de lui la risée de tous, ou horrifier, ce qui lui aurait aliéné tout espoir de remettre la dame dans le droit chemin, il s'était mis à réciter mentalement son rosaire, déroulant tranquillement, en perles mentales, les dix Ave Maria et les Pater Noster, ce qui lui permettait de garder un visage calme et grave.

Il en était à "Et délivre-nous du mal", quand soudain, la femme avait enfin lâché son bras, poussé un petit cri, et s'était exclamée : "Mais c'est mon cher Chevalier !" Elle avait battu des mains, lancé un regard complice au jeune prêtre (que cherchait-elle à dire par là ? Giacinto subitement préféra ne pas chercher à le savoir…), avant de lui glisser d'un ton coquin (et vraiment coquin en plus… mais qu'avait bien pu dire Malatesta…) "Venez me faire dire mes prières pour mon lever, mon Père… Je vous le présenterai". Et elle avait louvoyé vers le-dit Chevalier.

Le jeune prêtre, à peine libre, pour ne pas rester planter au milieu de la sal de Bal, et peut-être aussi pour ne pas risquer de rencontrer le regard du Chevalier lorsque la Comtesse l'avait désigné discrètement du bout de son éventail, avait rejoint un mur où il avait décidé de servir de décoration invisible.

Giacinto, enfin seul, remerciait donc le Seigneur pour ce merveilleux miracle qui venait de se produire.
Evidemment quelque chose lui disait que, derrières les dernières phrases que la Comtesse avait prononcées et qui faisaient partie des choses dont il n'avait pas du tout l'intention d'interroger le sens pour l'instant, se cachait une montagne qui allait demander de lui beaucoup de tact et de stoïcisme…
Mais le moment présent était destiné simplement à reprendre ses esprits, du moins ceux qu'il lui restaient, et de ne pas se laisser aller à la confusion totale qui l'envahissait.

C'était dû en partie à la fatigue qui se faisait de plus en plus présente.
A bien y réfléchir, c'était normal. Il avait passé la nuit ballotté dans une calèche inconfortable, il était arrivé avec la fin de la nuit, rencontré Malatesta et fait des premières découvertes, nettoyé l'église, visité presque tous ses paroissiens, célébré tous les offices, nettoyé, prié, discuté, rencontré des gens passionnants, conseillé, béni et nettoyé encore… Maintenant il se faisait tard, il avait discuté avec le Prince Grazziano, subit une petite série de piques sur les jésuites, et venait de se faire sauvagement molester moralement.
Il était normal qu'il se sente flotter un peu à côté de la réalité.

C'est là qu'il constata qu'il y avait un élément de la réalité qui doucement l'aidait à dérouler ses pensées.
C'était une voix, une musique, quelque chose qui se situait au-dessus de tout ça, des discutions, des voix criardes et des parfums excessifs. Giacinto sourit doucement et écouta attentivement la fin du morceau chanté.

C'était beau comme une prière.
La musique était parmi les arts qui donnaient le mieux à voir la beauté de Dieu et la grandeur de sa création. Le jeune prêtre n'avait pas fait attention aux paroles, sans doute profanes, mais la musique était pour lui la plus belle prière qui soit. La voix était d'une pureté absolue. En plus, elle n'avait pas le cristal des castrats, mais une chaleur humaine. C'était le divin humain. Et la musique instrumentale autour était plus qu'un accompagnement, mais un support à l'élévation de l'âme et des pensées.

Giacinto laissait la musique l'envahir et construisait avec ces gouttes de son des visions d'extase presque et de prière. Lorsque les dernières notes retombèrent, et avec elle la prière qui était née dans l'esprit du jeune jésuite au rythme des notes, il repensa à la messe à Rome, avec sa musique qui résonnait dans toute la basilique, et revit son église à Venise, encore triste malgré ses efforts.

Il était juste à côté de l'estrade, et soudain, presque sans s'en rendre compte, il se trouva au pied de l'estrade. Il y avait des moments où, "pour la plus grande gloire de Dieu", le Père Ignazio était capable, comme son saint-patron, d'abandonner toute fatigue et toute lassitude.


"Madame, Mademoiselle…"

Il resta un instant silencieux, un peu surpris par le son de sa voix qui avait naturellement prit une inflexion musicale, mais surtout encore empli de la vision sainte qu'il avait eue par la musique. L'air d'admiration et de bonheur qui était le sien, de toutes les façons, en disait plus qu'un long discours.

