VENISE
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 Calle Trevisi

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Pourpre
Du Bout des Doigts
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MessageSujet: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleDim 14 Jan - 21:33

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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleJeu 1 Fév - 23:25

[Place St Marc - Rive du Grand Canal]

Raffaele laissa l'homme déplier ses doigts pour examiner sa blessure et fixa son visage penché tandis qu'il tenait son poignet. Il inclina la tête à l'évocation de l'ancien médecin. Bien qu'il ne comprit pas l'allusion, il détecta une sorte de menace dans ses paroles. Sans doute, il était facile de s'attirer les foudres de l'aristocrate. Mais il ne voyait pas ce qu'un médecin pouvait... Et puis il sourit. Il voyait très bien. L'intimité dévoilée au praticien, les confidences, le contact physique obligé, tout ceci pouvait être une arme pour un esprit mal intentionné. L'allusion à l'accident lui fit penser que peut-être certain vénitien, irrité, lassé, n'avait pas été étranger à l'affaire.

Puis Luciano se leva et depuis le quai lui tendit la main pour l'aider à quitter la barque. Tant de prévenance enchantait positivement le jeune prince. Il adorait cela. Il avait toujours aimé que les hommes plus âgés le choient. Il avait souvent joué de son charme et de sa jeunesse pour les séduire. Ce n'était jamais bien difficile, personne n'aimait vieillir et la compagnie d'un garçon plus jeune donnait l'illusion que le temps ralentissait, et affichait aux yeux de tous que certaine vigueur était toujours bien présente.

Il se leva et saisit la main tendue.

"Ne vous inquiétez pas, je n'ai pas l'intention de faire verser l'embarcation. J'ai vu comme elle était peu stable et je ne compte pas être la pièce maîtresse au dîner des rats."

Il s'appuya avec légèreté sur l'appui offert et gagna la terre ferme à son tour. Il ne dissimula pas son soulagement quand son pied toucha le sol et un sourire éclatant vint illuminer son visage
.

"Dieu que c'est bon ! Le plaisir que j'avais à votre compagnie fut beaucoup amoindri par le déplaisir que j'éprouve à être sur l'eau. Cependant..." Il baissa la tête un instant puis la releva et son regard bleu eut cette tendresse hésitante qu'il savait si bien feindre. "...votre présence à mon coté a rendu ce voyage beaucoup plus attrayant qu'il n'aurait dû l'être et de cela, je vous suis infiniment reconnaissant, Monsieur di Lorio."

Il lâcha comme à regret la main du gentilhomme et fit quelques pas vers les maisons. L'endroit était désert, il n'était pas encore l'heure des visites et chacun déjeunait chez soi. Il s'adossa dans le renfoncement d'un mur de pierre et à son tour examina sa blessure. Une grimace plissa son nez, comment une si petite chose pouvait-elle causer une telle douleur.

D'une voix douce, le regard limpide à nouveau levé vers l'homme, il murmura
.

"Me rendrez-vous mon ruban à présent ?" Sa main valide repoussa sa chevelure éparse. "Ma parenté n'est pas de celle qui apprécie beaucoup les mises négligées, voyez-vous et..."Sa voix baissa encore d'un ton. "vous m'éviteriez une réprimande."

Un joli sourire d'excuse, un rien d'ingénuité dans le regard. Et le genoux botté qu'il pliait lentement pour appuyer sa semelle contre le mur derrière lui.
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleSam 3 Fév - 3:11

[Place St Marc - Rive du Grand Canal]

Quelle sublime vision que celle de Raffaele, le rejoignant sur la rive avec un sourire rayonnant. Régler les préparatifs nécessaires à sa venue, puis établir ses quartiers au Palais Adorasti en bonne et due forme, avaient momentanément détourné Luciano de plaisirs tels qu’il connaissait à cet instant précis. Toujours, il avait fait prévaloir la beauté, le charme, la grâce sur toutes les qualités requises chezses conquêtes. Ses désirs n’avaient besoin d’aucun esprit pour être épanchés. Le jeune homme devant lui possédait manifestement vivacité qui l’élevait au-dessus de ces simples liaisons qui, aussitôt consommées, perdaient tout leur intérêt. Si, et seulement si, il se révélait aussi enivrant que le laissaient entrevoir sa silhouette svelte et sa langue effilée, et s’il se montrait le moindrement digne de confiance, l’aristocrate envisagerait de conclure une alliance, un échange de bons procédés, comme le décrivaient si grossièrement les marchands. Il était de ces choses qu’un homme de son âge et de son expérience était en mesure d’accomplir et de ces choses qui demeuraient à la portée du blond jouvenceau. Il ne pourrait jamais survenir un second Andrea Adorasti. Il pourrait cependant – et éventuellement – n’y avoir qu’un seul Raffaele Scaligeri.

Grandement amusé par les amabilités de son interlocuteur, il ne put s’empêcher de sourciller devant la lueur presque affectueuse qu’il crut lire dans les prunelles bleues, levées vers lui. Le chat se faisait soudainement câlin, enjôleur d’une bien agréable façon. Était-il en quête de quelque caresse? Le noble en doutait fortement. Bien qu’il fût flatté par de telles attentions, il n’oubliait pas que son jeune compagnon était pourvu de griffes comme de crocs aiguisés, et qu’au moindre instant, il risquait d’en faire les frais. Il s’engagea néanmoins à sa suite, balayant les lieux du regard pour constater qu’ils étaient seuls.

« Je suis plus qu’honoré d’avoir pu agrémenter de quelque façon votre éprouvante traversée, Monsieur, et me dois de souligner votre courage à braver les flots, en dépit de votre aversion pour l’eau. »

Faisant face à son compagnon, il observa son petit manège, sentant un sourire moqueur poindre aux coins de ses lèvres. Tout était parfait, des yeux clairs à la voix envoûtante et cette bouche absolument délicieuse, mimant à merveille la contrition. Assurément, il s’y serait laissé prendre… si la brûlure dans sa paume ne l’avait pas douloureuse mis en garde contr ce garçon de chœur qui, en un éclair, prenait la forme du pire des diablotins.

Affichant l’expression de celui qui se sait près de triompher, il se rapprocha de son vis-à-vis, des doigts audacieux se glissant sur une cuisse relevée.

« Moi qui vous croyais ici pour échapper au joug familial et étranger aux remontrances des bien-pensants… lui souffla-t-il à voix basse. Faites-vous maintenant si grand cas d’une mise négligée? Vous ne vous souciiez pourtant bien peu de votre allure lorsque vous avez escaladé la table du Caffé et m’exigiez votre ruban d’une manière fort différente… »

Un sourire retroussa lentement ses lèvres alors qu’il évoquait cette scène, qui devait se colporter de bouche à oreille au moment même. Il reprit, détachant chacun de ses mots comme il se les rappelait:

« Qu’avez-vous dit alors, Monsieur? Cessez et rendez-moi ce ruban, sinon par Dieu je vous ferai perdre contenance devant cette assemblée de faux-culs, déjà prêts à blâmer ce que je suis en train de faire? »

Réduisant la distance les séparant jusqu’à ce que leurs deux visages ne soient qu’à quelques centimètres l’un de l’autre, son soufflant caressant une joue tendre.

« Aurais-je enfin gagné votre estime pour que vous vous montriez aussi obligeant, tout à coup? Un tel gage mérite rétribution… »

Sa main valide vint soupeser une masse de cheveux blonds, remontant doucement pour lisser quelques mèches rebelles, dans le but de nouer par lui-même le lien tant convoité.

Serait-ce si facile?

Cela aurait été trop dommage.

Son genou allant se loger entre les jambes de Raffaele, Luciano le plaqua contre le mur, ses doigts tirant brutalement la chevelure que, quelques secondes plus tôt, il couvrait de sa délicatesse. Ignorant la souffrance qui s’ensuivit, sa main blessée se saisit de celle, tout aussi mal en point, de son cadet, la pressant avec fermeté. Sa bouche cruelle se referma sur la chair délicate d’un lobe pâle avant qu’il ne demande :

« Me croyez-vous naïf au point de vous accorder un trophée si durement gagné? Sans aucun paiement en retour? Au nom d’excuses grotesques? Et alors que vous ne le méritez point? » articula-t-il, sa voix claquant sèchement dans l’air froid.

Il plissa des yeux, l’entaille dans sa paume désapprouvant qu’on manque de soin à son égard.

« Pour qui me prenez-vous, Monsieur Scaligeri… si Scaligeri est bel et bien votre nom? Un mécène plus sot que débonnaire, qu’il vous sera possible de piller d’une de vos moues ravissantes? Ou simplement un imbécile? »

Il marqua une pause, autant pour que ses paroles soient bien entendues que pour apprécier le parfum de son captif, savourer ce sentiment de possession, qui lui laissait en présager tant d’autres, plus grisants encore.

« Dans chacun des cas, je vous apprendrai la leçon suivante, mon garçon : n’osez même pas songer à me tromper, comme vous l’avez sans doute fait avec une myriade de pauvres fous auparavant, car j’ai le désir et le talent d’infliger des souffrances tout sauf délicieuses ainsi que des disparitions moins clémentes qu’une chute fâcheuse dans la lagune. »
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleDim 4 Fév - 1:24

L'aristocrate semblait céder à la tentation.
Il s'approchait et le contact de ses doigts glissant sur sa cuisse, tout autant que la voix sourde murmurée à l'oreille du jeune prince firent frémir ses muscles. Puis l'homme lui rappela ses propres paroles et une flammèche pétilla dans les yeux bleus. Une main vint remonter la masse de sa chevelure, caressante de la façon dont on flatte un animal. Puis, alors qu'une chaleur diffuse commençait à se répandre dans ses veines, l'attitude de l'homme changea du tout au tout.
Un genou durement imposé entre ses jambes, bloquant la possibilité d'un mouvement défensif, et la main devint serre s'accrochant à ses mèches blondes, tirant sa tête en arrière, tandis que le corps robuste de l'aristocrate pesait contre le sien plus léger et le plaquait contre le mur. Il voulut se dégager et eut un mouvement pour remonter son propre genou entre les cuisses de Luciano, mais il n'acheva pas le geste. L'homme avait saisi sa main blessée et la pressait brutalement dans la sienne, mêlant leur sang et lui causant une telle douleur qu'il ne put réprimer un cri rauque qui s'acheva en un feulement de rage.

