VENISE
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilAccueil  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le deal à ne pas rater :
Cdiscount : -30€ dès 300€ d’achat sur une sélection Apple
Voir le deal

 

 Entrée du Labyrinthe

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
Pourpre
Du Bout des Doigts
Pourpre


Nombre de messages : 557
Statut : Admin
Date d'inscription : 11/04/2005

Entrée du Labyrinthe Empty
MessageSujet: Le Labyrinthe Végétal   Entrée du Labyrinthe PerleDim 20 Nov - 1:39

...
Revenir en haut Aller en bas
http://loch-lurgainn-house.forumactif.com/
Flavio V
Invité




Entrée du Labyrinthe Empty
MessageSujet: Re: Entrée du Labyrinthe   Entrée du Labyrinthe PerleDim 12 Aoû - 23:09

[L'ancienne Tuilerie]

La clameur s'écoulait le long des canaux, annonçant aux passants l'ouverture de la fête. Elle enflait et n'ornait de notes de musique, de chants et de rires d'enfants, de gloussements des filles de peu et de murmure plus doux. Elle se parait de dentelles et de fards chatoyant, telle une sirène changeante attirant en son sein les voyageur égarés, les paresseux désoeuvrés et tout ce que Venise comptait de bout en train, d'apprentis bourgeois en mal de reconnaissance, de voleur aux doigts de fée et d'amuseurs publiques. Trop de gens en un seul lieu au goût de Flavio.
Sous un chapiteau, ou alors sagement assis dans des gradins, debout derrière un cercle invisible séparant le public du saltimbanque, la foule ne dérangeait pas le jeune homme, où plutôt, elle devenait une masse compact sans âme ni vie. Il s'isolait de ses bruits, se concentrait sur ses tours et la regardait sans fléchir.
La foule d'un bal était fort différente, agitée de mouvements qu'il n'appréhendait pas, de lois et de codes qu'il ignorait. La foule d'un bal ressemblait à la mer, indomptable, improbable et sujette à vous noyer. Alors, quand il arriva à proximité du jardin où l'orchestre s'échauffait sur quelques gammes, il sentit toute sa motivation l'abandonner. Comment retrouver Orféo ? Nulle part il ne voyait la silhouette élancé et allègre de l'acrobate !

La peur ressenti face à Damas s'estompait pour ne lui laissait qu'un relent amer de son comportement de pleutre. Et si le ridicule était son ami par défaut, parfois, il aurait voulu connaître juste une once du souffle héroïque qui habitaient ses héros romanesques fantasmés. Piteux, il obliqua vers le labyrinthe végétal dont le piètre aspect en cette saison s'accordait aux affres de son coeur.
Pitoyables arbres dénudés, cadavres de fleurs de l'été passé encore pourrissants dans la boue des allées, plainte du vent qui voulait lui aussi participer à la fête sans y être convier. Le paysage n'était pas si lugubre mais le regard du conteur très sélectif tendait à le modeler, à le plier, à le transformer en un élément inerte d'un nouveau drame que son esprit vif était prompt à composer.
Un petit banc accueillit son popotin fatigué. Il remonta un peu ses bottes et ferma les yeux. D'ici, la clameur paraissait presque amicale. Il devait rassembler ses forces et son maigre courage. Autant faire bonne figure, autant glaner quelques piécettes en épatant les badauds ébaubis par une magie dont il avait le secret. Malgré ses belles pensées, ses fesses ne bougèrent pas d'un iota.
Revenir en haut Aller en bas
Muzio Barrozi
Médecin
Muzio Barrozi


Nombre de messages : 726
Date d'inscription : 14/05/2005

Entrée du Labyrinthe Empty
MessageSujet: Re: Entrée du Labyrinthe   Entrée du Labyrinthe PerleMar 14 Aoû - 15:31

[Calle Bardini - Maison du Médecin - Etage Inférieur - Salon-Bibliothèque]

Muzio s'était maudit environ huit fois depuis qu'il avait refermé la porte de chez lui. Mais lorsqu'il s'était retrouvé face à la fête proprement dite, il n'eut plus de mots pour qualifier sa négligence. Les allées du jardin grouillaient de joyeuses gens; comment retrouver son audacieux blessé dans tout cela ? Malgré quelques secondes passées à afficher une moue blasée, Muzio ne perdit pas pied. Sang-froid et persévérance, telles étaient les qualités à mettre en oeuvre.