"Votre musique… est pour moi la plus belle œuvre de Dieu… Arriver à mettre une telle émotion, l'harmonie qui est entre vous… Je ne sais comment dire la gratitude… Arriver à faire ressentir des émotions est une chose, mais réussir à élever l'âme comme vous l'avez fait est… magnifique…"

Giacinto eût un petit sourire un peu gêné, qui montrait que sa pensée ne trouvait plus de mots assez forts pour exprimer ses remerciements. Il eut une imperceptible hésitation avant de reprendre.

"Et si vous n'avez pas déjà un engagement, et si cela pouvait vous plaire… ce serait un honneur pour moi que de vous entendre, pour l'Office du dimanche, à l'église San Siriano…"

C'était une chose très courante que d'avoir des musiciens réguliers dans les églises, et c'était une des erreurs du prédécesseur du Padre Chiaramonti que de ne pas s'être occupé de trouver des musiciens. Bien sûr, vu la qualité des musiciens et surtout musiciennes que Giacinto avait devant lui, il était fort probable qu'elles jouent déjà dans une autre église.
Mais Giacinto ne s'arrêtait pas à cause d'un doute. Il était un homme de foi, et ses yeux semblaient porter tout l'espoir du monde.
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Rossana
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleDim 21 Mai - 23:54

Comme ses doigts glissaient sur les touches d'ivoire du clavier, Rossana se sentit frissonner au timbre harmonieux de la voix de Chiara. Elle n'aurait pas cru qu'elle puisse vivre à nouveau l'expérience de la découverte d'un Vivaldi. Elle avait tant entendu et tant joué Vivaldi pour des sopranos que le timbre subtilement plus grave de Chiara était comme une réécriture de la partition.
Rossana se surprit à redécouvrir la musique qu'elle était en train de jouer ; à la fois musicienne et spectatrice de la voix de la Trevisani.
Lorsque le morceau s'acheva, elle eu comme besoin de reprendre son souffle, subjugée par les notes profondes de la chanteuse. C'était comme entendre Vivaldi pour la première fois et c'était fascinant. Elle resta muette à la fin du morceau, comme dans un flottement, mais retrouva sa prestance quand la chanteuse s'adressa à elle.

Elle lui rendit son sourire et sa gratitude :

"Vous avez chanté merveilleusement, signorina. Vous avez réécrit Vivaldi. C'est à moi de vous remercier."
Elle s'inclina discrètement mais gracieusement, dans une attitude respectueuse, pour souligner la grandeur de cette jeune chanteuse.

C'est en se redressant qu'elle vit qu'un homme se tenait devant elles. Un jeune homme d'église, à en croire sa sobre tenue de prêtre. Il avait une ferveur dans le regard qui aurait mieux sied à un jésus en croix qu'à une estrade de musiciens, mais Rossana en fut touchée. Elle réitéra sa discrète révérence, adressée à Giacinto cette fois, en remerciement pour son compliment.


"C'est à moi de vous remercier Padre. La musique n'est jamais aussi belle que lorsqu'elle est jouée pour ceux qui savent l'apprécier. Ce serait un plaisir, et un honneur, que de mettre mon clavecin au service de votre paroisse lors des offices du dimanche."

Elle se tourna vers Chiara. "Et si vous n'avez pas d'autre engagements, je serai ravie de jouer de nouveau pour vous, Signorina."

Elle laissa son souffle en suspend, ignorant s'il était grossier de sa part d'ainsi insister sur l'invitation du Padre... Mais jamais jusqu'à ce jour n'avait-elle ressenti un tel plaisir à jouer de tels classiques. Le timbre si particulier de Chiara n'y était pas étranger, elle avait su réinventer la musique. Et aux yeux de Rossana, qui avait pour elle l'expérience mais également toute la lassitude qui va de pair, c'était comme une bouffée d'air pur. C'était un nouveau plaisir, et ça lui redonnait l'envie de jouer, ça lui réapprenait la musique.
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Chiara T
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleLun 22 Mai - 16:22

Après avoir fait part à la signora Giuliani de son émotion d’avoir chanté avec elle, Chiara salua les musiciens et à nouveau réitéra ses remerciements. La réflexion lui vint qu’en effet elle n’avait rarement été aussi bien accompagnée et qu’elle avait bien eu raison de venir ici à Venise. Après la France, il lui semblait, non sans raison, que cette belle cité était véritablement un lieu artistique incontournable.

Elle reporta son attention sur la musicienne et rosit quelque peu à ses compliments. Inclinant élégamment la tête et avec ce qu‘il fallait d‘humilité, Chiara y répondit d‘une voix douce :

« Venant d’une musicienne aussi accomplie, j’apprécie le compliments à sa juste valeur. Vos paroles me réchauffent le cœur et m’encouragent à suivre la voie que mon défunt père m’a tracé. »

Du coin de l’œil, alors qu’elle allait ajouter quelques mots, Chiara vit approcher une silhouette vêtue de noire. Lentement avec grâce et calme, elle se retourna pour voir l’inconnu et se retrouva face à un Jésuite. Aucun doute n’était possible à la vue de cette soutane sobre et de la quiétude qui se dégageait de l’homme. Les souvenirs d’un calme jardin au centre d’un couvent revinrent à l’esprit de la jeune femme tandis qu’il tentait de leur faire partager son admiration. Et cela fit naître un doux sourire sur les lèvres de Chiara et sa voix prit une inflexion mélodieuse et paisible :

« Je me joins aux remerciements de la signora Giuliani et suis heureuse que nous ayons pu, un tant soit peu, réjouir votre cœur. - elle s’inclina - Je n’ai évidemment pas la prétention de vouloir élever l’âme, comme vous le dites, mais si vous pensez que je peux vous aider dans l’œuvre de Dieu alors cela sera un honneur et un plaisir que de chanter sous les voûtes de votre église. »

En se relevant, la lumière des lustres joua un instant dans ses cheveux blonds, ou peut-être s’arrangea-t-elle pour que cela soit ainsi, mais se tenant droite dans sa robe ivoire, les mains humblement unies comme pour prier, elle sembla comme auréolée. Elle eut un lent et impénétrable sourire quand elle posa son regard clair sur le prêtre comme si elle avait saisi quelque chose qui échappait encore à la compréhension humaine. L’impression ne dura que quelques secondes, ou la fit-elle durer que quelques secondes, avant qu’elle ne s‘adresse à la claveciniste :

« De même je serais, en effet, enchantée d’être à nouveau accompagnée par vous-même, signora Giuliani, - un éclair de malice traversa brièvement son regard alors qu’elle souriait avec humour -, et peut-être pourrons-nous, cette fois, répéter ensemble afin d’offrir le meilleur de notre talent au Padre… Quel est votre nom déjà, signor ? Vous me voyez confuse de l’avoir oublié. »
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P.Giacinto I. Chiaramonti
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleJeu 25 Mai - 0:47

Le jeune prêtre prononça intérieurement et rapidement une courte prière au Ciel qui semblait décidément vouloir que son entrée dans la ville soit la plus agréable possible : tout ce qui aurait pu être un obstacle s'aplanissait de lui-même devant lui. Les deux musiciennes semblaient heureuses de pouvoir jouer lors de la messe.

Il avait suivit en souriant chaleureusement les premières paroles de la claveciniste. De loin, sa musique lui avait rappelé le jeu musical de sa mère. De près, elle continuait à ressembler à elle. Elle avait le même genre de timbre de voix, doux et réservé, et sans doute le même âge. Simplement un peu plus de timidité et de jeunesse dans le regard. Sans doute n'avait-elle pas eut à mettre au monde onze enfants…

La chanteuse était, quant à elle, presque inhumaine, et Giacinto en avait ressenti un très vague malaise. Elle ne lui faisait pas penser à un ange, parce qu'il avait une vision très précise des anges et qu'ils ne ressemblaient pas, selon lui, à Chiara. Mais elle semblait pour lui un être pas tout à fait humain.
Giacinto était un mystique humaniste. Pour lui, sur terre, ce qu'il y avait de plus beau, c'était l'humain. Alors, la beauté supérieure, féerique, inhumaine, de la chanteuse, avait pour lui quelque chose de glaçant, d'un peu dangereux, et de presque laid.

Heureusement cette impression n'avait durée que quelques instants, et un éclair de malice avait humanisé ce visage. Bizarrement, Giacinto se souvint brusquement de ces histoires que l'on racontait sur les peintres qui choisissaient des prostituées pour servir de modèles à une peinture de la Vierge. On était loin d'une inhumanité glacée et farouche. C'était peut-être cela la vraie sainteté : beauté et connaissance de l'humanité…

Giacinto se tira de ces pensées théologiques et philosophiques pour sourire d'un air gêné à la question que lui posait Chiara.


