VENISE
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilAccueil  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le deal à ne pas rater :
Cdiscount : -30€ dès 300€ d’achat sur une sélection Apple
Voir le deal

 

 Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse

Aller en bas 
3 participants
Aller à la page : 1, 2  Suivant
AuteurMessage
Pourpre
Du Bout des Doigts
Pourpre


Nombre de messages : 557
Statut : Admin
Date d'inscription : 11/04/2005

Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleSam 15 Avr - 20:59

...
Revenir en haut Aller en bas
http://loch-lurgainn-house.forumactif.com/
Cilio de
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleDim 16 Avr - 19:59

[Près de la porte]

Il faut le dire, Cilio n'avait pas vraiment l'habitude des foules. Ses mains faisaient de malencontreuses rencontres - ce qui lui valut des regards, féminins comme masculins, n'annonçant rien de bon -, ses coudes percutaient des côtes malchanceuses, et lui-même se prit un délectable upercut dans l'estomac - mais lui au moins avait la politesse de s'excuser après chaque maladresse, ce qui lui coûta d'ailleurs le bon quart d'heure dont il avait eu besoin pour parcourir 20 mètres. Si bien que Cilio décida de poursuivre son avancée les bras croisés, et tant pis si cela lui donnait l'air associal.

Le jeune homme avait salué quelques vagues connaissances, mais sans s'attarder. Il s'efforçait de ne chercher personne en particulier, mais il avait à vrai dire l'impossible espoir que sa rencontre de l'après-midi ait été convié à la soirée... Espoir qu'il tenta vainement de chasser par une paire de gifles mentales. Peut-être aurait-il été chassé par une paire de gifles bien réelles, ce qu'il évita cependant au risque de passer pour dérangé et de finir la soirée dans l'obscurité frigorifique des rues de Venise.

Inconsciemment peut-être, Cilio s'était dirigé vers les fenêtres qui donnaient sur la terrasse. Non pas que cet espace soit moins densément peuplé, mais il y régnait au moins cette impression de n'être pas littéralement écrasé par une masse humaine. Juste par un côté.

Trouvant l'endroit à peu près confortable, Cilio entreprit d'observer les personnes qui occupaient déjà l'espace. Son application à étudier les visages présents sans paraître impoli lui valut le manque d'inattention pour ce qui se tramait plus bas... Et le malheur du pied voisin qui se retrouva coincé sous le sien.


"Veuillez m'excuser! Je vous demande pardon, je suis vraiment confus... ", bafouilla Cilio en se retournant vers le propriétaire du pied malchanceux...


Dernière édition par le Dim 16 Avr - 21:05, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Maschera
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleDim 16 Avr - 20:56

[les serres]

Maschera avait quitté la marquise à contrecoeur, la foule étant trop dense et surtout trop sombre pour qu'elle puisse l'apercevoir de loin, elle se fondait si bien dans la masse. C'était un exercice pour lequel Maschera n'était vraiment, mais alors vraiment pas douée.

Le bain de foule avait eu raison des effets toxiques des vapeurs de chez le marchand de cire. La jeune femme était en parfaite possession de ses moyens, et tant mieux d'ailleurs.

Elle s'était adossée à la fenêtre, elle avait remarqué que Louisa del Santangelo était allée près de la cheminée, mais elle préférait la fraîcheur de l'air à la chaleur étouffante de l'âtre. Elle profitait de la vue qu'elle avait sur l'extérieur quand un importun lui marcha sur le pied.

Elle tourna un regard furieux vers l'inconnu qui venait d'écraser ses orteils, inconnu qui se confondait en excuses, ce qui radoucit quelque peu la jeune femme.


"Ce n'est pas grave, vous savez, nombre de gens ici se marchent sur les pieds. Vous ne serez ni le premier ni le dernier..."

Elle lui adressa un sourire charmant et sympathique, elle avait décidé ce soir de paraître sociable. Pour une fois, ça la changerait.

"Et par qui ai-je eu l'honneur de me faire écraser les chaussures ?"

Demanda-t-elle sur le ton de la plaisanterie, pour engager la conversation et par politesse.
Revenir en haut Aller en bas
Cilio de
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleDim 16 Avr - 21:27

Par chance, Cilio ne perçut pas le premier regard de Maschera qui l'aurait envoyé directement six pieds sous terre. Perdu dans ses excuses, il ne leva les yeux que lorsque la jeune femme (car Cilio avait tout de même pu reconnaître que le bas du corps était celui d'une femme) interrompit son flot de bafouillages.

La propriétaire dudit pied était ravissante, plus que ravissante même. Les femmes de Venise étaient décidément bien trop belles. Les fréquenter n'apporterait probablement que des soucis au jeune poète, il en était persuadé... Mais le fait est qu'il n'avait pas vraiment le choix. S'il avait été une femme, il aurait encore pu se faire nonne. Cependant, même les curés avaient affaire aux femmes.

Le regard de celle-ci aurait enflammé l'inspiration de n'importe quel poète. Elle était jeune, et une lueur à la fois charmeuse et intelligente semblait vouloir détrôner toute autre source de lumière. Accompagnée d'un sourire fort engageant, Cilio ne voyait aucune raison de se priver d'une conversation qui s'annonçait des plus agréables... Si toutefois il parvenait à articuler quelques mots.

La plaisanterie arracha un sourire confus au jeune poète, qui répondit en s'inclinant légèrement, histoire de ne pas enfourner la tête dans le divin décolleté de la jeune femme.


" Pardonnez mon manque de délicatesse", dit-il, les joues encore en feu. " Je me nomme Cilio Dell'Arbero, poète au service du Prince di Grazziano. Puis-je me permettre de vous demander votre nom...? "
Revenir en haut Aller en bas
Maschera
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleDim 16 Avr - 22:00

Elle émit un léger rire en voyant le jeune homme rougir. Elle le détailla tandis qu'il s'inclinait légèrement, il n'était pas laid, loin de là, et avait quelque chose de... elle n'arrivait pas à l'expliquer.

De poétique, voilà le premier adjectif qui lui arriva à l'esprit. Dans son regard, surtout. Enfin quelqu'un d'intéressant, c'était rare dans ce monde hypocrite...

Elle entendit la présentation du jeune homme avec un sourire. Poète, ainsi donc elle n'avait pas réellement eu tort. Elle appréciait la compagnie des gens de lettres, cette discussion lui semblait donc à elle aussi fort intéressante à engager !


"Poète ? Quel beau métier, vous avez de la chance... je me nomme Maschera dell'Alba, et je suis la dame de compagnie de la marquise del Santangelo. Comme vous voyez, ma charge a moins de charme que la vôtre..."

Elle ajouta cette dernière phrase sur un ton d'excuse, excuse de quoi, elle n'aurait su le préciser.

Sur l'estrade des musiciens, un alto émit un couac assourdissant, et Maschera porta une main à son oreille en faisant un petit bruit de langue montrant sa désapprobation. Décidément, c'était du travail d'amateur...

Mais le clavecin commença à jouer. Ah, enfin une bonne musicienne, songea Maschera en regardant la femme en gris perle jouant sur l'estrade. Elle ferma les yeux, se laissant bercer par les notes qui s'égrenaient...
Revenir en haut Aller en bas
Cilio de
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleDim 16 Avr - 23:49

" Moins de charge, mais sûrement plus d'utilité ", répliqua honnêtement Cilio aux propos de la jeune femme. " Je suis enchanté de vous connaître, signora Dell'Alba... Enfin, je ne prétends pas vous connaître déjà, mais j'espère en avoir l'occasion. "

La moue non retenue de la jeune Dell'Alba amusa le jeune poète qui avait lui aussi tiqué, mais plus discrètement, à la note désaccordée de l'alto. Il fut ravi de constater l'intérêt de sa charmante compagnie pour la musique. Elle avait également bien réagi lorsqu'il s'était présenté comme poète: pas d'éloge excessive, pas plus que de sourire narquois, une simple remarque agréable... " Poète? Quel beau métier, vous avez de la chance".

De la chance? Oui, ça, on pouvait dire qu'il en avait eu, de rencontrer le Prince di'Grazziano... Cela lui rappelait qu'il allait faire honneur à sa générosité ce soir même. A cette pensée, sa main passa mécaniquement sur sa sacoche, qu'il avait refusé de donner en même temps que son manteau au serviteur dans le hall. Elle ne contenait pas n'importe quel parchemin... Il ne voulait pas qu'il lui arrive quoi que ce soit et de toutes façons, il préférait l'avoir sous la main. Dans un sens, sa présence le rassurait.

Les premières notes du clavecin firent diminuer légèrement le volume des conversations dans la pièce. Cilio apprécia à leur juste valeur ces quelques instants de répis, dont la signora Dell'Alba semblait également se ressourcer. Le jeune poète s'étonna de la voir même fermer les yeux. Au beau milieu d'une soirée comme celle-ci, c'était presque dangereux... Les lèvres de Cilio s'étirèrent en un sourire aigre.

Il attendit patiemment que la jeune femme ouvre à nouveau les yeux pour déclarer, d'une voix encore basse afin de ne pas troubler la la beauté du morceau :

"Si tous les musiciens de Venise jouaient aussi divinement que cette femme, l'ouïe de ses habitants redouterait même l'orchestre mélodieux des anges..."
Revenir en haut Aller en bas
Maschera
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleLun 17 Avr - 21:16

Elle esquissa un sourire en rouvrant les yeux. Avait-elle réellement de l'utilité, elle, qui ne faisait que distraire une marquise aux goûts originaux ? Ou ne servait-elle que de simple décoration ?

Sans doute la deuxième solution était-elle la plus juste, elle n'était qu'un ornement. Mais elle s'en accomodait, après tout c'était pratique, elle pouvait agir dans l'ombre et discuter avec qui bon lui semblait, sans avoir le souci de sa réputation, elle n'était qu'une petite noble sans intérêt.

Elle remarqua le geste du jeune homme vers sa sacoche. Ainsi, elle n'était pas la seule à conserver ce qu'elle avait de plus précieux sur elle, du moins, quand elle le pouvait ? Oh, comme la jeune femme aurait aimé pouvoir amener son violon, malheureusement elle n'était point musicienne et avoir un instrument avec soi quand on n'avait pas à en jouer pouvait faire légèrement tache.


"C'est rare en effet de nos jours de voir aussi bonne musicienne. Vous-même, pratiquez-vous un quelconque instrument, autre que votre plume -dont, je vous l'avoue, j'aimerais connaître les écrits ?"

La demande de Maschera était sincère, elle aimait la poésie et s'adonnait parfois à quelques jeux d'écriture, au ton assez sombre et mélancolique. Elle n'y excellait pas, mais s'en amusait assez.

Elle laissa échapper quelques notes, fredonnant le même air que celui joué au clavecin -divinement bien !-, constatant avec plaisir que le silence se faisait par endroit dans la salle de bal. Enfin, ces poules grimées et sanglées à l'excès et ces coqs trop fiers dans leurs apparats cessaient leur caquettage, c'était un repos pour les oreilles fort agréable. Après un instant de silence, la jeune femme murmura :


"Faire mieux votre connaissance serait aussi un plaisir..."

Sincère, une fois de plus, cela commençait à faire beaucoup de fois dans la soirée. Et face à la même personne, qui plus est ! Pour la Maschera, jouer un personnage qui lui ressemblait était d'une rareté extrême...
Revenir en haut Aller en bas
Cilio de
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleMer 19 Avr - 18:28

Le visage de Cilio se ferma légèrement à la requête de la jeune Maschera. Il n'avait pas pour habitude d'exposer ses textes au premier venu -ni même à la première-, encore moins lors d'une soirée mondaine comme celle-ci. Son apprentissage s'était fait au fil de ses émotions, de ses expériences, de son sentiment face au monde et aux mots; il était loin du cercle élitiste des hommes de lettres, ceux qui depuis leur première jeunesse étudiaient sans relâche la belle langue italienne, au fait de toutes ses contraintes et de toutes les modes de la prose comme du vers... Cilio craignait surtout ces regards aiguisés, analysant chaque syllable de chaque mot selon un code qui lui était méconnu.

Seul le Prince Ugo avait le pouvoir de lui faire déclamer en quelque lieu et quelque moment que ce soit ses écrits. Il avait une confiance totale dans le jugement de ce dernier, et peu lui importait alors les autres critiques; tant que le Prince était satisfait, Cilio considérait son poème comme présentable. Cela n'empêchait pas qu'il fut sensible à ce que d'autres lui disaient, d'autant plus quand les remarques étaient pertinentes.

En cette heure et en cet endroit, Cilio ne se sentait absolument pas prêt à lui faire entendre l'un de ses poèmes. D'un autre côté, la requête de Maschera ne se faisait pas pressante. Et sa dernière phrase, dont le regard un peu fuyant de la jeune femme trahissait la sincérité, lui inspirait une confiance... Qu'il atténua immédiatement, de peur d'avoir à le regretter.


" Je serais ravi de vous faire partager ma passion, cependant le lieu et l'heure me paraissent inappropriés ", répondit-il, laissant un léger sourire s'emparer à nouveau de son visage." Je craindrais que la magie si fragile des mots poétiques ne se perde ici, dans la foule de leurs confrères. Mais, ne vous en faites pas: vous aurez plus tôt que vous le pensez l'occasion de rencontrer mes vers... "

Il avait remarqué au chantonnement de la signorita Dell'Alba que celle-ci avait l'oreille juste et musicale, en plus d'un timbre avec cet on-ne-sait-quoi d'à la fois envoûtant et lointain. Oui, quelque chose de lointain... La jeune Dame de compagnie était certes physiquement et intellectuellement présente, mais les expressions de son visage naviguaient constamment entre plusieurs eaux. A l'oeil non aguerri, elle paraissait cette jeune femme au caractère visiblement marqué, au regard un peu sombre et dramatique. Pour les yeux de Cilio en revanche, la teinte voilée de mélancolie dans sa voix et dans ses gestes ne faisait aucun doute. Enfin, quoique... Peut-être n'avait-il une fois de plus que trop d'imagination.

" J'ai eu, une fois, le privilège de sonner les cloches du village de campagne dans lequel je vivais. Mais j'ai eu le malheur, dans mon enthousiasme d'enfant, de me laisser emporter par la corde et de la lâcher alors que je me trouvais à environ trois mètres au-dessus du sol... Ma mère ne m'a plus laissé jouer d'aucun instrument depuis ce temps", dit-il en guise de réponse à la question qu'il avait éludée, mi-riant, mi-grimaçant au souvenir de la chute.

En réalité, bien que cet évènement ce soit réellement -et malheureusement- produit, cela faisait bien sûr longtemps qu'il avait quitté sa mère et qu'il était libre de jouer l'instrument qu'il souhaitait... Cilio ne voulait pas avouer que c'était par crainte de l'échec ou de la désillusion qu'il n'avait jamais osé toucher à un instrument.

" Vous, en revanche, semblez avoir l'oreille musicale... Est-ce don inné ou fruit d'un apprentissage long et acharné? " s'enquit le jeune homme avec un sourire engageant.
Revenir en haut Aller en bas
Maschera
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleMer 19 Avr - 22:17

Elle sentit qu'il n'était pas très enthousiaste à l'idée de lui présenter ses vers, peut-être par méfiance, elle ne savait pas. Tant pis... Peut-être en effet aurait-elle l'occasion un jour de connaître ses poèmes. Plus tôt qu'elle ne le pensait ? Elle ne pensait pas...

Elle eut un grand sourire quand il lui posa une question sur son oreille musicale, elle adorait décidément ce sujet de conversation, ça changeait agréablement des plants de fenouil qui guérissait les rhumes !


"Je pratique le violon depuis ma plus tendre enfance, c'est ma passion."

Elle avait dit cela spontanément, d'une voix enjouée et enthousiaste. Parler art, c'était un de ses loisirs favoris.

Elle émit un léger rire à l'évocation de ses mésaventures de clocher, évidemment cela pouvait décourager.


"Il y a des instruments moins dangereux que les cloches d'église... le clavecin, l'alto, ou autres instruments plus courants..."

Elle plaisantait, elle ? Mauvaise plaisanterie certes, mais c'était là chose très rare, d'ordinaire on aurait pu croire qu'elle avait avalé son archet tant elle était avare de rire.

Soudain, elle aperçut une perruque poudrée, dans l'encadrement de la porte... encore ce maudit amoureux de la cire ! Maschera pesta intérieurement tandis qu'il lui faisait signe de le rejoindre et fit à Cilio :


"Veuillez m'excuser, il me faut aller éconduire un importun..."

Elle grimaça, esquissa un léger salut et se dirigea vers le marchand de bougies, encore de longues et barbantes discussions en perspective...

(scuze, absence longue...)
Revenir en haut Aller en bas
Louisa d
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleSam 22 Avr - 13:18

[Cheminée]

La marquise, vaincue par le peu de conversation qu'avaient tous les personnages de la cour, préféra se rapprocher de Maschera, bien que cette dernière sembla en grande conversation avec un homme qu'elle avait maintes fois croisé dans les couloir, sans vraiment le connaître, comme tous les autres, d'ailleurs.
La cheminée avait lancé une grande châleur sur le corps de Louisa, et se sentit quelque peu transie par le froid, sans toutefois faire paraître aucune émotion sur son visage.
Poliment, la Dame Del Santangelo s'inclina légèrement en signe de salut, avant de développer son éventail devant sa bouche, et de rester un peu en retrait de Cilio, par simple politesse. Même en tant que noble, jamais la marquise n'aurait marqué de supériorité envers eux, sans toutefois les remonter dans leur estime. Ils étaient des hommes, elle n'avait que le privilège d'une bonne naissance, et d'une éducation parfaite, ce qui n'atait, certes, pas négligeable.
Maschera s'était dirigée vers le marchand de bougies. Si ce dernier voulait avoir à faire avec la noblesse, Louisa ne manquerai pas de parsuasion et d'argent pour en arriver à ses fins... Tout en pensant à cet éventail, arme fabuleuse...


"Ne prenez pas mal mon intrusion parmi vous."

La voix calme et douce de la marquise était à moitié couverte par le son de la musique, mais elle n'aimait pas crier et rire à gorge déployée comme beaucoup de femmes de l'assemblée, et moins on la remarquait, mieux c'était.
Du coin de l'oeil, elle observait le marchand de bougies, cet homme gras, sans aucun charme, mais avec beaucoup d'argent. Le passe-partout de chacun pour être invité dans une assemblée bourgeoise, voire noble. Il ne semblait pas s'en priver, et buvait du vin plus que personne. Si il parlait de Maschera en utilisant les termes de "sorcière", il n'auarit toute façon pas pu paraître crédible.
Cette conclusion satisfaisante faite, Louisa se tourna vers Cilio et lui sourit. C'était plus de soulagement, mais c'étaitrare et sincère.
Revenir en haut Aller en bas
Cilio de
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleJeu 27 Avr - 12:09

Ainsi, la jeune dame de compagnie jouait du violon... Cilio en aimait la pureté du son. Certains virtuoses lui avaient parfois même arraché des larmes, tant l'émotion à la fois puissante et fragile que masquait la délicatesse de la note l'avait pénétré. Une âme de poète aussi sensible que celle de Cilio ne résiste pas à la mélodie dramatique du violon... D'autant plus lorsqu'elle provient du fin doigté d'une aussi belle jeune femme que Maschera.

Cilio la laissa s'éclipser avec une pointe de regret, se promettant d'aller la retrouver dès qu'elle en aurait terminé avec le marchand. Il n'eut cependant pas le loisir de s'apitoyer sur sa solitude nouvelle, ni de se préoccuper plus longtemps du prochain invité à aborder... Déjà une autre femme, non moins belle et visiblement non moins noble que la signorita dell'Alba, insinuait ses pas dans le cercle invisible qui tenait le poète à distance des autres invités.

"Ces soirées sont faites pour de nouvelles rencontres", la rassura Cilio, bien que certain de l'inutilité de son accueil agréable. Quoiqu'il ait pu dire, pensait-il, la Dame serait de manière égale restée ou partie, non pas selon son interlocuteur mais selon sa propre volonté. Les yeux sombres de la femme trahissaient un caractère placide et incisif que peu auraient osé affronter. Pourtant, face à ce sourire sincère, les mots qui envahissait l'esprit du poète étaient loin de la sévérité de son regard...

*Vertige des regards passés
Qui danse au coeur de la tourmente

Abîme de soie bleuté
Qui s'habille d'une nuit démente

Tu fuis le monde et ses yeux oppressants
Parmi eux tu t'imposes mais ton esprit s'oppose
A ces passions brisées par le manque incessant
De lumière et de temps pour que leurs fleurs éclosent

Et tu pleures, ô toi qui comptait les étoiles
Et tu pleures, car les hommes t'ont donné mal
Tu pleures dans le silence car le silence est ton coeur
Tu pleures dans l'ombre car l'ombre est ta demeure

Jusqu'au soir où ton rêve enfin commencera
Où la main de l'espoir enfin t'emportera... *

Le sourire de Cilio était un sourire de reconnaissance, pour cette femme qui lui avait inconsciemment offert l'un des instants qu'il chérissait plus que tout... Peu lui importait que la femme réponde ou non au portrait de ces vers; elle était la source de leur création, c'était la seule chose qui comptait.


" Ma Dame, je me nomme Cilio Dell'Arbero, poète par la grâce du Seigneur et du Prince Di'Grazziano ", se présenta-t-il en inclinant le buste.

*Sachez que votre simple présence est enchanteresse des mots*, songea le jeune homme sans oser lui avouer. Cette simple pensée échauffait ses pomettes: comment aurait-il pu l'énoncer sans bafouiller, face à cette femme dont l'aura emplissait silencieusement l'atmosphère?
Revenir en haut Aller en bas
Louisa d
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleVen 28 Avr - 12:23

La marquise tressaillit. L'homme lui avait parlé. C'était rare qu'on s'adresse à elle lors des soirées, et plus rare encore que ce soit pour de simples présentations et non pour de grands discours ennuyeux qui avait tendance à la faire fuir bien trop vite.
A son tour, Louisa inclina la tête et se présenta, par politesse, en sachant pertinament que Cilio devait bien savoir qui elle était... Quoique sa présence soit fort peu remarquée en temps normaux.