En toute logique, l'homme se serait écarté des questions et des quolibets, donc de la foule. Direction les coins les plus calmes, donc. Le médecin erra dans les allées désertées, les bruits dans son dos, évitant de temps en temps un couple qui cherchait un peu d'intimité ou un homme aviné qui déclarait sa flamme à un buisson. Son blessé finit par l'interpeller discrètement à travers une haie. Le malheureux s'était réfugié dans le labyrinthe végétal d'où il guettait le médecin.

Il débita son histoire de chute à une vitesse qui ne pouvait qu'être suspecte. Muzio fit mine d'y croire et se consacra davantage à examiner les hématomes qui décoraient le visage de l'homme. Il voulut appliquer de la neige, mais il fallait croire que le froid n'avait pas rebuté les promeneurs, puisque, en guise de neige, il ne voyait autour de lui qu'une sorte de boue piétinée et fondue. Ah, peut-être... Oui, là-bas, un peu de blanc préservé. Evidemment, c'était sous un banc. Un banc occupé, par ailleurs. Il en fallait plus pour décourager Muzio, qui avait envie d'échapper aux justifications de plus en plus tordues de l'offenseur.


« Excusez-moi... » marmonna-t-il pour l'occupant du banc, tout en se baissant pour recueillir un peu de neige sous le banc en question.

Il soulagea les ecchymoses, conseilla entre autres au contusionné de rentrer chez lui, et finit par le pousser littéralement vers la sortie. Soulagé de s'en être débarrassé, Muzio se laissa tomber sur le banc glacé, à côté du jeune homme blond. Il se souvint de la posture de celui-ci lorsqu'il se croyait seul et en conclut qu'il n'avait pas affaire à un extraverti. Le médecin laissa le silence s'installer, tandis qu'il bâillait et que l'humidité du siège se communiquait à son vêtement. Il serait volontiers rentré chez lui, mais les bruits qui lui parvenaient du bal lui laissèrent présager d'autres interventions.
Il resterait quelques temps.
Mais ce qu'il était fatigué !
Il s'agirait pourtant de veiller pour les joyeux lurons d'à côté.

Il tua un bâillement dans l'oeuf, et finit par demander tout haut, davantage pour tenir son esprit en éveil que pour converser:


« Vous non plus, vous n'aimez pas danser ? »
Revenir en haut Aller en bas
Flavio V
Invité




Entrée du Labyrinthe Empty
MessageSujet: Re: Entrée du Labyrinthe   Entrée du Labyrinthe PerleMer 15 Aoû - 0:27


Seuls quelques couples adultères et ivrognes de circonstances s'aventuraient dans cette zone des jardins, juste éclairée de quelques lanternes afin de dissuader les détrousseurs téméraires de se mettre en embuscade. L'absence de mouvement et les sons qui lui parvenaient étouffés ne tardèrent pas à calmer le jeune sicilien. Bientôt, ses bonnes résolutions et la nécessité de trouver Orféo se diluèrent avec les images de son récit en cours de rédaction mentale.
Le froid de la pierre contre ses cuisses évoquait les murs de la cellule où croupissait Noé. Le sauvetage d'Enguerrand... Voilà. Le regard bleu dans le vide, il reconstituait le fil de son histoire quand un homme s'approcha.
S'il ne s'était pas arrêté à proximité pour farfouiller juste là, sous son siège, le saltimbanque n'aurait même pas remarqué sa présence. L'incongruité de la situation éveilla sa curiosité. Il ne vit pas vraiment ce que l'individu avait ramassé, alors il se pencha un peu. Une mèche de cheveux blonde s'échappa de son lien de satin sombre. Un reliquat neigeux avait survécu vaillamment au piétinement intensif des promeneurs et offrait une résistance passive au léger radoucissement climatique. Il était là, juste sous le banc, presque oublié. L'homme était juste venu lui arracher un peu de sa substance. Le mystère éclairci, Flavio s'en retourna à ses amis de contes.