Luciano continuait de lui tenir ses discours édifiants et menaçants tout à la fois mais il n'écoutait plus. Sa réaction non réfléchie fut celle, instinctive, d'un animal pris au piège. Il se tordit pour échapper à la poigne, sa main libre s'accrochant au manteau de Luciano pour le repousser, le maintenir à distance. Il rua violemment, sa botte glissa sur le pavé humide et il plongea vers leurs mains jointes, laissant quelques cheveux dans l'affaire. Il n'était pas de ceux qui se pâment sous la douleur, ni de ceux qui se laissent dominer sans combattre. Il ne cédait pas, ne pleurait pas, ne gémissait pas. Il ne se soumettait pas, il ripostait. Ses dents aiguës trouvèrent le poignet de l'homme comme une évidence et s'enfoncèrent dans la chair jusqu'à ce qu'il sente le goût du sang lui emplir la bouche.
Quand il releva la tête, son regard avait changé. Plus aucune trace de tendresse ou d'ingénuité dans les prunelles bleues, mais un feu de glace, violent et halluciné qui dansait follement en écho au souffle saccadé qui s'échappait de ses lèvres tachées de sang
.

"Je choisis toujours les professeurs dont j'accepte les leçons. Il vous faudra beaucoup plus que cela pour prétendre à ce rôle. Je ne rends pas les armes aussi facilement et si je ne vous crois pas un pigeon, faites moi l'honneur de ne pas me croire une putain."

Sa main, à son tour, retint celle de Luciano qu'il savait blessée et peut-être affaiblie par la morsure et pesa durement pour la tordre sauvagement, la douleur qui s'ensuivit agrandit un peu plus ses yeux, mais aussi aiguë soit-elle, il savait qu'il en infligeait une toute égale. Et son regard immense ne lâchait pas les yeux de l'aristocrate.
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleLun 5 Fév - 3:29

Tel que Luciano l’avait deviné, le mauvais ange responsable de sa main blessée ne tarda pas à prendre la place de l’ingénu qui, quelques instants plus tôt, l’incitait à lui rendre son lien de soie. Se débattant comme un beau diable, il obligea l’aristocrate à presser son cadet contre le mur avec plus de force encore, afin de contenir ses ardeurs. Si celui-ci possédait la vivacité inhérente de la jeunesse, son opposant avait l’avantage d’être doté d’une constitution solide qui ne s’était pas érodée avec l’âge. Cependant, en dépit de cet atout, le noble ne put retenir le garçon devenu teigne lorsque ce dernier s’attaque à son poignet découvert. Si son premier réflexe fut de retirer prestement son bras hors de portée, les dents fermement plantées dans sa chair le dissuadèrent d’esquisser le moindre mouvement.

Son regard assassin croisa celui de son adversaire, animé par la même folie. La pensée incongrue que Raffaele lui apparaissait plus invitant encore, avec cette bouche rehaussée par un sang qui savait être le sien, traversa son esprit, fugace, mais fut bien vite éclipsée par l’irritation que suscitèrent en lui les paroles impudentes qu’on lui adressa. Avant de n’avoir pu formuler une réplique, un grondement de colère s’échappait de ses lèvres à la douleur que lui causa son estafilade, cruellement écrasée. Il relâcha immédiatement sa prise sur la chevelure blonde pour refermer ses doigts en un poing qui alla directement toucher l’estomac alors qu’au même moment, son genou s’élevait entre les deux jambes du jeune homme. Profitant de l’effet de surprise, il recula promptement, dégageant avec soulagement sa main ensanglantée. Une visite chez Maître Barrozi s’imposait, désormais. Ses yeux se posèrent froidement sur la forme prostrée, ses lèvres qui n’avaient formé jusqu’alors qu’une ligne dure s’étirant dans un sourire satisfait.

Le noble jeta un coup d’œil aux alentours pour s’assurer que la rue était toujours déserte, remarquant sa canne qui, au cœur de leur échauffourée, avait roulé quelques pas plus loin. S’en saisissant, il la soupesa d’un air songeur avant de se camper devant le jouvenceau. Il admira l’image que lui offrait ce dernier pour ensuite se pencher et se saisir de la chevelure blonde de sa main tailladée, comptant bien laisser sa marque sur son « protégé ». Il lui força à relever son menton à l’aide de sa canne, une menace tacite se reflétant dans ce lourd appui d’ébène qui, au moindre moment, aurait pu frapper.

« Si, pour vous dompter, il me faut user de la force, je m’exécuterai sans hésiter, Monsieur. Vous ne seriez pas le premier que j’aie eu l’honneur de briser et, croyez-moi, comme tous les autres, vous regretterez de ne pas vous être plié de par vous-même et serez trop heureux de vous incliner devant moi, au point de me supplier à genoux de faire de vous ce que vous vous défendez d’être. »

Son sourire s'élargit alors que, parodiant une affection paternelle, il tapota le sommet du crâne de Raffaele, faisant glisser sa canne le long de la silhouette écarlate pour s'arrêter contre sa poitrine dans un geste rappelant l'escrimeur ayant atteint son adversaire au coeur.
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleLun 5 Fév - 23:24

Un instant très court, leurs regards se mêlèrent, hypnotisés l'un par l'autre comme deux fauves face à face. Puis le vieux lion eut un rugissement profond et le coup de patte ne se fit pas attendre. Bien qu'il ne se soit pas attendu à une cordiale accolade, le jeune prince n'avait pas espéré un tel déploiement d'amabilités.
La main de l'aristocrate lâcha sa chevelure, lui accordant un répit mais à peine Raffaele eut-il relevé la tête que le poing de l'homme s'enfonça dans son estomac. Le souffle coupé, un afflux de vin remonta dans sa gorge qu'il aurait sans doute renvoyé sur le jabot de son vis à vis si un nouveau coup, beaucoup plus vicieusement placé, ne l'avait cueilli comme un fruit mur. Une décharge de douleur traça une ligne de feu jusqu'à son ventre à la vitesse de l'éclair et il glissa à genoux, les deux mains au sol, incapable de bouger de respirer ou même de crier, il ne put cette fois endiguer le flot de vin qui inonda de pourpre le pavé et la manche de son pourpoint, imbibant la manchette de dentelle qui recouvrait sa main.
L'esprit embrumé, au bord de la perte de conscience, Raffaele eut un sursaut, il ne pouvait rester là à attendre la suite qui n'allait sans doute pas tarder. Il cligna plusieurs fois des yeux, essayant de repousser l'afflux de souffrance qui irradiait de son bas-ventre jusqu'à son plexus, tandis que le visage blême sur le sol humide, une main crispée sur l'arrête d'un pavé et l'autre serrant dans son poing le second gant, il tentait de remonter ses genoux contre lui pour se protéger.

Un grondement de rage franchit ses mâchoires crispées quand le pommeau d'argent de la canne le força à lever la tête. Là-haut, très haut, se perdant dans une brume d'altitude, un sourire se formait sur les lèvres de Luciano.
Les paroles tombèrent, méprisantes et énoncées d'une voix parfaitement calme. La menace était claire, l'intention encore plus. Etait-il possible que l'homme élégant dont il avait lu clairement le désir au Caffé Florian soit le même que cet homme violent qui le rossait en pleine rue dans l'espoir non dissimulé de le voir céder à ses avances ? Parce que c'était bien de cela dont il s'agissait, n'est-ce pas ? Tout cet affrontement, n'avait pour but que l'assouvissement d'un désir charnel, n'est-ce pas ?
Vraiment ?
N'y avait-il rien d'autre derrière le bleu des yeux étincelants ?

Et puis l'extrémité de la canne glissa le long de son corps pour s'immobiliser sur sa poitrine. La douleur s'atténuait un peu, il ne saurait se relever déjà mais il pouvait respirer ce qui était un bien mieux. De sa main blessée, il s'accrocha à la canne, la repoussant du même mouvement et s'en servant comme appui pour se redresser, il passa en position assise, les genoux relevés contre sa poitrine et le dos appuyé au mur glacé. Et puis la phrase qu'il avait prononcée au Florian, que Luciano avait répété un peu plus tôt lui revint en mémoire et un rire incontrôlable le secoua pendant une longue minute avant qu'il ne se reprenne et que la tête inclinée de coté il ne lève les yeux vers la haute silhouette qui se tenait devant lui
.

"Voici donc la façon dont on vous fait perdre contenance ? Et voici donc la réaction que l'on obtient à vous ôter le vernis des convenances. Etes-vous un rustre sous la dentelle, Monsieur di Lorio, que vous ne trouviez que la force pour imposer votre volonté ?"
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleMar 6 Fév - 5:22

La ténacité de Raffaele était méritoire. Tout à fait inconsciente, mais méritoire. Le noble devait s’avouer étonné par cette incroyable résistance face à l’autorité et cette amusante répartie qui ne semblait pas quitter le garçon, même après la défaite. Il l’observa avec curiosité se servir de sa canne pour tenter de se remettre sur pied, puis éclater d’un rire saugrenu, au vu de la situation, avant de lancer une de autre de ses piques empoisonnées. Poussant un léger soupir, Luciano le saisit par le collet de son manteau pour le soulever de terre avec plus de délicatesse qu’il n’en avait usée pour l’y faire tomber. Il considéra un instant, pensif. Le garçon avait reçu sa leçon, à défaut de l’avoir bien apprise. Certes la correction avait été dure et il aurait surprenant qu’avec l’aveuglement de son âge, il ait pu apprécier pleinement les qualités d’un tel enseignement.
Cependant, pour le moment, une seule admonition suffirait à cet élève bien impétueux, si son tuteur souhaitait qu’il ne retienne de ses préceptes.


« Il me serait possible de vous renvoyer cette question, Monsieur. Est-ce votre noble héritage qui vous a appris à menacer un gentilhomme de souiller son honneur? Ou encore de créer tout un émoi dans un lieu fréquenté par la bonne société? S’en prendre impunément à son aîné? Quel sorte d’Ange êtes-vous donc pour contrevenir ainsi aux règles établies par l’Éternel? »

Tirant son mouchoir de sa poche, il reprit la tâche débutée au Florian en nettoyant sommairement la figure de son cadet. L’aristocrate, soucieux de la tenue de son favori, faisait de nouveau surface après avoir cédé la place à sa contrepartie, moins indulgente envers les écarts de conduite de ce dernier. Le contraste n’était pas incongru, il s’inscrivait plutôt dans l’ordre naturel des évènements comme si, inévitablement, les apparences se devaient de reprendre le dessus sur tout ce qui aurait pu troubler l’onde imperturbable du personnage de Luciano di Lorio.

« J’ai conscience que je puisse apparaître comme le plus condamnable de nous deux. Je ne jouis pas de l’innocente fraîcheur de la jeunesse, en mesure de pardonner presque tous les excès. J’ai depuis longtemps passé cet âge, le mien est celui de l’expérience et du discernement. C’est pourquoi je vous dirai que chaque homme, sous le vernis des convenances, comme vous le présentez si bien, est empli des mêmes espoirs, des mêmes peurs et des mêmes désirs. L’homme de haute naissance plus que tout autre, puisqu’il détient les moyens d’assouvir chacune de ses envies et se défaire de ses contraintes. »

Il laissa ses doigts effleurer plus longuement une joue trop douce, un certain regret dans son toucher caressant.

« J’aurais pensé que vous l’aviez déjà réalisé, mais peut-être me suis-je trompé sur votre véritable nature, Monsieur, et n’êtes-vous en fait rien de plus que le jouvenceau tendre et naïf qui, cherchant à échapper à ses obligations familiales, part en quête de quelque donzelle à déflorer dans une ville réputée pour son libertinage. »

Sa main se glissa dans son manteau pour se refermer autour d’un lien de soie.

« Si tel est réellement le cas… »

Il présenta sa paume ouverte où reposait le ruban à la source de leur litige, son regard plongé dans celui du jeune homme, espérant en son for intérieur une réponse qui s’accorderait à sa pensée.

« Je vous remets votre vertu. »
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleMar 6 Fév - 21:38

Le regard de Raffaele se troubla quand l'aristocrate se pencha sur lui, s'attendant à une pluie de coups qui ne vint pas. Au lieu de cela, on le remit debout et il resta appuyé contre le mur, face à son adversaire qui paraissait fermement décidé à l'éduquer d'une manière ou d'une autre. Ainsi la correction était terminée, on passait à l'étape suivante. Le jeune prince réprima un sourire et son regard glissa sur les lèvres d'où tombait la leçon avant de remonter aux yeux sévères posés sur lui. Sa voix s'éleva, douce et calme, un rien charmeuse et souriante.

"Me suis-je prévalu d'une manière ou d'une autre de cette noblesse dont vous me reprochez de n'avoir point les manières ? Je ne crois pas avoir fait une telle chose, non plus d'ailleurs que de m'être prétendu angélique. Et il me semble que vous avez pris votre part du plaisir à créer l'émoi dont vous faites état. De plus, je ne crois pas mes ainés sans défense, et si pour leur malheur ils l'étaient... ma foi, je ne vois pas quel serait pour moi l'intérêt de les cotoyer. On n'apprend rien de la fréquentation des faibles, n'est-ce pas ?"

Il s'interrompit alors que Luciano s'employait à le débarbouiller. C'était la seconde fois que l'aristocrate faisait un tel geste et la douceur avec laquelle il agissait juste après les coups était quelque chose que Raffaele connaissait bien. Il connaissait même parfaitement ce genre d'hommes là chez qui se succédaient naturellement la violence et les caresses, l'impertinence de son caractère semblait les attirer comme des mouches. Il était en terrain connu.

Les doigts qui l'avaient meurtri glissèrent sur sa joue, s'y attardant un instant pour se retirer comme à regret. Puis l'homme, comme déçu qu'il puisse être ce que son jeune âge laissait penser, lui présenta le lien soyeux dans sa main ouverte. Raffaele fit un pas et enroula ses doigts au ruban. Sa main resta dans la main ouverte et il posa son front contre la poitrine du gentilhomme dans une attitude déconcertante. Il resta là quelques secondes, immobile, à respirer son parfum masculin.
Puis, il se détacha de son contact et recula, serrant la soie noire dans son poing fermé. Il tourna les talons et fit quelques pas dans la ruelle comme pour quitter la scène avant de s'arrêter. Le courant d'air envola sa chevelure quand il pivota lentement sur lui-même pour faire nouveau face au gentilhomme et un sourire de chat étira ses lèvres
.

"Croyez-vous vraiment en ce que vous dites, Monsieur di Lorio ?"

D'un geste gracieux, il leva le bras devant lui sans se départir de son sourire. Son regard se fit malicieux et il inclina la tête tandis que sa main s'ouvrait, rendant sa liberté au lien de soie qui s'envola en tourbillonnant vers le canal, vers Luciano.
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleMer 7 Fév - 8:27

C’était une offre à prendre ou à laisser. La mise était élevée, Luciano ayant risqué de perdre l’ensemble de ses gains ou de remporter une seconde manche, et tout reposait à présent sur la main de Raffaele qui, jusqu’ici, avait joué assez finement pour ne l’abattre qu’au dernier moment. Il se raidit imperceptiblement lorsque le ruban lui fut dérobé et que le blond éphèbe se lova contre lui d’une façon des plus inattendues. De surprise, il n’osa esquisser le moindre mouvement et déjà, la chaleur contre sa poitrine s’évanouissait au profit du vent hivernal. Il ne chercha pas à la retenir, cela aurait été inconvenant, pire, cela aurait été contraire à sa nature et à son rang, deux éléments intrinsèquement liés. Retenir, cela aurait été supplier et il était certainement le dernier homme à s’humilier ainsi.

Éprouvait-il le moindre soulagement à observer cette silhouette carmine s’éloigner? Cela aurait pu être possible, puisqu’assurément, le jeune homme lui aurait amené son lot de contrariétés à régler, de scandales à étouffer ou de damoiselles à expédier dans un couvent reculé. Ce n’était toutefois que la désagréable sensation d’avoir été floué qui s’insinuait en lui, lancinante comme la douleur qui émanait de sa paume vide. Avait-il véritablement pu faire erreur sur le compte de son compagnon? Qu’en était-il alors de l’épisode du Florian? Ou de son poignet meurtri? Rien de plus qu’un acte de légitime défense de la part d’un infortuné jouvenceau qui, à défaut d’user de plus de civilité, ripostait avec toute l’inconscience que lui prodiguait son inexpérience? Ces yeux bleus n’avaient donc reflété que la plus pure, mais surtout la plus ennuyeuse des vérités?

La partie était-elle vraiment terminée? L’aristocrate ne savait qu’en penser. Cette mésaventure – si on pouvait la qualifier ainsi – lui démontrait seulement qu’on ne pouvait prêter les meilleures intentions, soit les mauvaises, au premier venu. Peut-être s’était-il laissé duper par sa ressemblance avec les garçons qu’avaient été Andrea et lui-même? Tous ne pouvaient pas aspirer à ce rôle et qui sait? Le jeune Raffaele avait fait preuve d’une force de caractère étonnante lors de leurs joutes verbales comme de leurs féroces affrontements. Peut-être saurait-il s’orienter sur la bonne voie par lui-même?

Et alors que le noble s’apprêtait à se détourner à son tour, une voix maintenant familière suspendit son geste. Un sourire ni narquois, ni triomphant, ni même surpris se peignit sur ses traits, indubitablement un sourire qu’il n’adressait qu’à très peu. Son regard suivit le tracé virevoltant que décrivit leur lien dans l’air froid, le saisissant avant qu’il ne termine sa course dans les eaux sombres du canal.

« Je n’osais y croire, Monsieur Scaligeri, mais vous m’avez donné raison de ne point douter de votre qualité. »

Ce disant, il s’approcha à nouveau, cette fois investi de desseins fort différents. Un bras trouva sa place autour d’une taille svelte, une main se perdant dans une chevelure lunaire, caressant autant qu’elle pouvait rosser, une bouche s’empara enfin de ces lèvres ironiques, les mordant sans retenue parce qu’il n’aurait pu s’empêcher d’entremêler tendresse et cruauté.
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Ariela Accorti
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Ariela Accorti


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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleVen 9 Fév - 0:21

[Premier post]

Ariela Accorti marchait le long du canal bordant Calle Trevisi, d’un pas vif et allongé. Elle aimait l’hiver, du moins ce temps froid et sec, ce petit vent frais qui battait ses joues alors qu’elle longeait le canal. Il était de coutume pour la jeune comtesse de se promener chaque matin lorsque cette saison aimée régnait sur la Sérénissime. Le petit vent frais et coupant faisait battre sa mèche folle qu’elle avait en ce jour épaisse et à la gauche du front, par toquade, ce dont elle était parfaitement aise. Le courant de l’air rendait bien plus naturelle cette fausse échappée de la stricte coiffure de la dame.

Elle ne souffrait pas de froid. Contrairement à la plupart des faibles humains qui souillaient cette terre de leurs pas, elle était née endurante et jamais ne se plaignait de risquer une engelure. Elle était terrestre, évitant le plus possible les gondoles, préférant de beaucoup à ces frêles esquifs tanguant la sûreté de son pied sur le pavé. Elle était capable de marcher longtemps, bien plus longtemps que la grande majorité de ces pauvres choses qui se disaient dames. Cette promenade quotidienne entrenait sa forme physique tout autant que son ego.

Ayant par trop flâné aux abords du Rialto, Ariela, pressait un peu plus le pas, et on l’eût dit affairée si on était venu à la croiser. Elle était pressée de retrouver sa résidence. Paolo ne souffrait pas qu’on retarde trop sa pitance, et la comtesse tenait à préparer elle-même la pâtée de ses trois adorés, de peur que sa servante aie l’idée saugrenue d’empoisonner de tels trésors. Et Paolo était sans doute le plus ponctuel et capricieux de tous. C’était un chat d’une bien grande qualité.

Mais soudain, elle s’arrêta dans sa demi course, un étrange spectacle se présentant à elle. Le hautement respectable sieur Di Lorio se tenait là, plaquant contre un mur un charmant jeune homme vêtu de rouge, un genou glissé entre les jambes de l’inconnu. Lamentable tableau de mœurs perverties. Ariela s’empressa de plonger sous un porche pour observer plus à son aise. On ne manquait pas ce genre d’ébats. Tout était arme, en ce bas monde. Heureusement pour elle, les deux énergumènes semblaient bien trop occupés l’un par l’autre pour avoir remarqué sa présence. Elle se demanda qui l’être tout de rouge vêtu pouvait bien être, puis se désintéressa temporairement de la chose. Il était de la race des faibles, s’il avait pu se faire ainsi capturer par un individu aussi grossier que le baron Di Lorio.

Elle observa avec un grand intérêt la bastonnade de l’éphèbe, se disant que Luciano était décidément un rustre de première, et regrettant tristement de ne pas pouvoir infliger ces coups elle-même. Une belle souffrance put se lire sur le visage défait de la victime, et Ariela en fut aise. C’était mérité, puisqu’il avait été assez stupide pour risquer du subir cette rouste. Les gens sans discernement n’avaient rien à faire à Venise.
Oh, finalement, si. Que deviendrait-elle sans faibles à punir de leur inutilité ? Oui… Pourquoi pas venir à son secours, gagner sa confiance. De plus, il semblait mignon… De quoi s’amuser un peu. Ne pas laisser un individu comme Di Lorio profiter seul des violences qu’on pouvait infliger à une face d’ange comme celle là.

Le vieux se retourna et fouilla la rue des yeux, à la recherche d’un éventuel témoin. La comtesse s’enfonça dans l’ombre du porche, préférant encore cacher sa présence. Elle n’osa pas regarder de nouveau à l’extérieur, de peur que le noble soit toujours aux aguets. Lorsqu’elle jeta de nouveau un œil, elle en resta quelques secondes interloquée. Di Lorio avait les lèvres collées sur celles de sa victime, et il lui carraissait la chevelure. Cela n’allait pas du tout. Celui-là ne savait-il donc rien des convenances de la violence raffinée ? On séduisait puis on blessait, on ne blessait pas pour séduire, c’était ridicule. Cela n’allait pas se passer comme ça. Il fallait qu’elle agisse, qu’elle fasse cesser cette hérésie sur le champ. Décidément, le rouge était bien idiot de se laisser prendre à un tel jeu. La souffrance n’est bonne qu’à infliger, pas à recevoir.

Les lèvres étaient encore à ce contact dégoûtant d’animalité contre nature (elle ne se rendit pas compte de la contradiction de sa pensée), lorsqu’elle fit savoir sa présence par le bruit appuyé de ses bottines fourrées battant le pavé vénitien. Elle fondit sur eux, un grand sourire d’amabilité peint sur le visage, et d’un ton mélangeant savamment joie de la rencontre et moquerie légère :


« Luciano di Lorio, quelle bonne surprise ! Vous ne devriez pas vous exposer ainsi en pleine rue, voyons. Venise est peuplée de bien trop de mauvaises langues pour prendre de tels risques.Se tournant vers l’éphèbe carmin : Mes respects, monsieur. »

Contemplant les diverses blessures que les deux hommes arboraient avec une surprise feinte, expression dont elle était très fière car complexe à jouer correctement, elle reprit, d’un ton quelque peu attristé :

« Oh, vous êtes blessés… Allons, veuillez excuser mon indélicatesse, vos émois ne me regardent aucunement. Permettez-moi de vous être aimable, cependant. J’ai peur que ces vilaines plaies ne s’infectent vite. Mon domaine n’est qu’à deux pas. Si vous souhaitez que je vous offre un peu de mon aide, ce sera avec grand plaisir »

Ariela se voyait déjà verser avec délectation de l’alcool fort sur les plaies pour les désinfecter. C’était douloureux, lorsque les blessures étaient relativement profondes. Sous couvert de charité, faire souffrir ne serait-ce qu’un peu l’un de ces beaux messieurs. Pour un peu, elle en battrait des mains.
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleVen 9 Fév - 3:04

Une fois encore le ruban changeait de main et s'enroulait autour des doigts de l'aristocrate qui souriait. Un sourire tel qu'il n'en avait pas encore vu étirer ses lèvres. Il avait pu en observer plusieurs, se jouant sur la bouche de l'homme, allant du plus méprisant au plus satisfait en passant par une variante cruelle des plus attirantes. Mais ce sourire-là, simple, que ne paraissait entacher aucune arrière pensée, était une nouveauté. Il voulut ajouter quelque chose, peut-être au sujet de ce sourire, peut-être au sujet de ce que signifiait le fait de lui avoir abandonné le ruban.

Mais Luciano ne lui en laissa pas le temps. En deux pas, il fut sur lui et l'attirait contre son corps. Le bras autour de sa taille, la main qui se cala au creux de ses reins qui se cambrèrent, lui firent oublier ce qu'il avait eu l'intention de dire. Les doigts qui prenaient possession de sa chevelure, s'y agrippant beaucoup moins violemment qu'auparavant lui arrachèrent un grondement de plaisir.

Pris de cours, il eut un moment de totale surprise et resta sans réaction l'espace d'une courte seconde quand la bouche de Luciano s'empara de la sienne dans un baiser cruel qui le meurtrissait. Baiser-morsure qu'il accepta autant qu'il le rendit et qui alluma un feu courant dans ses veines. Sa jambe glissa sur celle de Luciano, s'y enroulant, le haussant à sa hauteur tandis que ses deux mains s'enfonçaient dans sa chevelure poivre et sel et qu'il attirait le visage de l'homme encore plus près, l'empêchant de reculer, s'appropriant ses lèvres et la conduite de l'affaire. Sa bouche s'échappait, mordillant la mâchoire, remontant vers l'oreille en laissant de petites marques de dents en étincelles de feu sur son chemin.

Un bruit de pas résonnants sur le pavé lui parvint par dessus les petits grognements d'animal affamé qu'il ne cherchait pas à retenir. Il voulu l'ignorer mais une voix de femme l'en dissuada. Il recula d'un mouvement coulé, abandonnant à regret le contact de l'aristocrate pour se tourner lentement vers l'importune. Il s'inclina sans la lâcher des yeux, son regard reflétant un intérêt certain pour la beauté de la dame. Elle connaissait di Lorio et s'adressait à lui presque familièrement sur un ton qui laissait transparaître une certaine ironie. Elle les invitait à entrer chez elle et il se demanda de quelle sorte de femme il s'agissait, aiguisant sa curiosité.
Il fit mine de regarder sa main qui saignait toujours et grimaça. Puis son regard bleu prit une expression de douceur infinie.

"Je vous remercie infiniment de votre généreuse attention, Madame. Il serait tout à fait indélicat que je refuse une telle invitation et nie par là même l'honneur que vous me faites de si gracieuse façon."

Il tourna la tête vers Luciano, pour un peu il l'aurait tiré par la manche pour qu'il accepte à son tour.
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleVen 9 Fév - 6:58

D’abord étonnamment docile, Raffaele fit rapidement preuve d’autant de fougue dans ce baiser que dans leur lutte pour l’obtention du ruban. Raffermissant sa prise autour de ces hanches, délicieusement appuyées contre les siennes, Luciano lui céda provisoirement la main haute sur ce nouveau jeu, appréciant à leur juste valeur ces délicates attentions dont on parsemait son visage. Le garçon n’était certainement pas inconnu à ce genre d’amusements, son habileté en témoignait. Cela était loin de déplaire à l’aristocrate qui n’aurait eu que faire d’un puceau à qu’il lui aurait fallu tout apprendre. Il avait déjà eu droit à sa part de jouvenceaux toujours accrochés aux jupons de leur nourrice ou de tendrons à peine sorties du couvent. Leur vertu pouvait aisément devenir imperfection, leur candeur, synonyme d’ennui. Si corrompre pouvait lui apparaître réjouissant, il devait s’avouer plus friand de conquêtes déjà éprouvées dans cet art.

Tous ses sens envahis par la présence dévorante de son cadet, le noble prit conscience qu’ils n’étaient plus seuls que lorsqu’une voix féminine les rappela à l’ordre d’un ton enjoué. Une moue se dessinant sur ses lèvres fines, il leva les yeux au ciel avec exaspération. Décidément, il lui était impossible de savourer certains divertissements en toute quiétude, les commères de la cité s’étant liguées pour l’interrompre au moment où il y était le moins disposé. Libérant à contrecœur le blond éphèbe, il se tourna pour poser les yeux sur la dernière des Accorti. La jeune fille était devenue femme, mais sa présence sur la Calle Trevisi et sa figure trop douce n’auraient pu le tromper. Il pouvait reconnaître sur les traits de la nouvelle venue l’héritage de ses géniteurs qu’il avait côtoyés au cours de son enfance.

Exécutant une révérence à son tour, Luciano adressa un sourire courtois à leur interlocutrice, choisissant de ne pas la chasser aussi vertement que la galante du Florian :

« Je connais trop bien Venise pour ignorer les dangers auquel je m’expose, Madame. Je vous suis gré de votre sollicitude, mais vous savez tout comme moi que les mauvaises langues se suffisent de peu. Autant leur donner réellement matière à persifler que de les laisser spéculer en vain sur une apparente chasteté. »

Son rôle le chargeant tout naturellement des introductions, il désigna leur compagne d’un élégant signe de la main avant de déclarer :

« Monsieur Scaligeri, je vous présente la Comtesse Ariela Accorti, dont la tradition familiale d’hospitalité se perpétue depuis plusieurs décades, faisant de leur demeure l’un des endroits incontournables de cette ville. »

S’il voulut d’abord décliner la proposition de la jeune femme, le regard que lui lança son jeune favori et l’élancement dans sa main le firent revenir sur sa décision. De plus, la perspective d'abandonner si hâtivement son protégé aux mains d'une damoiselle qui possédait tout pour séduire ne lui plaisait guère. Sans doute pouvait-il laisser la Ca’Adorasti sans surveillance pendant quelques heures de plus. Le fils d’Andrea n’était tout de même pas profane au point de requérir une garde constante…du moins, il l’espérait.

« J’accepte également cette offre des plus charitables, qui fait honneur à la bonne éducation de feux vos parents. Je conserve un souvenir chaleureux de leur mémoire ainsi que de votre domaine qui me fut autrefois familier. »
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleVen 9 Fév - 17:58

Le jeune homme répondit à son salut, s’inclinant d’une manière quelque peu inconvenante. Il n’aurait pas dû la dévisager ainsi en pleine révérence s’il avait eu quelque éducation. Ariela en fut heureuse, cependant, car cela montrait bien que l’individu n’était pas tout à fait irrécupérable. Il eut été bien dommage qu’un charmant garçon comme celui-là se réserve uniquement à des ébats horripilants avec d’autres mâles, c’aurait été une grande perte pour la gent féminine. Le regard ne cherchait visiblement pas à cacher son intérêt pour sa personne, ce qui était un signe des plus rassurants. Elle n’avait pas particulièrement l’idée d’en faire un amant, quelque peu rebutée en cela par la vision d’un Di Lorio collé à ce jeunot appétissant, mais le simple fait de se sentir intéressante la rassurait.

Di Lorio répliqua courtoisement, ce qui était déjà une victoire en soi. Sa phrase contenait bien un léger sous-entendu, mais elle n’en attendait pas moins de lui. Luciano sans sous-entendus, cela aurait relevé du surnaturel.


« C’est tout à votre honneur, très cher. Beaucoup d’hommes ne courtiseraient pas le péril ainsi. »

Il fit les présentations, d’une manière élogieuse et semblait-il dénuée de sarcasme. Après l’interruption qu’elle venait d’initier, elle n’aurait pas parié là-dessus. Scaligieri. Pas des plus vénitiens, il n’y avait pas de famille noble portant ce nom à la Sérénissime. Tant mieux, si l’individu était étranger à ces mœurs, il serait sans doute plus facile à manœuvrer. Jeune et ignorant risque tous les périls dans la cité des masques. Par contre, Il faudrait se méfier de Di Lorio. Ce vieux renard là pratiquait l’art courtisan depuis trop longtemps pour être facile à piéger. Elle avait beau mépriser profondément ce triste sire et ses goûts répugnants, elle n’était pas assez stupide pour le sous-estimer.

L’éphèbe flamboyant accepta avec un air d’agnelet la proposition d’hospitalité de la comtesse. Puis, il jeta un regard suppliant à Luciano, espérant qu’il l’accompagne. Ariela s’en choqua en son for intérieur. Quel étaient donc ces hommes qui, après avoir reçu des coups, s’attachent ainsi à leurs bourreaux ? Alors que ceux-ci sont du même sexe ? Souffrance et fascination, seules les femmes avaient décemment droit de voir ces deux sentiments s’entremêler à leur égard de la part d’un mâle. Elle fut presque dépitée quand l’intéressé se déclara lui aussi prêt à accepter l’invitation. Elle n’avait que faire de lui. C’était le jeune qui l’intéressait. Mais après tout, il n’allait pas laisser s’envoler aussi vite sa récente conquête, c’était humain. Elle ne se départit pas de son sourire aimable, et lui répondit :


« Les gens de valeur sont toujours les bienvenus dans notre Demeure, monsieur Di Lorio. Ce n’est pas la triste disparition de Père et Mère qui fera s’envoler l’âme des Accorti. J’espère sincèrement en être une digne représentante.
Messieurs, si vous voulez bien me suivre… »

[Maison d’Ariela Accorti-Le Salon]
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleDim 25 Fév - 6:36

[Le Salon – Maison d’Ariela Accorti]

Un soulagement étrange envahit Luciano une fois qu’il eût quitté la demeure d’Ariela Accorti. Sans qu’il n’en ait pris conscience, il s’était senti étouffé par l’atmosphère du salon, à moins que ce ne fût la liqueur qu’on leur avait servi ou la maîtresse de maison elle-même. Chose certaine, il ne regrettait pas de se retrouver dans les rues de Venise, le vent froid semblait dissiper l’apathie dans laquelle l’avaient plongé ces lieux. Il s’éloigna de la résidence de leur hôtesse de son pas rapide, ne souhaitant pas que cette dernière puisse les épier à nouveau. Ce n’est qu’une fois qu’ils furent hors de vue du domaine de la comtesse qu’il s’immobilisa pour faire face à son cadet.

« Je crois que l’amitié de la comtesse nous est à jamais défendue, Monsieur. À moi sans doute plus qu’à vous, car votre bonne mine saura assurément vous racheter auprès d’elle, si vous veniez à désirer ses faveurs. »

Il n’avait pu retenir la pointe de sarcasme qui s’était glissée dans cette dernière phrase, l’ombre d’un sourire jouant sur ses lèvres fines. Il ne comptait pas imposer sa volonté à son favori en matière de conquêtes si, dans un moment d’égarement, celui-ci s’entichait d’une donzelle du même acabit que l’héritière Accorti. Il ne se rendrait toutefois pas non plus responsable des déboires consécutifs à une telle liaison, c’est pourquoi il le prévint des dangers que pouvaient renfermer la dame :

« En ma qualité de guide, je me dois cependant de vous mettre en garde contre ses bonnes grâces. La disparition subite de ses parents a fait courir les ragots et je ne serais pas surpris que certains détiennent leur part de vérité. Il me serait désagréable de devoir venger votre mort suite à une maladie foudroyante et incurable, tout particulièrement puisque je ne retire aucun plaisir d’une douleur dont je n’ai point été la cause. »

Ses yeux gris brillèrent d’une lueur amusée, démentie par un rictus carnassier, avant qu’il ne s’enquière :

« Pour ce qui est du bal de ce soir… Saurez-vous vous rendre jusqu’au jardin du Castello par vous-même ou préférez-vous que nous nous retrouvions auparavant afin que je vous y conduise? »
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleDim 25 Fév - 23:30

[Maison d’Ariela Accorti]

Le jeune prince avait retrouvé l'air libre et le pavé de la ruelle avec un plaisir non dissimulé et le vent qui ébouriffa sa chevelure fut le bienvenu. Ce salon à l'ameublement étrange, cette femme aux motivations troubles ainsi que l'atmosphère délétère de leur conversation sous des dehors aimables lui avaient déplu. Un regard vers son guide lui montra que, comme lui, l'homme semblait soulagé de se retrouver en plein air. Il fit face à l'aristocrate qui s'était arrêté, le visage incliné de côté et l'écouta attentivement avec un sourire à peine esquissé. Quand di Lorio se tut, les traits de Raffaele voulurent se faire graves mais ils n'y parvinrent pas et les coins de ses lèvres se relevèrent malgré lui.

"Croyez-vous que la comtesse soit fâchée de notre attitude ? Oh Dieu vous n'imaginez pas comme cela m'ennuie. Je comptais m'en faire une amie voyez-vous, moi qui ne connais personne à Venise. Il faudra que je trouve le moyen d'obtenir son pardon d'une manière ou d'une autre, n'est-ce pas ? Car ne dit-on pas qu'il est important d'avoir de bonnes relations avec ses concitoyens ?"

Son visage s'essaya à une grimace effrayée, les yeux agrandis et les lèvres frémissantes.

"Mais ce que dites vous, Monsieur di Lorio, sous-entendez-vous ce que je crois ? Quelle rumeur effrayante que ces soupçons ! J'en tremble."

Le rire à présent ne pouvait plus être maîtrisé et résonna, clair, dans l'air froid.

"Je vous avais découvert un esprit fin et incisif, je ne pensais pas que vous possédiez un tel humour, Monsieur di Lorio, vous êtes bien drôle."

Puis le rire retomba, il observa un silence et son pas lent l'amena tout contre l'homme. Il leva la tête, fixant ses yeux. Sa voix reprit, plus douce et caressante, plus basse aussi presque murmurée.

"Soyez assuré qu'il n'est pas dans mon intention de laisser à n'importe qui le plaisir de m'infliger quoi que ce soit, et à la comtesse moins qu'à quiconque. Vous n'aurez donc sans doute pas à vous préoccuper de vengeance ni du fait que l'on vous tente de vous priver d'un plaisir. Par ailleurs et pour répondre à votre question... Ses doigts s'accrochèrent à un bouton du manteau de l'aristocrate, l'entortillant sur sa ganse... Je ne sais absolument pas où se trouve le Castello."
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleLun 26 Fév - 4:43

Le garçon lui plaisait-il? Sans aucun doute. Trop? Luciano n’aurait su qu’en penser à cet instant. Il n’avait jamais été un homme de sentiments. Un homme de corps, prêt à assouvir ses désirs, certes ; un homme d’esprit, à la recherche constante de défis auxquels se confronter, tout autant, mais un homme de sentiments? Il avait dispensé son estime à quelques exceptionnels élus, bien peu avaient été en mesure d’attirer sa sympathie, encore moins avaient pu susciter son amitié et qu’un seul, son
amour. Déjà, son nouveau protégé avait réussi à lui faire abandonner sa souveraine indifférence et à éviter le mépris qu’il réservait à la plupart, pour l’entraîner dans une partie de chasse aux enjeux troubles. Elle s’était soldée par l’obtention d’un trophée au prestige indéniable, non sans qu’il se soit servi d’armes auxquelles il avait rarement recours. Et à présent? Un visage rieur après une amusante satire. Un peu plus et le jouvenceau aurait presque pu apparaître comme ce qu’il aurait dû être en vérité.


