[Ca'Adorasti - Le grand salon]
Maëlwenn s'étant excusée quelques temps plutôt pour une migraine, elle du attendre une heure ou deux pour enfin pouvoir sortir de ses appartements sans que cela ne soit perçu comme déplacé. En effet, elle n'avait pas voulu rester avec les deux comtesses dans le salon, elle ne se sentait pas le courage d'affronter les questions qu'on lui poserait inévitablement. Ainsi, elle s'était trouvée à faire les cent pas dans sa chambre.
Lorsqu'elle estima que le temps nécessaire fut passé, elle prit son ombrelle -il était hors de questions que son teint brunisse sous le soleil italien- et sortit dire bonjour à Venise. Elle marchait le long de canaux tranquillement, essayant de se souvenir par où le gondolier était passé. Mais les rues étaient trop tortueuses et se ressemblaient trop pour la jeune femme. Pourtant, on ne pouvait dire qu'elle était perdue. Elle aurait pu faire demi-tour et rentrer eu palais aisément.
Ses pas l'amenèrent en fin de journée dans un parc public. Elle remonta l'allée déserte. La ville s'était presque vidée d'un seul coup de ses visiteurs et des personnes oisives. Elle avait déjà sentie cela auparavant mais, alors que le soleil descendait à l'horizon, ce sentiment se faisait plus fort. Elle hésita alors à rentrer ou à continuer son chemin. Elle n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait être et elle ignorait si cette ville, disons plutôt le quartier, était sûr la nuit.
Malgré tous ces doutes, elle préféra s'enfoncer un peu plus dans ce jardin désert. Ses petites bottines produisaient un bruit sourd sur le sol qui brisait ce silence. Elle arriva à une fontaine. C'était une chose totalement inconnue pour elle, bien entendu, elle avait déjà vu quelques reproductions dans les livres et une ou deux à Londres, mais elle ne pouvait s'empêcher de s'extasier devant ces petits monuments. Le plus beau à ses yeux était sûrement cette eau qui coulait sans discontinuer.
Cependant, son regard décelait quelque chose d'anormal dans ce paysage. Elle eut la réponse alors qu'elle faisait le tour de la fontaine. Une jeune fille imitait la pose de la statue. Il fallait avouer que la ressemblance n'était pas frappante, mais ce n'était pas vraiment de sa faute. Elle regarda autour d'elle cherchant un hypothétique chaperon. Posant le bout de son ombrelle par terre, la comtesse s'appuya sur celle-ci.
« Ne vous fatiguez pas à essayer de ressembler à cette statue, c'est l'idéal fait art et nous savons toutes que la perfection n'est pas ce monde. »
Elle souriait doucement. Elle n'était pas choquée par cette scène qui selon toutes préséances était condamnable. C'était plutôt la naïveté dont faisait preuve cette jeune fille qui la touchait un peu plus que cela ne devrait. Mais que pouvait-elle faire ici, seule ? Il était évident qu'elle appartenait à l'aristocratie : seuls ses vêtements pouvaient l'attester.
Cependant, elle-même était dans ce cas. Elle était seule à la tombée de la nuit dans un parc public à observer une jeune fille un peu trop extravertie qui copiait la pause d'une statue. Pour un regard extérieur, elle pouvait passer pour une dame de compagnie surtout qu'elle avait gardé ses vêtements de voyage qui étaient peu somptueux il est vrai, mais qui trahissaient tout de même un rang de noblesse supérieur.