Quelques minutes plus tard, le moissonneur de cristaux revint et s'assit juste à côté. Malgré la pénombre, il ne fallut qu'un coup d'oeil pour discerner l'expression lasse qui s'ornait sur le visage de l'individu. Flavio se raidit involontairement, mal à l'aise. Le type ne paraissait pas hostile. Curieux, il l'observa à la dérobée. Vêtement de facture correcte sans être luxueux, une tenue d'ailleurs pas vraiment festive, des mains fines presque féminines et tâchée d'encre. Un détail d'importance. Un détail qui ravivait un besoin qu'il avait presque oublié après ses péripéties de la soirée.
Pourtant, il retourna à la contemplation de ses genoux, les lèvres closes. Dépouillée de la subtilité de ses tours et de la magie ses fables, il restait ce garçon trop timide pour tenter d'aborder un inconnu. Au fond, il redoutait même que la médiocrité et l'inconsistance de sa personne le rende invisible à la face du monde. Alors, la voix le fit sursauter.
Il lui fallut une poignée de secondes pour comprendre que les paroles étaient de l'italien, qu'elles avaient même une signification simple et que les mots formaient une question à la quelle il serait poli de répondre. Une poignée de seconde où le regard clair de Flavio surprit, vaguement hébété, fixa son interlocuteurs, avec -il faut bien le reconnaître – une expression ahurie du plus bel effet.


- Ha, heu. Non. Enfin, oui. Je veux dire, je n'aime pas non plus danser. Je m'essouffle vite.

Il inspira calmement et reprit contenance. Son embarras disparu aussi vite qu'il était apparu. Un sourire teinté d'une once de réserve éclaira son visage juvénile. La lumière rasante d'un lampion proche créait une ombre légère sur son front, là où la peau fine avait embrassée violemment le dallage. Une marque violacée apparaissait entre les mèches de sa frange.
Il hésita avant d'ajouter :


- Votre manège avec la neige m'a intrigué... Si ce n'est pas indiscret...
Revenir en haut Aller en bas
Muzio Barrozi
Médecin
Muzio Barrozi


Nombre de messages : 726
Date d'inscription : 14/05/2005

Entrée du Labyrinthe Empty
MessageSujet: Re: Entrée du Labyrinthe   Entrée du Labyrinthe PerleMer 15 Aoû - 16:17

Qui l'eût cru ? Muzio venait de dénicher la perle rare, l'homme qui renfermait les essences mêlées de Cilio Dell Arbero et de Demetrio Catanei. Le médecin avait tourné la tête pour observer le spécimen. Le sursaut, le regard perdu, le laps de temps, les premiers mots empêtrés... C'était tout à fait cela. Contrairement à d'autres, Muzio s'efforçait en général de ne pas brutaliser les caractères mal assurés. Il inscrivit mentalement: "ne pas le brusquer". Quant à l'essoufflement, il aurait volontiers conseillé Salvia officinalis.

Curieusement, ce fut le jeune homme qui poursuivit la conversation. Il s'était visiblement remis et Muzio avait peut-être sous-estimé son degré de sociabilité.


« Mon manège ? Non, rassurez-vous, je crois agir encore de manière sensée. »

Il sourit aimablement.

« Voyez-vous, il se trouve que la neige apaise... » Il désigna du doigt l'hématome qui marquait le front du garçon. « ... ce genre de désagrément. »

Son regard ne s'attarda pas sur la peau bleuie, mais en avait noté les caractéristiques. Là, il aurait davantage cru à une histoire de chute. Quoique... Quoique tout objet un peu dur pouvait être suspect. Instantanément, des images s'imposèrent à son esprit. Adorasti blessé par arme. Les mains du benjamin Grazziano et de di Lorio, meurtries. Tout comme celle du claveciniste. Et maintenant ce garçon. Muzio se souvint de l'idée qu'il avait eue plus tôt: celle d'un combat nocturne, d'un guet-apens, de lames qui sifflent, de gourdins improvisés. Et la parole de Graziella Rivieri, menaçante: "toute la discrétion qu'il convient d'apporter à la situation... Le prince a clairement précisé cela... il serait très contrarié que vous n'ayez pas respecté son choix...". Et le regard d'Elio, impérieux.

Alors, soudainement, insidieusement, profitant sans doute de la fatigue du médecin, la peur se glissa dans son esprit et dans son corps, brouillant ses idées, accélérant son rythme cardiaque.

Les secondes qui avaient accompagné la montée de ce flot alarmé se passèrent pourtant calmement. Extérieurement, seul le regard dilaté de Muzio aurait pu le trahir, mais l'obscurité le masquait. Intérieurement, c'était le grand désordre. Des mots entendus ces derniers jours se bousculaient dans sa tête: "votre prédécesseur... comme c'est étrange, n'est-ce pas... Treviano... glisser ainsi... sa discrétion laissait à désirer... assassiné...". Assassiné !