"Padre Ignazio Chiaramonti… Et je vous prie de ne pas être confuse, il n'y a que de ma faute… Il aurait fallu que je vous le donne pour qu'il vous eût été possible de l'oublier. Je viens d'arriver ce matin à Venise…"

Il avait ajouté cela comme pour terminer d'assurer la jeune fille qu'elle ne pouvait pas être coupable de quoi que ce soit, étant donné qu'il était un parfait inconnu à Venise. Et ailleurs également. Si une autre personne lui disait, comme la Princesse ce matin, qu'elle avait entendu parler de lui ou assister à ses sermons, il serait obligé de considérer que le monde était tout petit, ou plein de flatteurs, ou que la carrière ecclésiastique était bien plus honorifique qu'il ne l'avait imaginé…
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Rossana
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleDim 28 Mai - 12:03

Rossana écoutait poliment la conversation entre l'ecclésiastique et la cantatrice.

Elle resta muette de surprise quand elle apprit que ce dernier était arrivé le jour même à Venise ; ce devait être un homme très puissant, pour se trouver invité le soir-même de son arrivée dans les salons du prince de la ville! Il avait pourtant l'air d'un jeune père modeste et pieux, elle avait du mal à l'imaginer comme intriguant. Cela dit il n'avait peut-être rien d'un intriguant, sans doute était-il simplement accompagné des recommandations d'un prêtre influent, peut-être d'un cardinal qui l'aurait prit sous son aile?
Il restait cependant une question à élucider :


"Pardonnez cette question, Padre, mais où officiez-vous ?"

Il y avait nombre de chapelles à Venise, mais Rossana ne parvenait pas à songer à une seule qui manquât d'un prêtre attitré. Sans doute se trompait-elle, aussi était-elle simplement curieuse de savoir à quelle église le père Ignazio Chiaramonti était affilié. A moins qu'il ne soit venu à la demande d'un monastère, ce qui était plausible ; restait à savoir : quel ordre?

Autant de questions muettes que se posait la musicienne, sans pour autant avoir l'impolitesse de les exprimer à voix haute. La réponse du Padre à l'unique question qu'elle lui avait posée suffirait à répondre à toutes. Elle attendit donc sa réponse, en essayant autant que possible de garder un air de délicate indifférence afin de ne pas le mettre mal à l'aise ; bien qu'elle repoussât énergiquement une irrésistible envie de lui tourner autour pour comprendre d'où il venait, qui l'avait convié, et comment il avait manoeuvré pour se trouver en ces lieux ce soir alors qu'il venait d'arriver en ville.
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleMer 31 Mai - 23:27

Alors que l’ecclésiastique se présentait, Chiara chercha dans sa mémoire où elle avait pu entendre le nom de Chiaramonti. Rien ne lui revenait en mémoire, pourtant elle ne lui semblait pas inconnu. Certainement avait-il de la famille dont elle avait pu entendre parler dans les salons de Naples. Mais elle ne poussa pas plus loin sa réflexion, les explications ou ses souvenirs viendraient bien à un moment ou à un autre. Elle reprit la discussion avec la signora Giuliani et le Padre avec un sourire avenant :
« Oh ! Quel hasard, Padre ! Je viens moi-même d’arriver à Venise, il y a à peine quelques heures, » elle eut un petit rire de gorge chaleureux, « je n’ai eu qu’à peine le temps de poser mes affaires et oh ! »

Chiara s’interrompit et porta ses mains à la bouche. Elle venait d’apercevoir l’incident à venir : la jeune servante croisée dans les cuisines allait choir son plateau en main. La jeune cantatrice esquissa un geste pour intervenir, l’aider mais elle s’arrêta au dernier moment. En effet, qu’aurait-elle pu faire ? Elle serait arrivée trop tard, elle ne pouvait qu’assister à la suite. Mais la jeune fille au plateau réussit pourtant à se rattraper : sa chute se mua en une acrobatie étonnante pour finir sur une glissade à genoux jusqu’aux pieds d’un homme de belle prestance. Et ceci sans qu’une goutte du vin ne se renversât. Chiara aurait presque applaudi si cela n’aurait pas paru incongru.

« Eh bien ! Cette jeune femme fait preuve d’une souplesse étonnante ainsi que d’une chance éblouissante. Reste à espérer que l’homme devant elle ne s’offusque pas d’un tel service. »

La jeune Trevisani observa un instant l’homme dont les habits clamaient sans équivoque qu’il était riche et dont le maintien ajoutait qu’il était d’une haute noblesse à n’en pas douter. Laissant son regard errer un peu sur la salle, elle écouta la claveciniste poser quelques questions et attendit une réponse en posant ses yeux clairs sur le Padre.

Quant tout à coup, un homme de haute stature s'approcha du groupe. C'était le secrétaire de l'ambassadeur du Roi de France, nommé Bertrand d'Ayguevives. Chiara le connaissait quelque peu pour l'avoir croisé une ou deux dans les salons parisiens. Il salua le petit groupe formé par la signora Giuliani, le Padre Chiaramonti et Chiara.

"- Je viens joindre mes compliments à ceux du Padre. Vous avez en effet charmé nos oreilles et nos coeurs, - il se tourna vers Chiara -, l'ambassadeur et moi-même sommes heureux de vous retrouver ici, Mademoiselle Trevisani. Nous n'avons pas oublié cette soirée où vous émûtes jusqu'aux larmes notre bon Marquis d'Argenson."
Le Français sourit tandis que la cantatrice avait la grâce de rougir et de baisser la tête avec humilité. Elle répondit doucement :
"- Je vous remercie pour le compliment, M. le Vicomte. Mais ce soir, je n'aurais rien pu faire sans la signora Giuliani et les autres musiciens. C'est l'entrelac de musique et de chant qui vous a enchanté, ni plus ni moins."
Il hocha la tête mais ne se départit pas de son sourire et reprit en s'inclinant devant la claveciniste :

"- En effet. Votre jeu est splendide, Signora, le morceau de Scarlatti interprété un peu auparavant était superbe. - L'ambassadeur français faisait signe à Bertrand - Oh ! Mais il va me falloir vous quitter. Padre, Signora, si vous me le permettez, je vous enlève notre chère Chiara."
Il salua gracieusement puis présenta sa main pour conduire la cantatrice. On put entendre ses dernières paroles avant que la foule n'emporte les deux jeunes gens au loin.

"Monsieur l'ambassadeur souhaiterait s'entretenir avec vous au sujet d...."

[Perdue au milieu de la foule des invités et courtisans. Normalement, j'ai tout fait pour ne pas bloquer le jeu^^]
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Matteo Salvanti
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleMer 5 Juil - 19:59

[Les Fauteuils Côté Droit]

Grâce à moult « pardon », « excusez-moi » et « vous êtes en grande beauté ce soir, Comtesse, cette robe vous sied à ravir », Matteo réussit à se frayer un chemin à travers la foule dense et ainsi atteindre l’estrade. Quelle ne fut pas sa déception de la trouver vide. Pas tout à fait vide, bien entendu, il demeurait toujours quelques musiciens, dont une très jolie luthiste vêtue de rouge à qui il accorda un sourire, mais aucune trace de la blonde cantatrice, manifestation des pouvoirs divins. Il y avait bien ce charmant Padre, pour rester dans le domaine du sacré, mais la beauté ténébreuse de ce dernier n’avait malheureusement rien de celle, lumineuse et diaphane, de la diva angélique. Le libertin se promit tout de même d’aller confesser tous ses péchés à ce jeune Jésuite. Qui sait de quoi pourrait se solder pareil acte de contrition? La pénitence pouvait prendre bien des formes…

Dépité, le garçon parcourut la salle du regard à la recherche de celle qui avait fait battre son cœur, mais elle semblait avoir disparu aussi rapidement qu’elle lui était apparue. Il s’apprêtait à se rabattre sur la luthiste, à qui il avait déjà lancé plusieurs œillades engageantes, lorsque ses yeux furent accrochés par une silhouette familière aux formes voluptueuses qui avaient déjà capturé son attention, plus tôt dans la journée : la signora Rivieri! Plissant des yeux, le blond put remarquer que celle-ci était déjà en compagnie d'un autre gentilhomme. Rival ou allié, cela serait à déterminer plus tard. Matteo ne dédaignait jamais la présence d'un troisième, voire d'un quatrième ou d'un cinquième convive, tant que ceux-ci ne se montraient pas trop gênants. Un sourire gourmand retroussant ses lèvres, le séducteur s'engagea résolument vers la terrasse. La cantatrice lui avait peut-être échappé pour le moment, mais il n'en serait pas de même pour la délicieuse courtisane.


[La Terrasse]
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P.Giacinto I. Chiaramonti
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleMar 11 Juil - 0:54

Giacinto sentait la fatigue revenir maintenant qu'il savait que ces personnes remarquables étaient heureuses de jouer pour le Seigneur et ses fidèles.
Les mots, les sons semblaient arriver à lui avec un peu de retard, il regarda Rossana lui poser une question et laissa un instant de silence avant de revenir à lui et de répondre avec un petit sourire d'excuse.


"A San Siriano, Madame. La petite parente de la grande église des Jésuites. Je remplace le Padre Malatesta qui est parti en mission dans les Indes pour la Compagnie..."

Même fatigué, Giacinto arrivait à comprendre les questions non formulés. Et à y répondre le plus possible.
La musicienne savait maintenant qu'il était Jésuite et comprendrait sa présence chez le Prince Adorasti. Les Jésuites, confesseurs des grands, étaient des fonctions avant d'être des hommes. Giacinto n'était pas là pour lui-même, mais pour maintenir la continuité d'une tâche.

Il aurait pu continuer à éclaircir sa situation encore, de sa voix douce et un peu plus lente que d'habitude tant elle était maintenant chargée de fatigue, mais la merveilleuse chanteuse venait d'être happée par un membre de l'ambassade française.

Avant même qu'il eut le temps de commenter ce départ, un jeune homme arriva, les dévisagea un instant, avant de repartir en coup de vent, sans dire un mot.

Giacinto le regarda s'éloigner et tourna un visage étonné vers Rossana. Décidément, les gens avaient des attitudes étranges. Il haussa les épaules et murmura plus pour lui-même que pour Rossana.


"Et le manège du monde tourne inlassablement..."

Et il était vrai que tout semblait se mettre à tourner autour de lui. L'or des costumes, la lumière des lustres, les rires et les mots. C'était un ensemble brillant et chatoyant qui se mêlait à tous les événements de la journée et que son esprit épuisé ne savait plus remettre en ordre.
C'était une torpeur irrépressible mais agréable, délicate mais malvenue au milieu d'un bal. Giacinto savait qu'il atteignait là les limites physiques de sa résistance à la fatigue.
Il jeta un coup d'œil dehors et se rendit compte que le ciel était d'encre. Il faisait nuit.


"Je crains, Madame, de ne devoir participer à ce tourbillon en vous quittant. Il est l'heure pour moi de retrouver mon église... Venez quand vous voulez si vous désirez essayer l'orgue ou le clavecin. Ce sera toujours ouvert... Ce sera un honneur et une joie…"

Giacinto hésita un instant à ajouter quelque chose, mais les mots ne venaient plus, et il s'inclina avec un sourire et un geste de bénédiction habituel, avant de gagner la sortie.
Il avait hâte de retrouver l'air libre et frais, le calme et l'obscurité de la nuit. Quelque chose qui s'accorde plus avec la paix de son église et de son âme.


[Exit le Padre]
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Rossana
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MessageSujet: Re: L'Estrade des Musiciens   L'Estrade des Musiciens PerleJeu 10 Aoû - 22:08

Rossana nota mentalement l'église du Padre, se promettant d'y passer dans les jours prochains pour faire connaissance avec le claveçin. Toutes opportunités de travail étaient à saisir!

Elle s'autorisa une courte pause, où elle se fit servir un verre d'une délicieuse eau gazeuse au melon dans une coupe de cristal ciselé qui lui rapella un peu douloureusement qu'elle n'avait pas les moyens d'en avoir de tels chez elle.
Une fois de plus, elle se reprocha cette idée : elle était conviée dans une des plus nobles demeures de la ville, et elle ne pouvait pas s'empêcher de faire ll'estimation de tout ce qui lui passait sous le regard! C'était bien là un réflexe de "pauvre", tiens...

Elle retourna à son clavier et se concentra sur ses partitions.
La soirée se déroula sans anicroche ; la musicienne enchaîna les airs à la mode, au gré des humeurs de son hôte et des invités qui venaient parfois lui demander un morceau précis ou un compositeur.
La nuit était bien avancée et la fatigue se faisait sentir, mais la musicienne garda son port altier, malgré la douleur dans ses épaules et dans son dos.

Lorsqu'on l'invita enfin à prendre congé, elle se leva, et se tourna vers la salle. Elle avait dans la gorge les mots qui pourraient peut-être lui permettre d'exercer son art pour les mois à venir.
Mais on ne vend pas une musicienne comme on vend du poisson sur un marché, et elle se contenta de saluer les convives d'une profonde révérence.

Elle aurait voulu leur donner le numéro de sa porte, les inviter à venir frapper s'ils avaient besoin de quelqu'un pour animer leurs soirées, ou pour enseigner à leurs filles.
Mais elle ne dit rien.

Elle alla saluer et remercier chacun des musiciens, puis elle descendit enfin de son estrade et se dirigea vers la sortie, ayant un mot pour chacun des convives.


[près de la porte]
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