Un sourire indulgent aux lèvres, il accueillit son cadet contre lui, recevant les amabilités qu’on lui ronronnait à voix basse. Il ne doutait pas que ce ton suave et ses yeux plongés dans les siens n’étaient qu’une comédie de plus pour le jeune homme, semblable à celle à laquelle il s’était livré quelques instants plus tôt. Le noble lui avait d’ailleurs fait chèrement payer la mascarade dont il avait usé pour réclamer son ruban. À ce moment précis, toutefois, l’aristocrate n’avait aucune envie de punir ou de frapper. Pas maintenant, pas à la fin. Peut-être aurait-il tenté une ultime offensive s’il n’avait été en possession du fameux lien de soie, mais puisque ce n’était pas le cas, il décida de se prêter au jeu. Bientôt, il lui faudrait retourner au palais et confronter le fils d’Andrea comme ses invités et ses domestiques. De ces adversaires, il n’aurait rien à retirer, sauf la satisfaction de s’être révélé le plus fort. Alors pourquoi ne pas saisir le plaisir qu’on lui tendait si irrésistiblement à l’instant?

« Eh bien, je devrai vous le montrer, souffla-t-il, sa bouche effleurant la courbe d’une joue pour déposer un baiser à la commissure de ses lèvres. Cela, comme bien d’autres choses encore. »

Ses doigts vinrent s’entremêler à ceux posés contre son manteau alors que son autre main allait dégager un cou à la pâleur exquise. Il se refusa pourtant à l'enlacer, craignant de ne pouvoir se résoudre à le relâcher par la suite.

« Si vous me le permettez, bien entendu, puisque je sais que vous n’acceptez que les leçons des professeurs de votre choix. »

Et toujours, parce que son affection allait de pair avec une certaine cruauté, il abaissa son visage jusqu’à une gorge découverte, qu’il marqua d’une morsure. Une fois certain que son favori porterait son empreinte d’ici les prochains jours, il releva son regard gris sur la charmante figure de son vis-à-vis.


« Il me semble vous avoir prouvé mon intérêt, mais s’il vous faut plus, je serai trop heureux de vous contenter. À tout avoir sans effort, on perd le goût de ce que l’on reçoit, n’est-ce pas? Peut-être est-ce vous qui m’aurez rappelé cette valeur essentielle. »

Un dernier sourire et il reculait d’un pas, sa voix perdant quelque peu de ses accents suaves, comme il se détachait pour reprendre le rôle qui lui était attribué.

« Ne soyez pas trop sage, je vous veux au meilleur de vous-même pour le bal de ce soir. Je vous retrouvera ici même vers sept heures pour vous emmener au Castello, où vous pourrez réaliser votre véritable entrée dans le monde. Je suis persuadé que, tout comme moi, Venise sera enchantée de faire votre connaissance. »

Enfin, Luciano s'inclina devant Raffaele avec quelque chose ressemblant à de la convoitise, peut-être aussi du respect dans les yeux.


« Au plaisir de vous revoir, Monsieur Scaligeri. »
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleMer 28 Fév - 6:13

Raffaele n'avait pas essayé de se soustraire au baiser étonnamment léger, déposé au coin de ses lèvres. Il avait apprécié que la violence se muât en autre chose, sans pour autant tout à fait disparaître des intentions de l'aristocrate. L'abandon qu'il avait ressenti sous la morsure dont l'homme l'avait gratifié valait plus que toute la douceur reçue dans les caresses. Il porta ses doigts à sa gorge où il savait que se dessinait déjà la marque sans équivoque.
Sa marque.
Il sourit, et sa voix fut étrangement un peu empéchée quand il répondit
.

"Il m'en faudra très certainement plus, Monsieur di Lorio. Mais l'aperçu que vous m'avez offert des plaisirs vénitiens me laisse présager le meilleur. Je ne doute pas un instant que sous votre égide, je n'en vienne à trouver ce que je recherche et apprécie."

Il recula quand l'homme se détacha de lui. Son regard balaya la haute silhouette et le ton durçi remua quelque chose au creux de son estomac. Sensation délicieuse, promesse de voluptés à venir, l'eau claire de ses yeux se troubla et il se détourna alors que le rendez-vous lui était donné.
Quelques pas le ramèrent vers le milieu de la ruelle, puis il fit à nouveau face à l'aristocrate, croisant son regard. Sa voix redevenue claire résonna
.

"Je vous rejoindrai ici, alors. Venise me plait et mon intérêt va grandissant."

Une courbette vite esquissée sur un sourire et son pas rapide le fit disparaître au coin d'une maison.

[Ca'Grazziano]
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleJeu 2 Aoû - 6:13

[Ca'Adorasti - Le Grand Salon-Bibliothèque]

Enfin.

Quelques heures seulement avaient tenu séparé Luciano de son nouveau protégé, mais il lui semblait qu’une éternité s’était écoulée depuis qu’il avait aperçu cette silhouette carmine s’évanouir au coin d’une maison. Si les rencontres ayant meublé cet intermède avaient été aussi divertissantes que variées, son désir de conclure la chasse, ouverte en matinée, était sans doute à la source de cette étrange impression. Le jeune homme avait exceptionnellement su piquer sa curiosité, ne restait plus qu’à constater s’il saurait à présenter la conserver. L’expérience avait rendu le baron exigeant en toute chose et la plus infime des déceptions suffisait souvent à lui faire perdre l’intérêt qu’il portait envers qui ou quoique ce soit, l’instant plus tôt.

Après avoir abandonné le secrétaire à ses dilemmes de conscience, l’aristocrate avait pris soin de se préparer pour le bal du soir, bandant notamment sa blessure afin de prévenir toute infection. À son départ, il avait trouvé la suite de Lucrezia vide et avait préféré ne pas la faire quérir, se doutant auprès de qui elle se trouvait et ne souhaitant pas pour l’instant la priver de ce plaisir. Il lui avait semblé entendre le son familier d’un violon, une fois dans le grand hall, mais celui-ci s’était tu aussitôt, comme pour dissimuler sa présence aux yeux, ou plutôt aux oreilles d’une indésirable vigile.

Les bigots se pressaient vers l’église tandis que les libertins se hâtaient en direction du Castello, chacun cherchant à être le premier de la fête, lorsque son embarcation accosta Calle Trevisi. Remettant quelques pièces au batelier, il posa pied à terre avec l’assurance qui était sienne, puis s’accorda quelques instants pour arranger sa mise, ajustant ses gants de peau et débarrassant ses semelles de la neige grâce à quelques coups de canne bien placés. Ses yeux se relevèrent alors pour se poser sur un visage désormais familier et une expression vaguement amusée se peignit sur sa propre figure, alors qu’il déclarait :


« Je ne vous aurais jamais cru aussi ponctuel, Monsieur. »

Il jeta un coup d’œil à sa montre-gousset, qu’il rangea aux côtés d’un certain ruban, et il enchaîna :

« J’avais d’abord envisagé de rendre visite à un gentilhomme de ma connaissance, mais puisque je vous trouve ici si tôt, il serait inconvenant de vous fausser compagnie, n’est-ce pas? »

Le sourire appréciateur qui retroussa ses lèvres vint pourtant démentir la moindre contrariété qu’ait pu contenir ses paroles.
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleVen 3 Aoû - 22:49

[Ca'Grazziano - Couloir des Appartements Privés]

Raffaele avait quitté le palais sur un sentiment d'agacement. Il ne s'était pas attendu à ce que "l'intruse" comme il l'appelait rejoigne Ugo si tôt. Bien sûr, il savait qu'elle y viendrait tôt ou tard, mais il avait naïvement espéré que les fastes de Naples la retiendraient pour une période indéterminée. Après tout, elle était plus proche de son beau-père que de son époux, il n'y aurait rien eu d'étonnant, à son sens, à ce qu'elle recule encore son voyage. Mais c'était sans compter sur l'ambition de la jeune femme. Il était à présent évident qu'elle entendait s'affirmer dans son rang nouvellement acquis. Plus que tout ce qu'il lui trouvait de froideur et de frustration étranglée, c'était cette morgue, cet orgueil démesuré qu'il lui reprochait. Croyait-elle vraiment qu'il suffisait de se dire pour être ?
Un rire grinçant accompagna le crissement de sa semelle sur le pavé humide. La soirée ne commençait pas sous les meilleurs auspices. En effet, alors qu'il attendait depuis de longues minutes la Marquise di Lucore au salon en piaffant d'impatience, une petite bonne était venue lui annoncer que Madame ne descendrait pas, qu'il ne fallait pas l'attendre, que fatiguée elle préférait prendre un peu de repos avant de se joindre aux réjouissances.
C'est donc en regrettant un peu l'absence de la dame qu'il se mit en chemin, mais bien vite son pas s'allongea et elle lui sortit tout à fait de la tête. A quoi pouvait bien ressembler un bal donné pour la populace ? Il doutait d'apprécier ne serait-ce qu'un peu la proximité du bas peuple et même il trouvait l'idée assez répugnante. Mais il était tout à fait certain de ne pas vouloir renoncer à la compagnie du gentilhomme qui l'y accompagnerait. Un sourire naquit sur ses lèvres et il ralentit le pas, reculant un peu encore le moment d'apercevoir la haute silhouette du Baron.

Un groupe de péronelles bruyantes le dépassa, rires et verbe haut. L'une d'elles se retourna pour lui lancer un retard sans équivoque. Il grimaça, voici donc à quoi cela allait ressembler, une assemblée de filles de rien sautillantes et échauffées qui se feraient sans doute renverser dans les bosquets par des garçons d'écurie avinés. Réjouissante soirée.

Ce fut au détour de la ruelle, alors qu'il s'engageait Calle Trevisi et tentait de porter le regard par delà les passants plus nombreux qu'à la mi-journée, que le sentiment lui happa le coeur. Il connaissait cette sensation, il l'avait ressentie souvent à Naples alors qu'il sortait à la nuit tombée Il ne pouvait se tromper, l'impression quasi physique d'un papillon posé sur sa nuque était la même, toujours.
Il fit encore quelques pas, le regard porté vers l'avant mais l'esprit aux aguets surveillant ses arrières.
Le Baron se tenait à quelques pas, tapotant le coté de ses semelles de l'extrêmité ferrée de sa canne.
.

"Disons, qu'il me paraissait inutile de rester plus longtemps en mauvaise compagnie alors qu'une plus agréable m'attendait".

Ce disant, il avait bougé lentement entrainant le gentilhomme dans son mouvement et tournant le dos au canal, faisait à présent face à la ruelle. Son regard aigu fouilla chaque coin d'ombre mais il ne vit rien d'autres que l'habituelle presse des soirs de fête. Ses sens l'avaient-ils abusé ? Il en doutait encore, cependant il ne montra rien de son trouble et sourit.

"Avez-vous trouvé un moyen plus commode qu'une barque pour nous rendre à destination ? J'ose espérer que vous ne m'imposerez pas deux fois une telle épreuve. Ce serait pour le moins inélégant sachant la répulsion que j'en ai. De plus..." Il tourna encore, cherchant toujours la source de son inquiétude par dessus l'épaule du Baron "... Il me plairait de voir la ville à la nuit tombée."
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Matteo Salvanti
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleSam 4 Aoû - 0:34

[Ca'Grazziano]

Inhabituellement vêtu d’habits sobres, dépouillés de tout faste et de toute ostentation, qui auraient mieux convenu au laquais d’un petit bourgeois qu’au fantasque homme de confiance de la famille Grazziano, Matteo s’était glissé hors du palais pour suivre le frère du Prince jusqu’à la Calle Trevisi. Il avait pris bien soin de garder son visage sous le couvert de son tricorne ainsi que de se maintenir à une distance respectable de sa cible, afin de ne pas éveiller ses soupçons. Les instructions qu’il avait reçues étaient claires : épier le jeune homme et rapporter le moindre de ses faits et gestes. Il n’en était pas à sa première filature, ses services étant autrefois réquisitionnés à Naples, mais chaque fois, il ressentait cette même excitation à l’idée d’observer quelqu’un à son insu.

Bien qu’il n’ait jamais été véritablement présenté au cadet Grazziano, passant le plus clair de son temps aux côtés de son aîné, les rares commentaires d’Amadeo di’Grazziano au sujet de son dernier né n’étaient pas particulièrement empreints de fierté, ce qui avait porté le blond à croire au pire… Et pourtant, l’éphèbe au devant de lui ne semblait pas présenter plus de danger que les adversaires qu’il avait eu à affronter par le passé. Le faire espionner n’était-il qu’une lubie de la part de parents par trop protecteurs? Qu’est-ce que ce jouvenceau pourrait commettre de très répréhensible, sinon les frasques que connaissaient tout garçon de son âge? Évidemment, il ne fallait point se fier aux apparences, mais l’appréhension de l’homme de main se voyait grandement diminuée tandis qu’il calquait les déplacements du benjamin Grazziano.

Une fois Calle Trevisi, Matteo crut que le vice du jeune Prince était le jeu et que les craintes de sa famille soient qu’il ne s’endette irrémédiablement, mais il fut vite détrompé lorsque Raffaele se joignit à un gentilhomme d’un certain âge. Il ne pouvait encore conclure de rien, la teneur de leur relation demeurait incertaine, chacun des protagonistes n’en étant qu’à échanger des salutations. Remarquant avec une pointe d’alarme que sa cible paraissait l’avoir repéré, il recula pour s’abriter contre un mur, d’où il pouvait les surveiller sans être vu lui-même. Ses sourcils se froncèrent d'inquiétude. Avait-on pu se douter de sa présence? Il lui faudrait être plus prudent à l'avenir.
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Luciano di Lorio
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleSam 4 Aoû - 16:36

La réplique du garçon, étonnamment agréable, fit naître l’ombre d’un sourire sur les lèvres de Luciano, qui ne se serait pas attendu à tant d’amabilité.

« En mauvaise compagnie, vraiment? Il est malheureux que vous quittiez l’étouffant giron familial pour un hôte de piètre qualité. »

Raffaele s’engagea alors dans une danse pour le moins incongrue, son regard perdu dans la foule. Des yeux, le noble suivit son curieux manège, puis les riva sur la cohue à son tour, y cherchant un attrait inconnu. Le chat aurait-il repéré une proie digne d’intérêt? Une hypothèse tout à fait différente lui apparut à l’esprit et il décida d'en jouer lui-même. D’un pas sur le côté, il se campa solidement face à l’éphèbe et le força à reculer vers le bord du canal, en faisant cette fois un pas vers l’avant, sa silhouette robuste lui barrant le passage. Une seule poussée aurait suffi à le précipiter dans les eaux sombres, considérant la distance qui séparait désormais le vide des pieds du jeune homme.

« Soyez assuré que votre répulsion m’est un divertissement sans fin, Monsieur, et que je vous l’infligerais ne serait-ce que pour vous voir tomber dans mes bras à nouveau… »

Une lueur de malice brilla dans son regard avant qu’il ne s’éloigne et poursuive :


« … mais puisque je suis un homme bon, je vous épargnerai la voie des mers pour le moment. Il vous faudra cependant marcher et emprunter mille et un détours, puisque c’est là le seul moyen de parvenir au Castello sans monter à un bord d’une embarcation. Votre souhait de voir la ville à la nuit tombée sera au moins exaucé. »

Mais à nouveau, le garçon semblait ailleurs, tournant sur lui-même d’une façon inusitée. Partagé entre l’agacement et l’amusement, la canne du baron s’éleva pour soulever le menton de son vis-à-vis d’un geste à la douceur impérieuse. À présent certain d’avoir pu retenir son attention, il fit glisser le pommeau d’argent le long d’une gorge pâle et pour finalement le poser à l’endroit exact où, il le savait, se trouvait sa marque, comme pour lui rappeler qui s’était en premier porté acquéreur. Ce n’était pas une menace, seulement une mise en garde pour signifier à son cadet qu’il le désirait entier et qu’aucune demi-mesure, ni comportement dissipé ne serait toléré.

« Vous me paraissez distrait, Monsieur Scaligeri. Quelle est donc la cause de votre trouble? Cette mauvaise compagnie dont vous faisiez mention serait-elle à vos trousses? »

Sa bouche s’orna d’un sourire narquois alors qu’une pensée lui traversait l’esprit et c’est d’un ton non moins moqueur qu’il avança :

« À moins que vous n’ayez aperçu notre amie la comtesse Accorti et ayez espéré qu’elle ne se joigne à nous? »
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleLun 13 Aoû - 23:13

Se trouver forcé de se tenir au bord du quai, savoir dans son dos la présence de l'eau trop proche et n'avoir pour s'en éloigner aucune autre possibilité que de faire reculer le Baron froissa l'humeur du jeune prince. Il s'efforça au calme alors qu'il sentait son poing ganté se serrer et souplement glissa sur le côté, un pied un instant au dessus du vide. La volte rapide lui montra encore la foule, parmi laquelle aucun visage connu n'attira son attention. Il avait dû être victime d'une illusion.

"Hélas, Monsieur, on ne choisit pas toujours ceux que le destin vous octroie comme proches, chacun se doit alors de rectifier l'équilibre entre le difficilement supportable et le possiblement agréable, n'est-ce pas."

Il se rétablit à deux pas de l'eau, sécurité précaire qui semblait beaucoup amuser le baron et un sourire aussi trouble que celui qu'il avait offert plus tôt à Vittoria opacifia son regard.

"Il faut être deux pour le jeu, Baron. Et la partie que vous engagez..." Le pommeau d'argent releva son menton, contact glacé contre sa peau qui glissa dans son cou, agaçant ses nerfs déjà tendus. Il referma la main sur l'ébéne luisant, éloignant l'objet sans le lacher, caressant du pouce les arabesques de métal, le regard voilé fixé au visage du gentilhomme. "... n'est pas de mon goût !"

Un mouvement brutal et la canne quitta la main de l'homme. Raffaele fit quelques pas, faisant sonner son nouveau jouet sur les pavés humides pour en apprécier l'équilibre.

"Bel objet. Votre goût est plus sûr que votre jugement." La phrase murmurée glissa dans la brume qui se formait à leurs pieds. Le jeune prince se tourna à nouveau pour faire face à la haute silhouette de l'homme.

"Cependant, Baron, si les règles de ce qui vous divertit méritent d'être clarifiées, je serais amusé que vous me les expliquiez en marchant. Ce chemin que vous me dites détourné m'ira très bien. Les voies connues m'ennuient souvent, je préfère les passages plus secrets. Quant à la Comtesse Accorti..." Il fit une pause pendant laquelle il s'approcha jusqu'à ce que son genou botté effleure celui de son vis à vis, n'ayant cure du regard désapprobateur des bigottes. "... Je verrais d'un mauvais oeil qu'elle ou quiconque vienne encore interrompre mon plaisir. Cela répond-il à votre question ?"
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleMer 15 Aoû - 2:31

Se jouer de l’aversion du jeune homme pour les flots avait été une impulsion délicieusement hasardeuse qui ne tarda pas à porter fruit. Le poing serré, la promptitude de l’esquive et la réplique acide, fusant aussitôt de cette bouche impertinente qu’il s’était tant plu à sceller d’une morsure, amusèrent grandement Luciano. Il avait déclaré préférer un adversaire à dompter plutôt qu’un allié à courtiser et ne serait nullement revenu sur sa décision. Pour rien au monde il n’aurait échangé le trouble dont était empreinte leur relation, trouble se reflétant jusque dans le sourire et le regard de son jeune, mais si dangereux interlocuteur. Si la conclusion de cette liaison demeurait incertaine, l’aristocrate disposait au moins de l’assurance qu’il échapperait au badinage et autres frivolités sans intérêt dont il avait été victime, en de moins agréable société.

« Eh bien, j’ose espérer que ma compagnie fera pencher la balance en faveur de l’insupportablement agréable, en contrepoids de ces proches qui vous désobligent tant. »

Ses yeux gris se posèrent sur les doigts qui s’étaient enroulés autour du manche sombre, cherchant à déceler leur intention, puis apprécièrent les attentions dont fut couvert le pommeau arrondi. En ne portant son attention sur le geste, il négligea les paroles qui auraient pu l’avertir de la suite des roueries de son cadet qui, tirant parti de sa distraction, lui déroba la canne d’ébène. Devait-il la lui abandonner? Il suivit pensivement les mouvements de son favori, en train de mettre le profit de son chapardage à l’épreuve. Répéter les débordements qu’avaient exigés la conquête du ruban lui paraissait absurde, pour le moment, du moins. En temps et lieux, il saurait récupérer son bien, qui rejoindrait le lien de soie parmi les attributs attestant de son succès.

« Bel objet, à n’en point douter, Monsieur, et je vous serai gré de la traiter avec votre délicatesse première, puisque c’est un objet précieux que je ne confie qu’à celui capable d’en user à bon escient. Considérez ceci comme un prêt, qui viendra à terme lorsque je réclamerai mon dû. »

Derrière lui, la rumeur de la foule sembla s’amplifier tandis que l’éphèbe s’avançait jusqu’à ce que la distance séparant leurs deux corps frise l’indécence. Pouvait-on déjà les reconnaître comme les agitateurs du Florian ou ne voyait-on en eux qu’un homme mûr et le jouvenceau lui servant de proie? Se sentant dévisagé avec insistance, le baron s’arracha à la sensation délectable de Raffaele contre lui pour tourner la tête vers la plèbe mouvante. Son regard fut alors attiré par la vision singulière d’un garçon dont les yeux demeuraient invariablement rivés dans leur direction, en dépit des badauds défilant devant lui. Sans doute ce dernier prit-il conscience qu’il avait été découvert puisque, quittant le mur contre lequel il s’était tapi, il se remit en marche, sans toutefois s’éloigner de l’objet de son intérêt.

Reportant son attention sur son compagnon, le noble se pencha pour lui murmurer à l’oreille, un sourire carnassier aux lèvres :


« J’ai jugé que vous pourriez sûrement correspondre à mes goûts, Monsieur, et vous ne m’avez pas encore détrompé. Le choix de mes partenaires de jeu n’incombe pas au hasard, je ne jette mon dévolu que sur ceux qui se prouvent habiles à relever les défis comme tendre leurs propres filets. Quant à ce qui me divertit… »

Posant sa main contre une taille fine, il guida son protégé sans brutalité jusqu’à ce que celui-ci se retrouve face à leur petit espion, à présent adossé contre un parapet non loin d’eux.

« … en voici un exemple. Je ne sais encore si notre ami se languit de recevoir mes attentions ou si, au contraire, ce sont les vôtres qu’il convoite, la liste de vos prétendants semblant s’allonger d’heure en heure… »

Sa jambe effleura la sienne, reflet des délicatesses auxquelles il avait eu droit, un peu plus tôt.

« À moins encore, qu’il ne soit de ceux qui préfèrent assister au spectacle plutôt que de s’y joindre. Chose certaine, il n’a pas quitté la pièce des yeux et il m’apparaît judicieux de nous retirer en coulisses pour déterminer s’il aura l’audace de nous suivre jusque dans les passages les plus secrets. Je ne saurais non plus souffrir qu’on n’interrompe une fois de plus notre plaisir. Notre admirateur devra peut-être apprendre à ses dépends que la curiosité est un très vilain défaut. »

Sans jamais se départir du rictus féroce qui étirait ses lèvres, il se détacha du jeune homme pour se diriger vers une ruelle, l'invitant tacitement à le suivre et défiant l'indiscret d'en faire de même.
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Raffaele di Grazziano
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleDim 19 Aoû - 23:31

La main qui se referma sur la sienne, enveloppante et autoritaire aurait fait sourire le jeune prince si une bague, dissimulée par l'épaisseur du gant ne lui avait serré les doigts comme un étau. Il se dégagea sans pour autant reculer.

"Je comprends fort bien que vous ne teniez pas à vous séparer de votre bien. Après tout..." Il inclina la tête de côté, sourit et le bleu de son regard eut un reflet métallique. "... vous voici sans doute parvenu à l'âge des accessoires".

L'attention du Baron, cependant, s'échappait vers la forme mince d'un homme jeune jusque là immobile. Raffaele chercha à distinguer le visage que l'ombre du tricorne dérobait aux regards tandis que le gentilhomme, revenu à lui, l'assurait de son intérêt. La silhouette lui semblait connue, ses yeux se plissèrent mais la pénombre l'empêchait de bien dicerner les traits. Etait-ce celui-ci dont il avait senti le regard insistant ? Où donc l'avait-il déjà vu ? La main posée sur sa taille le fit pivoter et il put à loisir observer l'inconnu qui s'était déplacé. La lueur d'une torche, tenue par un valet hélant une barque, lui montra clairement son visage. Bien sûr ! Avait-il été naïf ! Comment avait-il pu penser un seul instant que Coriolano le laisserait vacquer à sa guise par la Cité sans lui attacher une quelconque surveillance ! Le nom toutefois ne lui revenait pas, quelque chose comme Santini, oui dans ce goût là...

Son compagnon semblait s'amuser de la situation, suspectant un motif licencieux plus qu'une mauvaise intention, allant jusqu'à appuyer brièvement sa jambe contre la sienne. Provocation. Une moue d'ennui plissa la bouche du jeune prince
.

"Je n'apprécie que modérement être observé, sauf à choisir moi-même le moment et le lieu."

L'humidité commençait à s'insinuer sous ses vêtements et il eut un frisson. Le froid n'allait pas tarder à jouer sur son humeur, il était à espérer que le Castello n'était pas de l'autre côté de la ville et qu'ils y seraient bientôt. Agacé d'avoir à présent la certitude de se savoir suivi, il s'engagea dans la ruelle trois pas derrière le Baron.

Trahissant son irritation, la canne vrombissait en fouettant l'air devant lui. Surveillé. Chaperonné comme une pucelle. Il sentait un grondement de rage trembler au fond de sa gorge. Il devait se reprendre, ne pas afficher son exaspération, éviter de... Le pommeau d'argent eut un déclic et tourna dans sa main.
Le rire de Raffaele éclata subitement et son pas rapide le ramena à la hauteur de son compagnon
.

"Et moi qui pensais que vous êtiez soit terriblement sûr de vous, soit totalement inconscient de sortir sans arme à la nuit tombée."

La fine lame de la canne-épée sortit de son logement et siffla avant d'effleurer les lèvres du gentilhomme.

"Je comprends mieux pourquoi l'objet vous est à ce point indispensable".
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Matteo Salvanti
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MessageSujet: Re: Calle Trevisi   Calle Trevisi PerleLun 20 Aoû - 2:41

C’était plus fort que lui. Matteo avait déjà démontré de plus de prudence lors des missions qui lui étaient confiées mais cette fois, il n’avait pu s’empêcher de se rapprocher de sa cible. S’être laissé abuser par l’apparente innocence du jeune Prince aurait été plus excusable que la raison véritable pour laquelle il avait agi avec une telle hardiesse. Il devait avouer avoir été captivé par la scène, malheureusement muette, se déroulant sous ses yeux. L’intimité entre ses deux protagonistes se trahissait par les gestes – une canne suivant audacieusement la courbe d’une gorge, par exemple – ou les sourires de connivence, et… et autre chose, quelque chose de sourd, de latent qui semblait les unir comme les séparer. Ce qui les raccordait semblait au-delà de la simple amitié, au-delà même de l’amour, puisque leur attitude ne paraissait empreinte d’aucune tendresse, à moins qu’elle ne fût fort bien dissimulée… Quelle était donc la nature de cette liaison bien particulière?

Le blond se serait d’ordinaire contenté de suivre l’échange en demeurant à une distance raisonnable du garçon qu’il lui fallait filer. Cette fois, cette fois seulement, il avait voulu entendre ce qui faisait sourire l’un, assombrir le regard de l’autre… Son rapport ne rendrait-il pas le Prince Coriolano plus satisfait de son homme de confiance, s’il lui rapportait jusqu’aux conversations de son cadet? Et Matteo lui-même ne mourrait-il pas d’envie de connaître le texte déclamé par ces acteurs fascinants?

Il s’était donc laissé tenter… et avait été pris sur le fait. Jurant entre ses dents, il avait rabattu son tricorne sur sa tête, en espérant désespérément ne pas être reconnu par le cadet Grazziano. Un laquais éclaira momentanément son visage blême, tant par la honte que par la peur. Qu’on l’ait repéré si vite témoignait d’une certaine habileté – née de l’habitude? – à détecter les importuns ou, à tout le moins, d’un esprit aux aguets, d’un œil aiguisé. Un soulagement indicible l’envahit lorsqu’il remarqua que Raffaele et son compagnon se détournaient de lui pour disparaître dans une ruelle. Les suivre par la même voie lui apparaissait hors de question, il devrait donc emprunter une allée parallèle et, surtout, faire preuve de discrétion.
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