"Marquise del Santangelo"

C'était peu, mais suffisant. D'ailleurs, Maschera devait bien avoir du, auparavant, parler de la marquise à Cilio. Cette femme avait toujours eu un bon flair pour remarquer des présences plus interessantes que d'autres, et ce soir, Louisa avait décidé de converser avec l'une d'entre elles.
Le regard de la dame se braqua près de l'estrade des musiciennes. Un bourgeois avait renversé son champage sur le decolleté d'une jeune fille et s'efforçait de l'essuyer avec son mouchoir personnel, et tout portait à croire qu'il ne soit en fait qu'un pervers et que ses gestes avaient été auparavant calculés.


"Il se peut que vous n'ayez point eu le loisir de me voir, ni même de m'apercevoir. Mon travail me retenait. Vos vers m'ont souvent été comptés, et je suis bien aise de pouvoir enfin vous rencontrer."

La poèsie était un art que la marquise aimait par-dessus tout, et complexait un peu de ne savoir effectuer que les matières traditionnelles imposées à de jeunes filles comme le dessin, la musique et le chant, qu'elle n'exerçait encore pas à merveille. Les artistes étaient les fondateurs de Venise, et sans eux, la ville serait bien moins attractive.
Le secret de leurs vers, elle ne chercherait pas à le percer. Tout ce qu'elle voulait, au fond, c'était le voir composer, écrire, et s'immiscer dans son esprit pour rencontrer toutes les folies qui s'y croisent à ce moment-là, tout un mêli-mêlo d'idées en rimes qui descendent dans son poignet et se couchent pour l'éternité sur un papier. Comme une femme doit être comblée quant elle a le privilège de recevoir ces écrits par l'élu de son coeur !


"Avez-vous un domaine privilégié dans vos écrits ? Un domaine comme l'art, la guerre, ou encore... L'amour ?"
Revenir en haut Aller en bas
Maschera
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleDim 30 Avr - 17:42

Après une houleuse discussion avec ce marchand de bougies, Maschera put enfin retourner vers le poète. Et quelle surprise, il se trouvait en train de discuter avec... Louisa del Santangelo, marquise...

Pourquoi, elle n'aurait su le dire, mais Maschera sentit une bouffée de jalousie. Elle n'aimait pas qu'on touche à "sa" marquise, elle était un peu trop possessive sur les bords. Mais Cilio ne lui semblait pas être un mauvais garçon que l'on pouvait croiser dans les méandres des rues les plus mal famées de Venise...


"Marquise, quelle joie de vous trouver ici... Veuillez m'excuser, cet ignoble camelot n'a point encore compris que je ne veux pas de ses bouts de cires."

Elle eut un sourire sincèrement navré. Ce petit imbécile aux manières empressées qui voulait absolument qu'elle lui achète son magasin entier pour une somme astronomique, elle l'aurait bien gratifié d'un soufflet pour éteindre ses flammes marchandes...

"Excusez-moi de m'immiscer dans cette conversation"

Reprit-elle à voix très basse, tellement basse qu'on aurait pu croire à une illusion... Maschera avait-elle réellement parlé ? Ou n'était-ce que le vent au dehors ?
Revenir en haut Aller en bas
Cilio de
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleLun 1 Mai - 20:31

Del Santangelo. Ainsi, Cilio avait sous les yeux la Marquise qui partageait, en quelque sorte, la vie de la jeune signorita Dell'Alba. Dame de compagnie n'était pas une charge anodine; Cilio avait pleinement conscience des liens particuliers qui pouvait se tisser entre un noble et son plus proche "serviteur" - si le terme était encore approprié. Souvent premier confident, spectateur et parfois acteur de moments intimes, la notion initiale de loyauté se mue en un sentiment plus ardu, d'une force et d'une complexité déroutante. Ce n'est pas si fréquemment une véritable complicité, et l'amitié sincère est rare; mais le serviteur devient tantôt miroir de son maître, tantôt bâton salutaire pour soutenir les plus rudes montées, ou encore la voix qui s'élève quand le maître ne peut se le permettre; si l'on s'imagine que l'attachement est plus fort du côté du serviteur, sans doute se trompe-t-on lourdement.

Du moins était-ce ainsi que Cilio, du haut de ses 21 ans, avait perçu ce qui unissait la plupart des maître avec leur homme de main, ou leur dame de compagnie. La Marquise et la jeune violoniste ne semblaient pas déroger à la règle, quoique Cilio ne les ait encore pas vues ensemble. Parfois, ce n'était pas nécessaire.


" Le plaisir de cette rencontre est partagé ", répondit simplement Cilio, essayant de retrouver ce que lui évoquait le nom de Del Santangelo. Il l'avait probablement entendu lors d'une discussion mondaine. " Je suis honoré que mes écrits soient parvenus jusqu'à vous. Mais il est une chose d'être connu, et une autre de le mériter... Je ne sais pas si j'ai encore le droit de m'en réjouir. "

Il avait ponctué cette dernière phrase d'un léger sourire, comme pour montrer qu'il ne prenait pas cela réellement au sérieux.


" Il m'importe plus, je dois dire, de plaire à ceux qui me sont chers que d'entendre prononcer mon nom de la bouche des plus grands. Mais bien sûr, ce qui est accessoire n'est pas négligeable ni détestable pour autant. "

Son expression devint imperceptiblement plus distante à la question de la Marquise. Des thèmes privilégiés... Un thème, oui... "Son" visage apparut dans un coin de son esprit, toujours aussi clair, aussi rassurant. D'une présence inéluctable.


" Mes expériences personnelles sont ma première source d'inspiration, je crois que c'est humain ", répondit-il avec un sourire triste. " J'écris rarement sur commande. Le thème vient au fil des mots, et il n'est bien souvent pas décidé à l'avance; une sensation, une pensée fugace, une illusion parfois peuvent éveiller ma muse. J'écris sur tout ce qui me touche, sur des choses aussi futiles que l'atmosphère carmin d'un coucher de soleil, comme sur la misère des hommes, sorti des hautes sphères de la société... Je m'étonne parfois moi-même de la direction que peut prendre l'un ou l'autre de mes poèmes. Les mots sont capricieux. Je ne crois pas devoir les dresser, ils en perdraient leur beauté; simplement les attraper au vol, leur demander gentiment une plume de leurs ailes et les laisser repartir, sans oublier de les remercier... "

Si la Signora Del Santangelo avait voulu placer un mot, il était déjà trop tard. Il avait suffi d'une simple question pour que le jeune homme, enflammé par sa passion, se laisse emporter par les mots. Il prit conscience de l'ennui probable de son discours en même temps que du retour de Maschera; celle-ci s'était glissée auprès de sa maîtresse sans que Cilio, habituellement attentif au monde qui l'entourait, ne s'en aperçoive. Il lui adressa un regard à la fois contrit et chaleureux:

" Pardonnez-moi. Je me laisse emporter. Je suis sincèrement ravi de vous retrouver si rapidement ", lui dit-il sans pouvoir empêcher ses joues de rosir à nouveau.

A présent que les deux jeunes femmes étaient réunies, Cilio se prit à confirmer ce qu'il songeait à propos des relations entre maîtresse et Dame de compagnie. Ici, c'est une certaine similitude dans leur manière d'être qui le frappa; peut-être à force de se côtoyer, de se jouer en miroir. En tous les cas, elles paraissaient comme plus fortes, plus solides ensemble que séparément. Rien dans leur attitude ne l'évoquait, mais c'est ainsi que l'âme de poète le ressentait...
Revenir en haut Aller en bas
Louisa d
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleLun 1 Mai - 21:16

La marquise avait, contre toute attente, écouté avec attention les paroles du poète. Elle avait toujours aimé les gens d'esprit, et cette forme d'art qu'est la poésie était rarement bonne, et celle de Cilio était à son goût. Louisa n'interrompait jamais les discours, et les analysait. cet homme avait donc vécu, et s'il avait des vers à tirer de sa vie, c'était bien la preuve qu'il savait voir de loin ce que beaucoup tendent à voir trop près. Le recul est une chose bien précieuse. Trop de monde se laissait bien vite dépasser.
Maschera refit son arrivée, et la marquise l'acceuillit avec un grand sourire une note désolée dans son regard pour s'être ainsi immiscée dans une conversation qui n'était pas la sienne au départ.


"Vous ne vous emportez pas, vous parlez avec votre coeur... Et même si vous préférez plaire à ceux qui vous sont chers, mais je suis désolée de vous décevoir... Vous ne me connaissez pas, et j'apprécie votre poésie."

Louisa regarda d'un oeil mauvais le marchand de cire qui avait vite tourné le dos. Si cet homme ne voulait pas comprendre par les mots, il entendrait d'une autre façon. La marquise n'aimait pas les conflits, et les évitait dès que possible... Mais jamais elle ne laisserait quelqu'un lui en chercher impunément.

"Non, Maschera... Tu ne veux pas de ses bouts de cire. D'ailleurs, ils étaient bien malodorants. Je me demande, mon cher Cilio... Elle s'était retournée vers lui, avec un léger sourire. Où donc allez-vous chercher vos bougies ? Cette question peut vous paraître bien incongrue, mais on dit que la flamme qui éclaire le poète lui inspire sa muse. Je serais curieuse de voir ce que je pourrais voir à travers de l'une des votres."

C'était une question qui lui tenait plus à coeur que ce qu'elle le pensait. Son père n'aimait pas la poésie, et s'interessait surtout à marier ou à se débarasser de ses filles, s'interessant peu aux choses essentielles comme l'Art... Pourtant, Louisa s'y interessait plus que ce qu'elle aurait pensé. Cilio était un artiste à part entière à n'en point douter, et c'était là la seule relation qu'elle avait avec une personne en dehors de Maschera ou des servantes, depuis fort longtemps.
Elle regardait maintenant la scène des artiste, d'un regard lointain, comme si elle avait une soudaine absence.
Ce morceau... Il la berçait lorsqu'elle était encore qu'une enfant...
Revenir en haut Aller en bas
Maschera
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleSam 6 Mai - 15:26

Maschera arborait un petit sourire, elle avait légèrement décroché de la conversation et s'imaginait renversant le marchand de cire dans un énorme vase, et visualiser des fleurs pousser au bout des chaussures de l'homme lui procurait une joie malsaine.

Mais elle se reprit et ramena son esprit à la conversation, espérant que personne n'avait remarqué son moment de vague. Elle eut un petit sourire d'excuse, et écouta d'abord Cilio, puis Louisa. Elle soupira à l'évocation de la flamme et de la muse... Sa muse à elle, au violon, ç'avait toujours été "sa" marquise, ou presque toujours.


"L'art et la poésie sont des sujets de conversation qui ici peuvent avoir cours... ce sont des belles paroles que vous chantez messire dell'Arbero, ne craignez point de vous emporter, il paraît que c'est ainsi qu'on trouve l'inspiration la plus pure."

Un éclair de malice apparut dans son regard. Elle aurait aimé pouvoir ici échapper aux strictes convenances et se mettre à jouer furieusement du violon sur l'estrade, se mettre à danser comme les paysans, mais ç'aurait été indigne d'elle de toute manière. Alors elle se contentait de s'évader en pensée, ça suffisait amplement.

Elle suivit le regard de Louisa vers l'estrade et comprit qu'elle plongeait dans ses souvenirs. Elle se retint de poser une main sur l'épaule de la marquise, à la fois pour la rappeler à la réalité et aussi, si besoin était, pour la réconforter. Que n'aurait-elle pas aimé pouvoir lire les pensées si troubles de Louisa del Santangelo...
Revenir en haut Aller en bas
Cilio de
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleMar 9 Mai - 19:34

Le regard que la Marquise del Santangelo adressa au marchand de bougie ne laissait aucun doute sur la forte personnalité de la Dame - à ne froisser sous aucun prétexte, et Cilio se le promit vivement. Il ne put s'empêcher de sourire, à la fois ravi et embarrassé des compliments et de l'attention des deux jeunes femmes. Sans doute ne méritait-il pas autant de considération, mais ce n'était pas à lui d'en juger, loin de là; et tant que la Providence mettrait sur sa route ce genre de petits instants de plaisir, il les savourerait sans se préoccuper de leur valeur réelle. Du moins, il essaierait.

La question de Louisa le laissa quelque peu perplexe. Cilio n'avait, il faut le dire, jamais songé au pouvoir de la bougie sur l'inspiration du poète. Cette suggestion, loin de lui paraître incongrue, fit miroiter devant son esprit prompt aux rêveries des histoires de bougies aux pouvoirs étranges, au parfum qui envoûte et invoque les muses, de marchand de cire moitié sorcier dont les produits inspirent le plus terre-à-terre des êtres...

" Je dois dire que je n'ai jamais songé au pouvoir de l'étoile discrète grâce à laquelle je peux, la nuit tombée, continuer à composer... ", répondit-il. " Mes appartements en sont régulièrement réapprovisionnés, par les gracieuses attentions du Prince di'Grazziano, et je n'ai jamais eu la curiosité de m'en soucier. Plus jeune, je me nourrissais des sources de lumière que la nature me donnait... Mais je vous remercie pour avoir attisé une nouvelle source de réflexion dans mon esprit trop souvent embrumé, et je vous assure que vous serez la première informée si je découvre un ravitailleur qui me satisfasse. "

Cilio remarqua la légère absence de la Marquise et eut le tact de ne pas la questionner ne serait-ce que d'un regard un peu trop inquisiteur. Lui-même détestait que l'on tente de s'immiscer dans ses souvenirs lorsque ceux-ci remontaient.
Revenir en haut Aller en bas
Louisa d
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleJeu 11 Mai - 23:14

Laisser un autre prendre le soin de choisir son éclairage personnel tendait du suicide pour la marquise. Un poison était si vite enfilé dans ce bout de cire innocement blanc qu'il était pour elle la menace la plus grande qu'elle avait connu à Venise.
A Naples, elle n'aurait surement pas eu cette peur qui la prendrait par les tripes était car elle savait pertinament que si un meurtre devait être commis à la cour vénitienne, il serait fait sur une personne de moindre importance, comme elle, afin d'avertir le Prince, de lui faire peur, et de le resserer peu à pau comme un rat dans un piège.
Sortant de sa torpeur, la jeune femme cache son visage avec son large éventail noir, n'y laissant dépasser que deux yeux sombres afin de cacher un sourire qui était trop présent selon elle dans cette soirée.
Cilio était une compagnie agréable, et maschera une amie de longue date. Serait-il possible qu'elle apprécie ces petites soirées, en finalité ?


"Je vous remercie grandement pour votre aide, Monsieur... Et je dois vous féliciter... Il est rare d'un poète qu'il soit naturel et spontané. Je n'ai que trop l'habitue d'en voir qui ne se contentent que de réciter leurs vers aux demoiselles afin de les attirer dans leur couche. Peut-être le faites vous aux jeunes demoiselles tout juste sorties du couvent... J'aimerai parfois savoir ce que pensent les hommes."

Les paroles de la marquises paraissaient souvent bien originales, mais la découverte de l'autre était une passion à laquelle il était fort peu courant qu'elle s'exerce, et tester l'esprit d'un poète à la cour était une occupation bien plus passionnante que ce qu'elle avait cru.
Des femmes au milieu de la salle se tournèrent vers la femme en noir avec un air supérieur avant d'éventer leurs faces rougeaudes noyées sous une poudre blanche et de relever leur col de fourure destinée simplement à faire venir les regards sur elles.
Encore de nouvelles riches à marier, sorties par miracle des bas-fonds de Venise par un héritage ou une vente qu'elles n'auraient jamais espérer auparavant. Ah qu'il était beau, ce pays... Il lui languissait de retrouver une de ses soeurs... Les lettres se faisaient rares à mesure du temps.


"Maschera... Ne parlez point de pureté... Je pense qu'ici, nous ferions un concours et nous battrions tous, autant que nous sommes, pour avoir la place qui s'en éloigne le plus..."

Un rire fut étouffé par un domestique qui se tenait droit près de la fenêtre de la terasse. Un seul regard de Louisa lui fit comprendre que son intrusion ne serait surement pas la bienvenue et ce dernier partit le plus dignement possible de l'autre côté de la salle.
la musique avait soudain semblé baisser, emportant dans cette atmosphère perdue les airs de son enfance.


[dernier post]
Revenir en haut Aller en bas
Maschera
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleSam 13 Mai - 15:55

Elle laissa échapper un sourire, une ombre de mouvement de lèvres qui ne semblait avoir été qu'un rêve. Maschera appréciait la conversation entre Louisa et Cilio, et la suivait comme une sorte de danse où chacun son tour les deux jeunes gens conduisaient. Elle restait volontairement en retrait.

Elle déploya gracieusement son éventail et en joua pour s'aérer autant que pour paraître aussi mondaine que possible. C'était une merveille que cet éventail, et elle y tenait énormément.

Un regard insistant, celui d'un serviteur, se posa dans son décolleté. Elle avait placé une mouche de velours noir sur son sein droit, mais ce n'était pas une raison pour ainsi la fixer. Sèchement, elle referma son éventail et jeta un regard noir à l'indiscret, qui fila.

Les étoiles scintillaient... les étoiles ? déjà ?


"Louisa, très chère... il nous faut partir, votre père n'aimerait pas vous savoir dehors si tard !"

La véritable raison était autre, elles étaient attendues dans certains faubourgs de Venise où il aurait mieux valu pour elles ne pas être vues... aussi préféra-t-elle cacher cela à Cilio. Elle fit rapidement au jeune homme les salutations d'usage, les appuyant d'un grand sourire, laissa à la marquise le temps de faire de même, et avec elle, s'en fut dans les recoins de Venise...

[Dernier Post]
Revenir en haut Aller en bas
Muzio Barrozi
Médecin
Muzio Barrozi


Nombre de messages : 726
Date d'inscription : 14/05/2005

Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleDim 21 Mai - 22:54

[Les Fauteuils Côté Droit]

Se raccrochant à la vue des fenêtres comme il l'eût fait d'une bouée, Muzio avançait bravement. Évidemment, pour quiconque avait un tant soit peu l'habitude des soirées mondaines, l'affaire n'avait rien d'insurmontable. Cependant, le médecin sentait la sueur perler à son front, et son coeur battait anormalement vite. Sa taille moyenne l'empêchait de dominer les foules, et le sentiment d'oppression qui l'avait gagné s'amplifiait de seconde en seconde.

Le médecin se reprocha cette faiblesse et il se força à reprendre son calme. Il prit une profonde inspiration mais l'air empli de parfums lui donna la nausée. A sa gauche, à sa droite, devant, derrière, partout... Encerclé par les visages. Noyé dans une mer hostile, noire, rugissante, submergé par les marées, coulé un peu plus par chaque vague humaine... Il crut défaillir et sa vision se brouilla un instant. Serrant les poings à s'en entailler les paumes, il enclencha alors en lui le petit rouage nommé "volonté". Il murmura un
« Pardon Monsieur... oh euh Madame » et, rouge comme un jeune fiancé, s'enfuit, ou du moins le tenta. Il sentit le regard choqué de l'imposante dame dans son dos, et se coula près des fenêtres, haletant. Qu'avait-il fait pour mériter une visite en avant-première des Enfers ?

La proximité de l'air de la nuit lui rafraîchit les idées. Il s'essuya le front du revers de sa manche, et chercha Romana et Dante du regard. Il crut apercevoir la robe simple de la jeune femme à quelques mètres de là, et entreprit de s'y rendre. C'était sans compter sur une nouvelle barrière humaine.

En voulant éviter un nouveau groupe, il trébucha lamentablement et faillit s'étaler par terre. Il réussit néanmoins à se raccrocher de justesse à un arbre si frêle, si incongru, que Muzio manqua de le briser. Il se retrouva avec une poire dans la main, sans qu'il sût comment diable elle était arrivée là. Les fruits gracieusement suspendus aux arbrisseaux le renseignèrent. Hélas, le ruban qui retenait la poire à l'oranger s'était déchiré. D'ailleurs, l'arbre avait piètre allure; il avait vaguement l'air de s'être fait écrasé par un homme qui, sans être gros, le dominait nettement point de vue masse. Le médecin resta planté devant son oeuvre, navré. En relevant les yeux, il aperçut un jeune homme au regard clair, isolé, qui semblait avoir assisté à la scène. Muzio se sentit enfant qui vient de casser un vase sous le regard perçant et réprobateur de sa mère...


« Je suis désolé... » articula-t-il à l'adresse de son juge.
Revenir en haut Aller en bas
Cilio de
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleMer 24 Mai - 16:34

Les deux mystérieuses femmes s'éclipsèrent aussi rapidement qu'elles étaient arrivées, si bien que Cilio, abandonné seul au coeur de la foule bouillonante, se demanda un instant s'il n'avait pas rêvé. Les deux exquises illusions s'étaient évaporées, vers un ciel inconnu, probablement orageux d'après les dernières paroles de la Marquise. Cilio leur souhaita mentalement un avenir plus serein que semblait être leur présent...

L'égarement du jeune poète ne dura pas longtemps. A peine deux mètres sur sa droite, un homme avait manqué de justesse de décapiter un pauvre arbre décoratif, déjà bien mal en point. Cilio ne put s'empêcher d'ouvrir des yeux ronds à la vue de la scène: il était peu commun dans ce genre de soirées mondaines d'avoir affaire à de telles maladresses. Les nobles se tenaient droits et se déplaçaient peu afin d'éviter toute collision malheureuse. Si bien que les rares audacieux qui osaient tenter plus de quelques mètres en une seule fois - Cilio l'avait expérimenté - se trouvaient confrontés à de multiples dangers. La plupart, malheureusement, n'en avaient pas conscience avant de s'y essayer.

Son étonnement passé, c'est un sourire partagé entre l'amusement et la compassion que Cilio adressa à l'homme. Un regard coupable, une phrase d'excuse qui sonna juste, il n'en fallait pas plus à Cilio pour se faire une première idée positive du maladroit. Lui-même étant né avec deux mains gauches comprenait largement le malaise de ces situations et répondit sur un ton amical:


" Il n'y a pas de mal, vous savez: c'est plutôt à ce pauvre arbre que vous devriez faire des excuses. Encore que vous ne semblez pas être celui qui lui a fait le plus de mal... ", ajouta-t-il avec un regard vers l'homme massif qui écrasait en partie la décoration. Un léger rosé vint teinter les joues de Cilio: la médisance n'était déjà pas très appréciable, alors engager ainsi la conversation avec un inconnu...!

Espérant que l'homme aurait pris cette réflexion comme elle se voulait - un simple trait d'humour, la situation avait bien besoin de détente -, Cilio reprit:


" A vrai dire, si j'avais été à votre place, l'arbre serait certainement bon à mettre au feu à l'heure qu'il est... Et ce n'est pas une poire que j'aurais dans la main, mais de quoi nourrir toute une famille! " Il rit légèrement, puis courba la nuque: " Oh, si vous me permettez de me présenter... Je me nomme Cilio Dell'Arbero, poète au service du Prince di Grazziano. Ravi de faire votre connaissance."
Revenir en haut Aller en bas
Muzio Barrozi
Médecin
Muzio Barrozi


Nombre de messages : 726
Date d'inscription : 14/05/2005

Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleJeu 25 Mai - 20:46

Muzio esquissa un sourire à la réflexion du jeune homme. La sensation d'asphyxie s'était largement atténuée, et il redevenait plus lucide. Il se reprocha son moment de panique et respira profondément, orienté vers les fenêtres d'où provenait un air point trop odorant. Il déposa délicatement la poire dans le socle du petit arbre, et eut un dernier regard navré:

« Disons que c'est dommage vis-à-vis de celui qui s'est appliqué à nous offrir cette décoration originale... » conclut-il avant de se retourner vers le jeune homme.

Ainsi, il était tombé sur un maladroit, et un timide s'il en jugeait par son teint qui avait soudainement pris une délicate teinte rosée. Lorsqu'il se présenta comme un poète, Muzio n'en douta pas une seule seconde. Oui, la poésie se reflétait dans ces yeux bleus, il lui semblait même voir valser les mots au fond de ces pupilles... Il aimait les poètes. Oh il n'en connaissait pas beaucoup - c'était une occupation que pouvaient se permettre les gens des villes -, mais il aimait leur manière de flotter au-dessus de la réalité. Et surtout, il aimait leurs vers. A part certains poètes qui, soucieux de leur notoriété, fournissaient des feuillets et des feuillets couverts d'une écriture trop pompeuse. Mais Cilio Dell'Arbero ne semblait pas de cette classe-là.

Les gens qui vivaient sans rien faire l'agaçaient. Devant l'ampleur des tâches à mener auprès de l'humanité, certains restaient à folâtrer toute leur vie sans autre souci que celui de prendre du bon temps, parfois aux dépens des moins bien nés. Néanmoins même si les artistes ne retroussaient pas leurs manches réellement, Muzio ne les considérait pas comme inutiles, bien au contraire.

Poète au service du Prince di Grazziano... L'ange brun au service de l'ange blond. Le médecin sourit et s'inclina à son tour:


« Moi de même, Monsieur Dell'Arbero... Je remplace Maître Tréviano, je suis Muzio Barrozi. »

Lonza et Romana lui étaient sortis de l'esprit.
Il s'abstint d'un quelconque commentaire concernant la fonction de Cilio - tout le monde devait lui faire le coup du "Ooh comme c'est charmant, me réciteriez-vous quelques vers ?" - , d'autant plus qu'il eût été un très mauvais juge. Trop baigné dans la réalité peut-être...

Soudain il fut témoin d'une scène absolument extraordinaire. Là-bas, devant l'estrade, une jeune servante achevait une magnifique glissade aux pieds de l'ange blond, ayant dispersé les foules pour ne pas renverser une carafe. Muzio eut un rire bref, mais réellement amusé.


« Nous ne sommes pas les seuls maladroits, apparemment... Mais cette petite a tout de même accompli la prouesse de ne rien renverser. Je prends note de la technique ! »
Revenir en haut Aller en bas
Cilio de
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleMar 30 Mai - 20:50

Le regard de Muzio respirait la confiance. C'était si rare de nos jours... Cilio inspira longuement, comme pour s'imprégner de la bonté sincère de Maître Barrozi. Ainsi, il allait remplacer Tréviano. Tant mieux, Cilio n'avait jamais été vraiment à l'aise avec cet homme un peu étrange, et le nouveau médecin de Venise lui faisait une excellente première impression. Il espérait simplement qu'il n'était pas aussi maladroit lorsqu'il soignait ses patients...

" J'espère seulement ne pas trop avoir affaire à vous par la suite ", dit-il en riant. " Les symptômes de la vieillesse ne me guettent pas encore, mais avec ces années qui courent plus vite qu'un cheval au galop, on n'est à l'abri de rien..."

Les yeux de Cilio suivirent le regard du médecin lorsque ce dernier s'amusa de la prouesse d'une servante. Le poète n'assista qu'à la glissade finale et ne put réprimer une petite grimace de gêne pour la jeune fille. Voilà qui ferait bonne impression auprès du Prince Ugo quant au service rendu dans la demeure Adorasti... Cilio s'alarma légèrement - il souhaitait par-dessus tout que le mépris réciproque entre les deux maisons soit enfin réprimé - mais il se reprit bien vite: le Prince ne s'attardait pas sur ce genre de détail. Il s'amuserait probablement simplement de la scène. Et de toutes les manières, le jeune poète savait que son Prince ne haïssait pas réellement les Adorasti; sinon, il n'aurait sans doute pas confié sa soeur aux mains du Prince "ennemi"... Un imperceptible soupir s'échappa de ses lèvres.

Là où il s'inquiétait plus, c'était pour la jeune servante. Si son Maître l'avait vue -et c'était fort probable, car elle n'était pas vraiment passée inaperçue-, probablement cela ne serait-il pas sans conséquence... Son esprit généreux eut un élan pour secourir la pauvre maladroite - décidément, c'était la soirée- mais il se rendit bien vite compte qu'il ne pouvait absolument rien faire pour elle, si ce n'est aggraver son cas.

" Espérons que le maître des lieux passera l'éponge, si j'ose dire... Elle n'a peut-être rien renversé mais le rôle d'une servante n'est pas de se faire remarquer. Etre présente sans y être, se faire invisible le long des larges couloirs et accomplir jour après jour ces tâches qui passent tellement inaperçues, et dont ne se rend compte que lorsqu'elles ne sont pas faites... "

*Le Prince Ugo m'a sauvé de cette vie de fantôme...*
Revenir en haut Aller en bas
Muzio Barrozi
Médecin
Muzio Barrozi


Nombre de messages : 726
Date d'inscription : 14/05/2005

Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleMer 31 Mai - 23:51

Muzio n'avait pas vu la scène de cet oeil-là. Là où il voyait une glissade d'un irrésistible comique, Cilio y transposait les relations houleuses entre les deux Familles. Là où il devinait une jeune fille amusante et charmante, Cilio craignait pour elle.

Muzio laissa échapper un soupir. Les rôles étaient inversés: le poète voix de la raison, et le médecin porte-parole d'une certaine naïveté. Tout était si différent à la ville... Chez lui - enfin, anciennement chez lui -, les familles les plus aisées avaient aussi un ou plusieurs domestiques. Mais les relations n'avaient rien à voir. Là-bas, les places étaient sûres; un domestique restait attaché au même foyer durant toute sa vie, il vivait au côté des membres de la famille, il élevait les enfants... Tout était beaucoup plus... Serein. Amical.

Elio Lacryma Adorasti était-il sévère avec ses gens de maison ? Peut-être. Sans doute.

Lorsque Cilio résuma la condition des domestiques, Muzio eut envie de serrer les poings. Invisibles. Inaperçus. Comment pouvait-on conserver un équilibre mental intact en vivant ainsi ? En enchaînant tâche ingrate sur tâche ingrate, en subissant chaque jour un peu plus... Le principe de servitude révoltait le médecin depuis toujours. Lui, s'il était véritablement au service des autres, conservait sa liberté. Tandis que ces ombres, ces fantômes... Mais la jeune servante acrobate, même vue de loin, n'avait rien d'un fantôme. Elle semblait au contraire d'une fraîcheur déconcertante, sa glissade d'ailleurs en attestait.

Muzio ressentit un grand élan intérieur, mélange de solidarité et d'admiration. Oui vraiment il fallait bien plus de force morale pour être dominé que dominant.

« C'est abject... »

Ces deux mots s'échappèrent en un murmure de son esprit. Muzio se reprit. S'il percevait un quelconque présage qui indiquerait que la jeune fille allait passer une abominable soirée, il s'interposerait. Il avait bien conscience de la vacuité de cette généreuse décision, mais que pouvait-il faire ? Il était tout aussi inutile de courir au secours de la petite à ce moment-même... Restait une attention aimable à lui porter au cours de la soirée. Le champ d'action était réduit...

Muzio détourna son regard de l'estrade et reporta son attention sur le jeune poète. Ils avaient des points communs, apparemment.


« Vraiment je plains celui qui ne saura s'attendrir d'une telle acrobatie. Celui-là est aigri et mérite déjà toutes nos condoléances... »

Dédramatiser tout en s'affirmant.

Il s'approcha alors imperceptiblement de Cilio. Le jeune homme était, semblait-il, la personne idéale pour oser révéler ses lacunes. Car il avait besoin de savoir, il ne pouvait continuer à évoluer dans cette société sans connaître les bases.


« Pardonnez cette indélicatesse couplée d'ignorance mais... La jeune femme que j'ai aperçue en haute compagnie tout à l'heure est-elle l'épouse du Prince Adorasti ? »

Dieu qu'il était maladroit ! Lui qui cherchait seulement à confirmer son intuition parce qu'il ne pouvait trop croire à cette union étrange... Il se mordit la langue. Il risquait sa confiance.
Revenir en haut Aller en bas
Cilio de
Invité




Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse PerleJeu 1 Juin - 21:17

Cilio jeta un coup d’œil discret à l’homme, tel qu’il l’avait toujours fait pour saisir en un bref regard l’expression de ses interlocuteurs. Ce qu’il vit confirma son intuition : les traits du médecin s’étaient durcis, et Cilio pouvait y voir gronder une révolte intérieure. Le cœur du Maître Barrozi s’indignait avec le poète de l’inacceptable condition de ces humains condamnés à la servitude et à la dévotion silencieuse et totale envers leur maître. Vraiment, le médecin n’était pas de la race de ces charlatans qui ne vendaient leur prétendu savoir qu’au plus offrant.

Un sourire un peu fade accueillit la boutade de Maître Barrozi. Ce dernier avait pourtant raison : mieux valait ne pas trop s’apitoyer sur le sort de la jeune servante, qui par ailleurs semblait maîtriser la situation. Cilio admirait le sang-froid et la légèreté avec laquelle la jeune fille paraissait avoir balayé d’un sourire la gêne de la situation. Lui-même aurait… non, à vrai dire, il préférait ne pas y penser. A sa place… mais quand arrêterait-il enfin de se mettre à la place des autres ?

« Il n’est parfois nul besoin d’être au seuil de la tombe pour mépriser la vie, surtout celle des autres, malheureusement… Imaginez ce que serait cet instant si tous s’émouvaient autant que nous de la scène. La jeune servante aurait probablement déjà une dizaine de bras prévenants tout prêts à la relever, et autant de bouches prêtes à la défendre hardiment si son maître manifestait l’intention de la réprimander. Quoique cela n’aurait pas été pas été nécessaire vu que ce dernier, d’une bonté d’âme débordante, aurait pardonné la jeune maladroite l’instant suivant sa prouesse.»

Le jeune poète n’attendait pas vraiment de réponse. Il prenait simplement plaisir à imaginer ce que ce monde pourrait être, si les êtres qui le peuplaient étaient un tant soit peu différents. Ce n’était pas l’amertume qui perçait dans sa voix mais plutôt une forme de dérision face à cet idéal, étrangement mêlé à un espoir déplacé. Déplacé car invraisemblable, d’un irréalisme flagrant même pour celui qui l’éprouvait, et pourtant dévoilé avec une telle insouciance qu’il aurait pu paraître insultant pour ceux dont les mœurs peinaient à se rapprocher de ce monde parfait. Le malaise dans leurs regards, leur fureur contenue pour certains, et même les sourires sarcastiques, toutes ces réactions qui auraient percé à jour leurs faiblesses…
Jamais Cilio n’aurait pu faire subir ce dénuement à quiconque : ses propres faiblesses s’exprimaient trop souvent et il savait à quel point il était dur de supporter les regards dans ces moments-là. Il avait senti que Maître Barrozi ne sentirait ni visé, ni coupable, mais qu’il partagerait peut-être l’espace de quelques seconde une bribe de ce rêve utopique.

Tiré de ses rêveries habituelles par la voix du médecin, Cilio haussa brièvement les sourcils à sa question, puis poussa un soupir. Bien sûr, il cherchait à se faire une idée de la situation de Venise et de ses habitants… La soirée aiderait probablement Maître Barrozi à prendre ses marques et à se faire connaître en tant que nouveau médecin. Cilio ne doutait pas qu’il deviendrait vite plus populaire que son prédécesseur.


« Il s’agit de la jeune épouse du Prince Adorasti, en effet. Elle est la jeune sœur du Prince Grazziano. Une alliance récente … », soupira-t-il, « et espérée premier pas vers une entente entre les deux maisons. »

On pouvait déceler un certain scepticisme dans la voix du jeune poète, qu’il refusait cependant d’admettre en affichant un sourire plutôt réjoui. Que l’on aurait presque pu croire si ce n’était cette tristesse profondément ancrée au fond de ses pupilles…
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé





Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Empty
MessageSujet: Re: Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse   Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse Perle

Revenir en haut Aller en bas
 
Près des Fenêtres donnant sur la Terrasse
Revenir en haut 
Page 1 sur 2Aller à la page : 1, 2  Suivant
 Sujets similaires
-
» La Terrasse donnant sur les Jardins
» La Terrasse donnant sur les Jardins

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
VENISE :: ENTRE NOUS :: CA' ADORASTI :: L'Etage Inférieur :: La Salle de Bal :: Divertissement Musical-
Sauter vers:  
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser