VENISE
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 Passage des Couleurs

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Pourpre
Du Bout des Doigts
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MessageSujet: Passage des Couleurs   Passage des Couleurs PerleMer 22 Aoû - 6:50

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Muzio Barrozi
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Muzio Barrozi


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MessageSujet: Re: Passage des Couleurs   Passage des Couleurs PerleSam 29 Sep - 23:31

[Entrée du Labyrinthe]

Muzio n'avait pas marché droit sur le petit groupe. La présence de ces inconnus, et de Demetrio ivre, surtout, semblait dissuader ses jambes d'avancer. Un goût d'amertume teintait son palais, et il ne se résolvait pas à se lancer. Heureusement, Iago degli Albizzi prit lui-même congé de ses petits camarades, méprisant l'offense comme il le pouvait - Muzio avait eu un geste pour avancer lorsque l'homme avait vacillé. Il vit l'otiossissimus se diriger précisément vers le labyrinthe végétal d'où lui-même provenait, et il le suivit. C'était sans doute le lieu le plus calme à l'horizon, puisque les danseurs éméchés évitaient de se gâcher la soirée en venant se perdre parmi les haies nues.

Son saltimbanque avait disparu, et Muzio put repérer Iago un peu plus avant, prêt à occuper le banc d'un passage tranquille et pas trop éloigné, ce qui semblait être un critère déterminant vu son état. Le médecin accéléra le pas et rejoignit l'homme qui paraissait souffrir sérieusement. Il le considéra un instant d'un air navré, puis signala sa présence.


« Je ne pensais pas vous retrouver si vite, Monsieur degli Albizzi... Ni en pareille posture. »

Il déposa sa trousse.

« Je dois vous avouer que je n'ai pas retenu grand chose de votre démonstration sur l'utilité. Mais peut-être puis-je vous aider malgré tout ? »

Il posa une main légère sur l'avant-bras de Iago et fit mine de s'approcher du visage meurtri:

« Vous permettez ? »

Beaucoup de questions lui venaient, mais pour le moment son blessé devait être sonné. Il attendrait.
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Iago degli Albizzi
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MessageSujet: Re: Passage des Couleurs   Passage des Couleurs PerleMar 16 Oct - 21:17

[L’allée principale]

Iago s’était naturellement dirigé vers un endroit un peu déserté par la foule. Le bruit et l’agitation n’avaient pas un effet particulièrement apaisant sur le volcan qu’était devenue sa tête. Il avait repéré un banc et s’était assis prudemment sachant pertinemment que tout geste brusque ne servirait qu’à le précipiter vers une douleur intenable.
C’était étrange, toujours, ce moment après le choc où l’on ne peut pas encore réfléchir, juste essayer d’accepter les blessures.

Il n’avait évidemment pas vu Muzio, et commença à palper doucement son visage pour estimer les dégâts, pour explorer la terre inconnue qu’était devenue sa face.
Il établissait doucement la nouvelle géographie qu’il découvrait sous ses doigts : un œil qui resterait noir, une lèvre fendue au moins une semaine, et un goût de sang dans la bouche pour quelques jours. Le séisme causé par les coups n’avait pas touché ni ses dents qui étaient encore là, ni son nez qui n’était pas cassé. En somme son visage avait connu de pire tremblement de terre. Certes, il y avait la question de sa mâchoire qui, tout de même, lui faisait terriblement mal, et n’était peut-être pas exactement dans le même axe qu’avant. Et son œil aussi qui semblait refuser de voir même quand il arrivait à l’ouvrir un petit peu. Mais cela finirait par passer.

La voix de Muzio le fit sursauter, puis grimacer d’avoir sursauté et réveillé la douleur qu’il essayait d’oublier. Il laissa ses mains sur son visage, parce qu’elles étaient glacées et apaisaient ainsi l’impression de brûlure qu’il ressentait sous sa peau.
Iago tenta un sourire amusé que ses lèvres meurtries transformèrent en une nouvelle grimace, avant de marmonner toujours en bougeant le moins possible la mâchoire.


"Moi je vous ai cherché toute la matinée. Si j’avais su qu’il suffisait d’être blessé pour vous voir apparaître, j’aurais dû me cogner la tête contre un mur plus tôt…"

Iago ne se souvenait sur le moment plus de ce qu’il avait pu raconter à Muzio sur l’utilité et l’inutilité, et n’eut pas le temps de chercher, parce que ce que fit ensuite le médecin le prit de cours. Il voulait l’aider.
En somme, c’était logique, c’était le travail d’un médecin que d’aider quelqu’un qui était blessé, mais c’était surprenant aussi, bizarre, étrange, et Iago eut un mouvement de recul.

Pourquoi voulait-il l’aider ? Il avait l’habitude de recevoir des coups. Ce n’était pas grave, c’était sans importance, c’était normal même. Sa simple existence était une irritation pour tous les gens qu’il rencontrait. Donc forcément à un moment, il y avait des coups. C’était logique, normal. Cela avait toujours été ainsi. Une vieille habitude.
Vieille habitude de rester seul après les coups, d’explorer à tâtons son visage, de réapprendre ses nouvelles formes, et ensuite, jour après jour, de voir les traces disparaître. Et son visage rester toujours le même, désespérément toujours le même, toujours là, visage entêté qui refusait de disparaître avec les traces des coups.

Et voilà que Maître Barrozi cassait tout cela, s’approchait et lui disait "vous permettez ?". Et Iago avait envie de répondre que non, non, tout allait bien, c’était normal, il avait l’habitude, il existait donc il recevait des coups, il y avait là une logique imparable, c’était très simple à comprendre, on ne pouvait rien y changer, de toutes les façons, c’était comme ça.
Mais Maître Barrozi était là, le regardait avec son air calme, et disait "vous permettez ?" et Iago savait bien qu’il ne pensait pas raisonnablement, parce que la raison, en fait, voulait qu’il laisse le médecin s’occuper des blessures.

Iago inspira et se détendit imperceptiblement, laissant ses mains retomber sur ses genoux avant de tourner doucement la tête vers le médecin.


"Je vous en prie…"
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Muzio Barrozi
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MessageSujet: Re: Passage des Couleurs   Passage des Couleurs PerleVen 19 Oct - 20:37

Malgré la légère teinte d'humour dans ses propos, Iago degli Albizzi avait assurément perdu de son panache. Les mains plaquées sur son visage ne suffisaient pas à cacher la tuméfaction de ses traits et les grimaces qui lui échappaient ne rattrapaient pas l'affaire. Toutefois, ce que Muzio retint du moment, ce fut le flottement qui l'enveloppait. Cela semblait donc si déplacé pour un médecin de proposer son aide à un blessé ? La logique de l'otiosissimus ne lui était décidément pas familière.

Enfin, celui-ci sembla se résigner -oui, se résigner-, et Muzio entreprit de nettoyer un peu le champ de ruines -la comparaison n'était certes guère flatteuse- en humidifiant un linge de neige fondue. C'était finalement bien pratique toute cette neige. Non pas celle que le monde piétinait mais celle qui résistait aux souillures et qui attendait que l'on cueille sa blanche immaculation. Diable, il avait l'âme bien fragile, ce soir.


« Il est dangereux de se rendre au bal, semble-t-il... J'ai assisté, de loin, au témoignage de l'animosité de vos interlocuteurs. »

Il parlait d'un ton léger qui ne suffisait pourtant pas à dissimuler le dépit de compter Demetrio parmi les ivrognes agressifs.

Il essuya, donc, à petites touches délicates, le visage de Iago. Il n'y avait guère de meilleur moyen pour se familiariser avec quelqu'un que de le soigner. Ici en ville, ses patients ne le considéraient souvent que comme "le médecin", rarement comme un homme qu'ils auraient pu rencontrer autrement. Mais lui, Muzio, ressentait profondément l'humanité -l'Histoire, les folies, les amours, les déchirements- de ceux qu'il soignait et, penché sur une paupière, sur un nez, une bouche, il ne pouvait s'empêcher de penser à tout ce que renfermait leur propriétaire. C'est ainsi que, lors des quelques secondes qu'il passa à nettoyer et rafraîchir à la glace le visage de Iago, mille pensées l'assaillirent et, comme un jeu, il inventait une vie à l'otiosissimus.

Ce tourbillonnement d'impressions disparaissait dès qu'il s'éloignait de son patient. Aussi retrouva-t-il bientôt l'angoisse sourde qui lui étreignait le ventre, et la déception amère qui logeait quelque part dans sa bouche. Mais il balaya les réflexions qui le tenaillaient.


« Ainsi vous me cherchiez ce matin ? »

En quoi pouvait-il être utile à un homme saugrenu non blessé et apparemment non malade ?
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Iago degli Albizzi
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MessageSujet: Re: Passage des Couleurs   Passage des Couleurs PerleVen 26 Oct - 0:48

C’était étrange, ces touches, froides, glacées, sur son visage brûlant. Et c’était apaisant aussi, en fait. Tellement apaisant que Iago n’eut pas envie de commenter la remarque sur le caractère dangereux de ce genre de bal. Pas tout de suite du moins. Plus tard peut-être.

Muzio semblait lui-même très absorbé par sa tâche, et Iago se demandait ce qui pouvait passer dans l’esprit d’un homme habitué à s’approcher ainsi du visage des gens.

Lui-même, s’il devait s’approcher comme ça du visage des gens, il serait dégoûté.
D’ailleurs il n’y arrivait pas. Il n’arrivait pas à s’approcher, comme ça, du visage des gens. Il avait fermé l’œil d’ailleurs (l’œil qui aurait pu rester ouvert, puisque l’autre sagement, restait fermé de lui-même) pour ne pas voir de trop près la figure du médecin. Il risquait d’être prit d’une nausée encore plus forte que celle causée par la douleur.

Il aurait du mal à lui parler, en plus, après, s’il savait que le médecin avait une petite excroissance de chair sous l’œil par exemple, ou alors une gerçure sur la lèvre, ou pire encore s’il voyait un poil dans ses oreilles. Ce serait écœurant, très écœurant.

Et il savait qu’il n’y avait pas de chance pour que cela ne soit pas écœurant, parce que de tous les visages qu’il avait vus (et il en avait vu beaucoup, vraiment beaucoup, et beaucoup trop même) il n’y en avait que deux qui lui avait résisté, celui d’Elio et celui de Coriolano.
Celui de Coriolano parce qu’il l’avait vu malade, très malade, de très près, et qu’un visage malade est très écœurant, mais en même temps très beau, parce qu’il dit toute la souffrance de la personne malade, et pour une fois, le visage dit vraiment ce qui est dans la personne. Et après ça, il y a quelque chose qui reste de cette beauté-là, que l’on ne peut pas enlever, qui reste collé au visage.
Et puis il y avait celui d’Elio qui résistait tout seul. C’était bizarre, mais c’était comme ça. Iago avait beau s’approcher, et regarder… rien. Pas de dégoût, par d’horreur. C’était comme ça. C’était bien.

Mais il y avait peu de chance que le visage du médecin soit comme celui d’Elio. Iago pensait confusément que des visages qui résistent tout seul, on en rencontrait un dans sa vie, pas plus.

Une question simple et précise ramena ses pensées flottantes dans un cours au tracé plus clair. Iago prit le temps de réfléchir à la question avant de répondre doucement, sans ouvrir l’œil.


"Je voulais discuter avec vous. J’aime bien discuter avec vous. Vous écoutez, cela est rare. Même lorsque vous n’êtes pas d’accords, vous écoutez. Et vous essayez de comprendre. C’est encore plus rare.
C’est cela être vraiment intelligent. Être assez libre d’esprit pour accepter de toujours revenir à l’origine de son idée avant de chercher à répondre. Une idée, c’est une nébuleuse informe, molle et douce. Quand on essaye de la mettre en mot, on l’aiguise, on l’affine, ou la raidit, durcit. Elle devient rêche, tranchante, dure, affilée.
Et la plupart des hommes qui se trouvent avec cette nouvelle idée entre les mains, s’en serve comme d’une arme. L’idée est devenue une rapière.

Mais vous, vous savez qu’une discussion n’est pas un duel. Vous avez l’honnêteté de savoir qu’une idée, c’est une forme molle, et de revenir à cette forme molle pour jouer avec et essayer de lui donner une autre forme.

Les gens préfèrent voir des armes dans les mots, des blessures dans les idées. On n’y peut rien.
Moi quand je parle, j’envoie des coussins de plume, mais les autres préfèrent y voir des armes, et ils se blessent tout seul avec ses coussins de plume qu’ils prennent pour des épées. Et ils sont blessés. Et ils veulent blesser. Et comme il n’arrive pas toujours à attraper une idée pour la transformer en rapière, alors ils font ce qu’ils peuvent.
Ils se plaignent, ils haïssent, ils frappent.

Mais vous, vous savez que ce n’est pas un duel. Vous savez que ce n’est pas une arme que je vous envoie, mais un coussin en plume, peut-être même pas un coussin, cela à encore trop de forme, peut-être simplement du gruau, mais cela colle trop pour une idée, peut-être simplement de l’eau.
De l’eau dans de l’air.

Vous le savez, alors vous pouvez la prendre doucement, et la comparer avec votre idée à vous, votre idée qui n’est pas une rapière, et qui donc, peut-être, peut se transformer encore lorsque vous la regardez. Et alors il y a d’autres idées peut-être qui vont apparaître. Et je pense que s’il y a quelque chose de bien, peut-être, dans le monde, c’est ça.

Et c’est pour cela que je vous cherchais ce matin. Et que je vous chercherai encore sans doute."

Pour cela, tout simplement.

"Ah et aussi parce que je me suis fait mal à la main, au doigt plus précisément."

Cela, c'était le prétexte. Mais peut-être que c'était un peu plus simple, en fait.
Il leva la main qui portait toujours la poupée ridicule qu'il avait faite lui-même. Un faux air de fierté sur son visage aux yeux toujours fermés.
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Muzio Barrozi
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MessageSujet: Re: Passage des Couleurs   Passage des Couleurs PerleSam 27 Oct - 19:51

Après avoir vaincu sa réticence, degli Albizzi avait fait preuve d'une confiance enfantine en tendant vers le médecin son visage blessé, les yeux fermés. Certes Muzio n'avait pas connaissance des motivations de Iago pour garder les paupières closes, mais cela était tout de même une marque de confiance.

Le médecin avait sorti de sa trousse un flacon teinté, et appliquait sur les hématomes un mélange d'arnica et d'hysope. Iago s'était lancé dans une vaste réflexion sur les idées et les hommes, louant au passage la force d'écoute du médecin qui fut étonné d'avoir produit une telle impression sur l'otiosissimus. L'aisance de Iago avec les mots l'apaisait, lui qui n'était pas doué pour cela.

Ils étaient si différents ! Il y avait celui qui lançait des coussins de plume et celui qui les recevait, celui qui avait choisi la parole comme action et celui qui avait choisi l'écoute, et le premier se mouvait dans une logique qui échappait à l'entendement de l'autre.

La première chose que Muzio comprit, c'était que Iago était paisible en sa présence. La seconde, qu'un lancer de coussins de plume était à l'origine des contusions.

Il craignait un peu de reprendre la parole car les tirades de degli Albizzi le laissaient démuni. Pourtant, il pensait que Iago n'attendait pas un discours brillant. Mais qui était Iago degli Albizzi ?


« Vous vivez pour la vérité ? Peut-être prenez-vous un plaisir étrange à la lancer à ceux qui n'ont aucune envie de l'entendre ? Ou est-ce un besoin, une sorte de... mission ? Pardonnez-moi, je vais vous épargner l'analyse de vous-même, je suis sûr que vous n'avez pas besoin de moi pour ça. »

Il se tut un bref instant avant de reprendre le fil de sa pensée.

« Je suis un partisan de la vérité constante. Mais... J'ai appris à ménager parfois les hommes. Peut-être est-ce une forme de lâcheté... »

Il s'assit sur le banc, passa les mains dans ses cheveux dans un geste fatigué avant de les enfouir dans ses poches.

« Vous savez, j'ai parfois beaucoup de mal à comprendre les gens. » confia-t-il soudain. « Vous dites qu'ils transforment les coussins de plume en armes, et peut-être est-ce cela le problème, je ne sais pas, je manipule mal les images vous vous souvenez ? » Il souriait, mais son sourire s'éteint vite.

Le doigt levé d'un Iago amusé le glaça. Une blessure à la main, encore une ! Il sentit un vent froid balayer la racine de ses cheveux et s'efforça de dissimuler son trouble. Il attrapa doucement le poignet de Iago et l'amena à lui. Il déroula le tissu qui protégeait la plaie et posa un regard inquiet sur celle-ci. L'obscurité, hélas, était trop présente pour qu'il fût certain de son diagnostic. En tout cas, l'éraflure était plutôt légère. Ce constat ne le rassura pas franchement.

Avec ses soupçons ressurgirent une nouvelle fois ses dilemmes, ses incompréhensions et ses angoisses, tout ce qui lui serrait les entrailles depuis quelques jours, depuis quelques heures et plus particulièrement depuis qu'il était au Castello.

Il eut envie de hurler: qui a tué Treviano, qui a blessé le Prince Adorasti, qui manipule qui, qui tue qui, quelqu'un veut-il ma mort ? Mais il ne le fit pas.

Il soigna doucement le doigt blessé, en silence. Puis il prononça quelques mots d'une voix sans expression.


« Ceci se remettra bien vite. Votre visage, malheureusement, mettra plus de temps à guérir. Je ne peux pas prévoir exactement quelles seront les conséquences de vos blessures, ni si vous recouvrirez entièrement la vue. Je suis désolé. »

Plus que désolé, il était quasiment anéanti. Il ne pouvait, en outre, empêcher son cerveau de repasser en boucle des images de combats nocturnes malsains, où Iago se mêlait maintenant. Par ailleurs, un amas de déception, de peur, d'incertitude empoisonnait son âme et semblait ne plus pouvoir jamais le laisser en paix.

Il eut l'impression que tout ce qu'il ressentait pouvait se résumer à la question 'Mais pourquoi les hommes sont-ils ainsi ?' et se sentit tellement misérable qu'il eut envie de pleurer. Peut-être même les larmes lui vinrent-elles aux yeux. Si quelqu'un avait voulu l'assassiner à cet instant précis, sans doute n'aurait-il même pas lutté.
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Iago degli Albizzi
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MessageSujet: Re: Passage des Couleurs   Passage des Couleurs PerleMer 31 Oct - 18:58

Iago avait gardé les yeux fermés jusqu’à ce qu’il sente le médecin s’asseoir à côté de lui. Il avait ensuite gardé son œil ouvert fixé devant lui jusqu’à ce qu’il entende le verdict du médecin. Ce n’était pas le verdict en lui-même qui lui fit jeter un regard en biais vers Muzio (il se doutait de quelque chose comme cela) mais le ton avec lequel il avait été prononcé.

Barrozi avait l’air de quelqu’un d’épuiser et qui va se mettre à pleurer.

Iago fut prit de la subite envie de consoler l’homme. Mais c’était une idée tellement étrangère à sa nature qu’il n’avait aucune idée de la manière dont il fallait s’y prendre. Ce qui fait qu’il resta un instant de plus silencieux, à regarder droit devant lui.
Il n’avait pas de mouchoir à lui donner, il n’allait pas lui tapoter sur l’épaule, et il préférait mourir que de dire quelque chose comme "Allons, allons, cela va aller…".
Peut-être que le plus simple était finalement de dire ce qu’il pensait. A une situation inconnue donner une réponse familière était souvent une bonne solution.

Lorsqu’il reprit la parole, ses mains maintenant glacées étaient machinalement revenues sur son visage.


"Vous savez, je pense que vous comprenez parfaitement les gens… Mais que vous ne pouvez pas vous empêcher de les rêver meilleurs qu’ils ne sont. Parce que vous les comprenez, vous ne pourriez pas être aussi compréhensif sinon. Mais vous souhaiteriez ne pas avoir à comprendre certains actes, ne pas rencontrer certains actes.
Et c’est peut-être pour cela que vous vous arrangez avec la vérité. Parce que vous souhaitez mettre en valeur ce qu’il y a de meilleur, ou de moins pire du moins, chez les hommes.

Je ne sais pas si c’est de la lâcheté. Tout ce que je sais, c’est que moi, je ne dis pas la vérité par courage. C’est un instinct de survie. C’est par instinct de survie que je dis la vérité, juste la vérité, comme ça.
Ce n’est pas la vérité en fait. C’est l’honnêteté. Je ne sais pas si on peut dire la vérité. J’essaye de dire l’honnêteté au plus proche de la vérité.
Parce que je ne veux pas que l’on dise que je ne suis pas honnête, que je peux être coupable de dissimulation, de fait que je ne pourrais pas dire tout haut. Je dis toujours la vérité parce que je voudrais que les gens savent que je dis toujours la vérité.
En fait, cela ne marche pas. Et plus l’on dit la vérité plus les gens pensent que l’on ment. Mais je ne peux pas faire autrement.
Je veux dire les choses honnêtement, parce que si je ne le fais pas, alors je ne sais pas.
Tout s’effondre."

Iago fronça un sourcil légèrement. Il savait que ce n’était pas clair, mais les mots lui échappaient. Il ne savait pas comment dire ce qu’il ressentait. Et puis il était là pour parler de Muzio, pas de lui.

"Moi, je dis la vérité parce que c’est un rempart. Je cherche la vérité. Vous, vous cherchez le bien. Ce n’est pas pareil. Moi c’est une question de survie. Vous, en fait, c’est la preuve que vous êtes fort. Quelque part peut-être.
Voir l’abjection humaine et l’abjection des actes humains et pourtant continuer à espérer que cela soit mieux, à ne pas comprendre pourquoi cela n’est pas mieux, à essayer que cela aille mieux… c’est… ce qui fait votre force. Que vous avez vu quelqu’un lancer un coup de poing dans ma figure et que vous êtes venu me soigner. Que vous verrez peut-être d’autres choses désagréables mais que vous continuerez à essayer de réparer.
Ne vous sous-estimez pas, s’il vous plait. Vous pouvez être désolé, mais je ne pense pas que cela vous arrêtera. "

Iago s’arrêta, lui. Parce que là douleur qu’il avait un peu oubliée revenait de plus belle. Il ne savait plus très bien ce qu’il disait, la brûlure qu’il ressentait accaparant presque toutes ses pensées.
Il ricana légèrement et se leva lentement.


"Bien. Je pense qu’il est tant pour moi de quitter ce bal et de trouver refuge dans mon lit, avant de pouvoir dire plus d’imbécillité.
Vous viendrez me voir, n’est-ce pas ? Pour vérifier mon état déplorable ?"

Il y avait presque une touche d’espoir dans la voix de Iago.
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Muzio Barrozi
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MessageSujet: Re: Passage des Couleurs   Passage des Couleurs PerleDim 4 Nov - 22:31

Une fois de plus, la voix de Iago apaisait le médecin. C'était étrange, cette complémentarité entre eux.

Cette fois-ci cependant, contrairement à d'autres, il s'attachait aussi au fond des mots et ne se contentait pas d'en effleurer la surface. Sans doute parce que le discours de l'otiosissimus était plus concret. Toujours est-il que le médecin écoutait attentivement. Et, au fur et à mesure que Iago parlait, Muzio se sentait davantage rasséréné. Ce n'était pas un discours miraculeux, mais il sembla à Muzio qu'il atteignait particulièrement bien la vérité des choses.

Finalement, en deux entrevues, Iago en savait autant que Muzio sur la nature du médecin. La réciproque n'étant pas vraie. Le médecin était comme purgé, remis sur pieds. Certes rien n'était effacé, mais c'était comme si Iago l'avait tiré en avant et qu'il avait maintenant du recul pour envisager les choses. Oui il avait été faible, oui Venise avait mis en péril sa stabilité, mais les mots de Iago lui firent sentir combien il avait de ressource encore, lui firent comprendre qu'il saurait tenir et se battre. Se battre. Il apprendrait.

Une bouffée de reconnaissance monta en lui, qu'il ne chercha pas à réprimer tant il sentait que c'était l'aboutissement, involontaire peut-être, du travail de fortification qu'avait entrepris Iago. Oui, il aspirait à revoir cet homme.

Muzio se leva en même temps que Iago et lui offrit un sourire des lèvres et des yeux, un sourire réellement sincère.


« Je ne sais pas où vous chercher mais je vous trouverai. Ne serait-ce que pour vérifier votre état déplorable. »

Son visage se fit un peu plus grave, même si ses yeux pétillaient encore.

« Je vous remercie, Monsieur degli Albizzi. Parce que vous n'êtes pas un otiosissimus; vous êtes beaucoup plus et tant mieux. »

Il planta là son compagnon et s'éloigna de quelques pas. Alors il se retourna et ajouta:

« Pour votre oeil, arnica et hysope ! »

Avant de repartir.



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