Le soir amena une bouffée de vent glacial, et le sang-froid du médecin lutta pour réintégrer ses quartiers. Sa peur était irraisonnée. Il était discret de nature, il n'avait rien fait de mal, au contraire, il n'y avait aucune raison pour qu'on veuille l'assassiner. Aucune. D'ailleurs, il avait ignoré les rumeurs qui couraient sur Treviano. Le médecin tentait de se raisonner. Prêter foi à des ragots ? Mais les menaces... Mais les yeux... S'il parlait, allait-il lui aussi trébucher et finir dans le canal ? Se pourrait-il que...

Pourquoi n'y avait-il que quelques petits lampions pour éclairer ce labyrinthe ?


« Cela se rafraîchit. Malheureusement, le devoir me retient ici. »

Sa voix sonnait presque normalement. Il fallait parler, non plus pour se tenir éveillé - il se sentait parfaitement alerte, alerté même - mais pour empêcher cette panique injustifiée de s'emparer totalement de lui.

« J'oubliais... Je suis médecin. Je remplace Treviano, si vous l'avez connu... »

Pas un tremblement dans la voix. Dans la cervelle, un peu. Si seulement ce grand blondinet pouvait soudain s'exclamer "ah mais oui, ce pauvre Treviano, je l'ai moi-même vu trébucher dans le canal, il avait trop bu le malheureux, sa démarche ne laissait aucun doute"... S'il pouvait ajouter aussi "absurdes, ces rumeurs qui courent sur les motifs de sa disparition, n'est-ce pas ?"...

Ne pas laisser le silence s'installer. Sinon les ombres tremblotantes projetées sur les bosquets produiraient sur lui autant d'effet que lorsqu'il avait quatre ans et qu'il se cachait sous sa couverture pour leur échapper. Tout à sa volonté de retrouver sa lucidité, Muzio oubliait qu'il n'était pas bavard.


« J'ai peur que ce bal finisse mal... Venise me semble familière des échauffourées... Mais peut-être me trompé-je ? »

Parlez. Dites n'importe quoi. Rassurez-moi. Dites-moi que je délire, que j'ai besoin de repos, tout simplement. D'ailleurs j'ai besoin de repos. Tout simplement.
Revenir en haut Aller en bas
Flavio V
Invité




Entrée du Labyrinthe Empty
MessageSujet: Re: Entrée du Labyrinthe   Entrée du Labyrinthe PerleJeu 16 Aoû - 14:17

Flavio écouta l'explication de l'homme avec un intérêt croissant. Tous ce qui touchait au fonctionnement du corps humain et de son esprit le fascinait. La santé était à ses yeux son bien le plus précieux, d'ailleurs sa sauvegarde le motivait plus que l'argent. Alors, quand un quidam sortait de son chapeau une bourse trop plein en échange d'activités risquées, il déclinait toujours l'offre. Le cirque lui avait appris qu'une inattention coûtait cher et qu'un membre brisé ou qu'une mauvais chute avait souvent des conséquences irréparables.
Oui, le corps humain était une machine bien étrange et il avait hérité par un caprice des cieux d'un prototype avec des ratés continuels et des pannes soudaines. Il ne se plaignait pas. Son imagination ne connaissait ni frontière ni loi. Dans son monde, il était un créateur tout puissant. Jamais il ne s'ennuyait et sa curiosité inextinguible ne faillait jamais. En fait, il était plutôt chanceux, à condition de prendre certaines précautions et de consommer les remèdes qu'un ami de son maître lui avait préparé. Le soucis était que Guiseppe était loin et que sa réserve de décoctions rares et onéreuses diminuait comme la rosée sous les rayons du soleil.
La corpulence moyenne et l'age respectable de son voisin – aux yeux du sicilien tout juste sorti de l'adolescence – additionnées à une voix posée et chaleureuse lui donnait un je-ne-sais-quoi de philanthrope. Et l'encre qui imprégnait ses doigts le rendait encore plus amical. La passion de Flavio pour l'écriture tendait à lui rendre sympathique toute personne capable de lire, à moins qu'elle ne tienne une arme entre ses mains et qu'elle ne le menace directement.


- Médecin ? bredouilla Flavio avec admiration.

Cette fois, de sympathique, il lui parut providentiel ! Il se pencha un peu en avant pour capter plus de lumière et dévisagea l'homme de science sans vergogne. Un médecin ! Depuis des semaines qu'il tentait d'en trouver un qui ne soit pas habillé comme un prince, fardé de la perruque jusqu'aux orteils et brandissant le nécessaire à saignée avec une expression de contentement pervers. Un médecin qui ne rechignait pas à s'occuper de ses patients en pleine nuit et n'attendait pas dans un salon feutré que les nobles gens viennent le quérir.
Un médecin ! Le nom de Traviano lui était inconnu, il louait juste le Seigneur de rencontrer son remplaçant. La joie de Flavio s'exprima avec candeur sur son visage et pas un instant il ne remarqua la crainte qui voilait le regard sombre de celui qu'il considérait déjà comme un sauveur potentiel.
Calmer sa respiration.
Continuer la conversation sans s'emballer.
Il devait s'assurer que l'homme n'était ni un charlatan, ni un cul-béni. Ces derniers pouvaient s'avérer tous aussi dangereux.


- Je trouve la Sérénissime calme, comparée à d'autres citées. Enfin, je n'y réside que depuis quelques semaines. Et puis, là où je vis, on y meurt plus de maladies et d'accidents que d'agressions. J'espère pour votre quiétude que les bambocheurs ne se castagneront pas trop !

Il ponctua sa phrase d'un sourire espiègle alors qu'un autre couple à la recherche de discrétion vint fureter. Les voyants tous deux assis, devisant tranquillement, ils s'éloignèrent avec cette précipitation des amoureux désireux de satisfaire des besoins peu chrétiens.
Le jeune homme étira devant lui ses longues jambes gainées de bottes au cuir usé, et agita un peu les pieds. Il n'avait pas vraiment froid, il était habitué à vivre au grand air. Il bougeait juste ses membres pour combattre une sensation désagréable de fourmillement. Ce n'était pas de Venise dont il voulait parler... Le lieu et le moment ne se prêtaient guère aux confidences. L'occasion était cependant trop tentante pour la laisser filer sans rien faire. Il opta donc pour une présentation formelle.


- Ma profession est moins utile que la votre. Je suis conteur, magicien aussi. J'essaie de chasser les souffrances des âmes en leur prodiguant un divertissement, un peu de merveilleux.

Il attrapa dans sa poche un médaillon de métal qu'il fit courir entre ses doigts, plus par habitude que pour offrir une démonstration de ses talents, bien vain au regard du savoir que le médecin devait avoir engrangé. Juste un petit échauffement en prévision du travail.
Revenir en haut Aller en bas
Muzio Barrozi
Médecin
Muzio Barrozi


Nombre de messages : 726
Date d'inscription : 14/05/2005

Entrée du Labyrinthe Empty
MessageSujet: Re: Entrée du Labyrinthe   Entrée du Labyrinthe PerleJeu 16 Aoû - 16:35

Muzio avait noté avec surprise la joie qui avait éclairé le jeune visage à l'évocation de sa profession. Et le médecin avait beau se trouver dans un état fébrile, il ne put croire, en toute honnêteté, qu'il était témoin de la jubilation de l'homme à l'idée d'avoir trouvé sa nouvelle victime. Il fut donc disposé à penser que son jeune vis-à-vis nourrissait une sincère admiration à l'égard de la profession. Curieusement, il s'en sentit un peu rasséréné.

« Diable, on ne m'accueille pas souvent avec autant de joie ! »

C'était vrai. Sa visite était de celle qu'on n'aimait pas avoir trop souvent. Comme celle du croquemort.

Malgré le démenti que lui avait opposé le jeune homme au sujet de l'agitation vénitienne, Muzio ne pouvait se détacher des idées qui l'avaient envahi. Le fantôme de Treviano, qu'il avait jusque-là ignoré, semblait maintenant flotter autour de lui comme une menace informe mais présente. Serait-il condamné à vivre dans la peur ? Il lui faudrait clarifier tout cela. Déjà, l'esprit scientifique mettait à distance l'épée de Damoclès et projetait de s'en sortir.

S'en sortir. Survivre. Echapper à un assassin. Muzio aurait certainement ri si le spectre de son prédécesseur n'avait hanté ses idées. Quant aux gens qu'il avait laissés derrière lui, forts de leur bon sens campagnard, ils lui auraient reproché quelques verres d'alcool de trop. Mais depuis quand la mélisse développait-elle la paranoïa ?

La présentation de son compagnon le sortit de ses pensées, et les premiers mots lui arrachèrent même un sourire:


« Ah ne parlez pas d'activité utile ou inutile je vous prie, quelqu'un m'a récemment embrouillé les idées à ce sujet. »

Merci, Monsieur Degli Albizzi.

« D'ailleurs il ne me semble pas que votre profession soit plus inutile qu'une autre. Tenez, grâce à quelqu'un d'altruiste hier, je me suis débarrassé du poids des heures. Qui l'eût cru, voler une montre est finalement une activité généreuse et très utile. »

L'évènement s'était frayé un passage dans sa mémoire chamboulée à la vue des doigts agiles du magicien. Et conteur. S'il fallait pour Muzio relever une qualité de la vie citadine, ce serait ce formidable débordement de culture, de poètes, de scientifiques, de baladins, de musiciens... Il aimait cela.

Il observa plus attentivement les traits du saltimbanque, demandant soudain:


« Monsieur le conteur, j'ai une requête. Contez-moi ce que l'on chuchote dans les rues de Venise... »

Quelques secrets de notoriété publique se payaient-ils ? S'il fallait en échange examiner un pied ou un cousin, il pouvait le faire. Il ne demandait pas plus que des secrets de Polichinelle. Les rumeurs sur Treviano n'en étaient-elles pas ?

En tant que médecin, il savait respecter l'intimité. Mais il avait également besoin de connaître ses patients. Entre autres. Son travail ne lui laissait pas toujours le temps de se familiariser avec l'atmosphère.
Pour faire comprendre à son interlocuteur que sa curiosité n'était pas malsaine, Muzio esquissa un sourire qui, il l'espérait, prouvait assez son innocence:


« S'il vous plaît. »
Revenir en haut Aller en bas
Muzio Barrozi
Médecin
Muzio Barrozi


Nombre de messages : 726
Date d'inscription : 14/05/2005

Entrée du Labyrinthe Empty
MessageSujet: Re: Entrée du Labyrinthe   Entrée du Labyrinthe PerleDim 9 Sep - 13:45

[Le personnage de Flavio est supprimé]

Le conteur avait esquissé un tableau des rumeurs vénitiennes. Néanmoins, tandis qu'il parlait, Muzio comprit qu'il n'apprendrait rien de capital. Le saltimbanque se limitait sagement à des histoires sans grand intérêt, comme s'il ne voulait rien confier d'intéressant à titre gracieux. Dommage, songea le médecin, il avait espéré plus de risque et de prolixité dans la réponse d'un conteur de rue. Tant pis.

Les mots du jeune homme eurent au moins le mérite de tenir Muzio éveillé. Ce fut grâce à eux qu'il put garder suffisamment de lucidité pour s'intéresser de loin aux saynètes qu'il entrevoyait dans le reste du Castello. Ainsi découvrit-il que telle jeune fille qui lui avait parue bien pudibonde lorsqu'il avait tenté de l'examiner se livrait sans grande résistance au premier charmeur venu, et que ce vieil homme austère cultivait un certain penchant pour l'alcool. Un bal populaire ne révèle pas les meilleurs aspects de l'humanité.

Laissant son regard errer sur les petits groupes animés, flottant sur les paroles du saltimbanque, Muzio s'aperçut de la présence de Iago degli Albizzi. L'otiosissimus, ici ? Interloqué, le médecin fixa son attention sur ce groupe... et y découvrit son locataire, le sage et artiste Demetrio Catanei, gesticulant et titubant. Le médecin fronça les sourcils. Et soudain, un poing se détendit, droit sur le pantin philosophe. Muzio eut un réflexe pour se lever. Ce qu'il vit ensuite le paralysa une seconde sur son banc. Le violoniste rêveur suivait allègrement l'exemple du premier coup. Un profond sentiment de déception envahit Muzio, qui tenta cependant de le repousser. Allons, ces hommes étaient saouls.

Il s'excusa auprès de son compagnon et s'avança vers le petit attroupement.


[Passage des Couleurs]


Dernière édition par le Sam 29 Sep - 23:02, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Entrée du Labyrinthe Empty
MessageSujet: Re: Entrée du Labyrinthe   Entrée du Labyrinthe Perle

Revenir en haut Aller en bas
 
Entrée du Labyrinthe
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Le Petit Labyrinthe
» Plan du Labyrinthe
» Sortie du Labyrinthe
» Le Petit Labyrinthe

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
VENISE :: ENTRE NOUS :: LA CITE :: Le Jardin du Castello :: Le Labyrinthe Végétal-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser