VENISE
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 Le Caffé Florian

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Silvio d
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleMer 9 Nov - 1:09

"Prenez place Monsieur, prenez place et faites fi du galimatias habituel de politesse. Vous n'êtes pas un habitué des salons, je suis un marchand, nous n'avons pas besoin de dissimuler notre pensée sous des tonnes et des tonnes d'ornements. La surcharge de dorures devient écoeurante."

Silvio s'était permis de parler de manière si directe à Bertucio car un homme vêtu de la sorte et portant l'épée si fièrement se devait d'aimer les gens simples et amateurs de bonne chère. De plus, le jeune homme semblait n'être ni riche, ni véritablement influent puisque le médecin l'avait laissé tomber. Il n'y avait donc pas de réel danger à le froisser par une approche trop directe...Silvio voyait mal l'homme dégainer en plein milieu d'un caffè pour une parole si pleine de bon sens.

*Surcharge de dorures écoeurantes... et tu dis cela sans aucune sobriété.*

Le marchand leva la main afin de demander une nouvelle coupe pour Bertuccio. Il leva la sienne en disant.

"Eh bien, Monsieur, trinquons puisque la fatalité vous a fait m'aborder. Vous verrez comme le vin que je vous ai choisi convient tout à fait à notre situation. Chaud en bouche afin de nous prémunir contre la froidure du dehors mais il garde une certaine amertume afin de ne nous point endormir...Enfin, je ne vais pas vous gâcher la surprise, vous verrez qu'il est sublime."
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Bertucci
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleMer 9 Nov - 15:23

*La surcharge de dorures devient écoeurante...*

Bertuccio s'abstint de répliquer que la surcharge du langage du marchand était on ne peut plus écoeurante. Quant à dissimuler ses pensées sous des "tonnes d'ornements", il devina que le marchand lui-même n'y croyait pas une seule seconde. En tout cas, l'aventurier n'avait nullement l'intention d'exposer ses pensées au premier homme venu, même si celui-ci lui offrait à boire.

*Vous n'êtes pas un habitué des salons...*

L'aventurier retint une forte envie de rire. Il avait certainement fréquenté bien plus de salons que ce brave marchand...

Il remercia cependant d'un signe de tête et prit place à la table.


"Ce vin est excellent, et je rends grâce à votre bon goût..." dit-il en trempant ses lèvres dans sa coupe. Et effectivement, le vin réchauffait diablement. Mais la boisson n'avait jamais tourné la tête à Bertuccio, ce n'était pas aujourd'hui qu'elle allait le déconcentrer !

"Ainsi donc vous êtes marchand ? Et de quelles marchandises faites-vous commerce ?..."
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Silvio d
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleSam 12 Nov - 0:51

*Il me prend pour le dernier des abrutis, c'est parfait. Tu es génial mon petit Silvio...*

"Hum, je dirais d'épices...mais le terme est assez vague et il ne rend pas compte de la grande variété des produits que je traite. Et puis je n'aime pas trop ce mot d'épices, je trouve que cela n'est pas assez subtil pour parler de choses qui ont une valeur avant tout par leur odeur...
Je fais aussi quelquefois office de banquier pour les gens de confiances..."

Silvio but une gorgée de sa coupe. Un vin remarquable véritablement, si riche qu'on le sentait presque épais en bouche. Le jeune homme ne devait pas savoir l'apprécier, il avait acquiescé trop rapidement, il n'avait pas donné les raisons de l'excellence du vin. Il aimait le vin par convenance, ce qui devait être le signe d'un quelconque mal. Silvio pensait en effet que celui n'aimant point bien manger et bien boire n'était pas bien portant

"Et vous Monsieur, que cherchez vous donc à la Sérénissime, ou bien si cela convient mieux : Qu'avez vous trouvé qui vous fasse demeurer en ces lieux ?"
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Bertucci
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleDim 13 Nov - 23:33

"Et vous Monsieur, que cherchez vous donc à la Sérénissime, ou bien si cela convient mieux : Qu'avez vous trouvé qui vous fasse demeurer en ces lieux ?"

Bertuccio sourit à son interlocuteur. Sa question était involontairement drôle. Il se la posait depuis qu'il était rentré dans le caffé. Et pour l'instant, la réponse était...

"Rien. Absolument rien, il faut bien le dire... A vrai dire, je manque quelque peu de relations dans cette ville. Mais vous-même, vos activités doivent vous permettre de connaître du monde, et peut-être des personnes influentes...daignerez-vous éclairez ma lanterne ?"

Venise attirait l'aventurier depuis longtemps. Il y régnait une atmosphère particulière, quelque chose d'indéfinissable qui l'y avait retenu, alors même qu'il y perdait son temps, sans rien apprendre d'utile. Et Dieu sait que Bertuccio détestait perdre son temps ! Le marchand allait-il lui fournir une seule bonne raison de rester, enfin ?
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Silvio d
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleLun 14 Nov - 0:59

Silvio eut un sourire qui secoua son double menton. L'aventurier lui deamndait de l'aide, c'était très mignon. Décidemment, le jeune homme ne semblait pas être rodé aux usages de Venise. Silvio avait beau avoir introduit la conversation en demandant d'être direct, il ne se serait jamais attendu à une question si nue, si grossière.

*Il me rentre dans le lard en me demandant de lui servir d'entremetteur, je lui rentre dans le lard à son tour.Oeil pour oeil, dent pour dent...*

"Vous savez, je ne peux pour l'instant vous introduire auprès des grands pour que vous puissiez en profiter. Car voyez-vous, Monsieur, je suis installé ici depuis peu de temps seulement. Et de plus, vous savez, lorsque l'on est jeune et fort comme vous, cherchez la servitude dorée des grands n'est pas forcément la meilleure chose à faire. Ils ne vous donneront pas une raison d'être à Venise, ils vous empêcheront juste de quitter la ville par les chaînes du luxe."

Une idée commençait à germer dans la tête de Silvio. Un homme d'épée était toujours fort utile, surtout quand l'âge commence à vous rattraper. Et même si Silvio avait gardé sa svelte silhouette, les choses du fer étaient bien trop aléatoires, même pour un bon bretteur comme lui, et il valait mieux laisser cela à des gens n'ayant pas de fortune à perdre.
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Bertucci
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleLun 14 Nov - 22:39

Une question si directe ressemblait plus à Bertuccio qu'une conversation oiseuse, truffée d'allusions et de sens cachés. Il n'avait rien appris de cette manière avec ses précédents interlocuteurs. Au moins venait il d'obtenir une réponse franche et claire. Et tant pis si on le prenait pour un rustre...

"Nulle chaîne, qu'elle soit de luxe ou d'autre chose, ne me retiendra jamais quelque part, Monsieur." répliqua l'aventurier. "On prend l'argent là où il se trouve, et il est étrange de constater qu'il est souvent dans les poches nobles. Quoi de plus naturel que d'aller l'y chercher ?"

Décidément, cet homme plaisait de moins en moins à Bertuccio. Une apparence trompeuse, qui camouflait un esprit rusé et calculateur. Une espèce des plus détestables. Néanmoins, négliger le marchand serait une erreur regrettable. Car Bertuccio était persuadé que l'homme était assez habile pour s'introduire dans les meilleures sociétés, même fraîchement arrivé. Arrivé d'où, d'ailleurs ?


"Ainsi vous n'êtes pas vénitien ?" reprit-il. "Et d'où venez-vous, si ce n'est pas indiscret, Monsieur...mais je ne sais même pas le nom de celui avec qui j'ai l'honneur de parler..."
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Silvio d
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleMar 15 Nov - 1:36

Silvio eut un petit rire à la phrase de Bertucio concernant les poches remplies des nobles. Vraiment, le jeune homme était ce qu'il lui fallait : il ne savait non seulement rien sur Venise mais aussi rien sur les affaires économiques.

"Voyez-vous mon ami, il est sûr que les nobles vous donneront de l'argent, mais ce n'est pas le leur. les poches des nobles ne sont pas pleines, elles sont faites d'un tissu à mailles si larges que les écus ne cessent d'en tomber.
Les "grands" font des cadeaux avec l'argent de leur banquier qui se fait une grande joie de le leur réclamer. Alors cherchez l'amitié des grands non pour le profit des cadeaux, mais pour pouvoir les influencer. Faites leur du bien, il vous seront reconnaissants et ne pourront s'acquitter de leur dette par un quelconque présent de peur de perdre encore d'argent.
Vous les tiendrez par le plus fort des liens : celui du bienfait non récompensé. Et les nobles demeurent hommes d'honneur et ne s'en libèreront jamais."

Silvio finit sa coupe. Il fallait mettre le doute dans l'esprit de l'aventurier mais sans trop s'enflammer.

"Ah oui, excusez-moi, où avais-je la tête, vous avez affaire à Silvio Da Pontalcone, de Pise."
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Bertucci
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleMar 15 Nov - 22:14

Da Pontalcone tirait certainement bien son épingle du jeu, à en juger par le luxe ostentatoire de sa tenue. L'homme aimait le confort et la sécurité, cela se voyait.

"Peu importe, monsieur, la provenance de cet argent...Si les poches des grands sont trouées, c'est au bénéfice de ceux qui savent en profiter. Et il me semble que vous êtes de ceux-ci ?"

Le ton docte sur lequel le négociant s'adressait à lui ne plaisait pas à Bertuccio. Les nobles "hommes d'honneur" étaient malheureusement une denrée rare, il en avait l'expérience. Et c'était bien pour cela qu'il ne restait jamais bien longtemps au service du même homme. De toute manière, l'argent ne l'intéressait pas plus que cela, raisonnablement, du moins. Mais le marchand pensait apparemment avoir affaire à un mercenaire, et avait pour lui quelque projet, Bertuccio le sentait. Pourquoi le détromper ?

"De Pise ? J'ai eu l'occasion de m'y arrêter quelques jours, c'est une belle ville, mais qui a connu des temps meilleurs."

L'aventurier cessa les banalités et but un peu de vin.

*Il est meilleur à chaque gorgée...*
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Silvio d
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleMer 16 Nov - 0:59

Silvio eut un demi-sourire amusé. Le petit avait décidemment mis bien longtemps à comprendre.

"Je ne profite pas des poches trouées des nobles. J'aide les grands nobles à mener la vie qu'ils méritent et ils me sont reconnaissants. c'est à double sens."

*Je m'aime quand je pinaille sur les mots...*

"Quant à Pise, bien sûr qu'elle a connu de meilleurs temps. Si elle n'était pas l'esclave de Florence, je ne l'aurais pas quittée. Même, j'ai quitté Pise car je ne la connaissais que trop bien et je m'y sentais à l'étroit. J'aurais pu bien sûr rester sur la Méditerranée en allant m'installer à Gênes, mais je n'ai jamais véritablement aimé les Ligures.
Et puis, ici, je garde une ouverture sur la mer mais je peux aussi songer à exporter mes produits vers l'Autriche. Et je peux aussi goûter aux charmes de la Sérénissime. Vraiment, je ne regrette nullement mon choix."

Silvio tira l'oignon de son gousset et vit qu'il commençait à être bien tard. D'ailleurs, le ciel était presque noir déjà. Il fallait que Silvio songe à partir s'il voulait rentrer chez lui et avoir le temps de se préparer pour la petite soirée.

"Mon cher Farieli, je me vois dans l'obligation de vous quitter bientôt. Sachez que parler avec vous fut fort plaisant. Je pense que nous nous reverrons et de toute façon, si le hasard ne fait se croiser nos chemins, vous trouverez bien un instant où venir me voir. Mes appartements donnent sur le Rialto, vous trouverez facilement."

[Rialto-maison du négociant en épices.]


Dernière édition par le Dim 27 Nov - 21:04, édité 1 fois
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Bertucci
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleVen 18 Nov - 22:41

"Un plaisir partagé, M. Da Pontalcone. Le hasard fait souvent bien les choses, faisons-lui confiance..."

Bertuccio se leva en même temps que le marchand, posa quelques pièces sur la table, et récupéra son chapeau.

"D'ailleurs il est aussi temps pour moi de partir. Monsieur..."

Après un dernier salut au négociant, l'aventurier poussa la porte du caffé et sortit dans la froidure du dehors.

[Place St Marc-Nord]
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Muzio Barrozi
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Muzio Barrozi


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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleDim 27 Nov - 18:53

[Parvis de San Siriano]

Muzio avait saisi la réaction pourtant discrète d'Alessandro à l'annonce de son activité. Sans chercher pour le moment à l'expliquer, il se contenta de la noter dans un coin de sa mémoire. Un élément de réponse lui fut fourni quelques secondes après. Un père médecin, peu de temps pour soi, sans doute autoritaire... De la rancoeur, donc ?

La moquerie cependant était trop peu dissimulée pour que Muzio n'y réagît pas. Le médecin arrêta sa marche, et se retourna légèrement afin de capter le regard pétillant du jeune homme. Devait-il faire preuve d'honnêteté et trahir la solidarité de la profession, ou se couler sous un masque protecteur ? Il n'eut pas à réfléchir, au diable la solidarité envers les charlatans qu'il savait, hélas, nombreux.


"Vous ne paraissez pas apprécier beaucoup les médecins ? J'ose espérer -et j'en suis persuadé-, que la grande majorité de mes confrères est animée avant tout par le désir de soigner l'Homme, et ce quel que soit le poids de sa bourse."

Muzio conclut sa défense avec un regard pénétrant et un sourire aimable.

"En tout cas, monsieur Menatti, soyez bien certain que je suis à votre disposition pour tout ce qui est de mon domaine, et que je n'examinerai pas vos bronches malades en fonction du nombre de pièces que vous pourrez me glisser."

Sa voix s'était faite un peu plus dure, et son pas reprit, tassant un peu plus la boue neigeuse de la rue. Il héla un gondolier, et tous deux s'installèrent sur le banc. Alessandro avait-il cherché à le tester ? Il ne pouvait supporter qu'on lui soupçonnât un tel comportement. Combien de fois avait-il offert ses soins à une famille sans le sou, n'exigeant aucun paiement sinon un verre d'eau fraîche ?

Les deux hommes débouchèrent sur la place Saint-Marc, et Muzio se dirigea d'un pas sûr vers le Caffé. On allait le prendre pour un alcoolique... Il poussa la porte et la chaleur ambiante le tétanisa un instant. Refoulant son dégoût pour cette masse humaine affalée autour de boissons, Muzio entraîna Alessandro vers une petite table relativement au calme. Il s'assit tranquillement et adressa un regard amusé au jeune homme tout en faisant signe à un serveur:


"Et pour vous prouver mon désintéressement, je peux d'ores et déjà vous conseiller une excellente petite tisane contre la toux: miel, cannelle, réglisse et bourgeon de sapin. Un conseil à titre gracieux, vous rendez-vous compte ?"

L'ironie était affectueuse.
Le serveur arriva, les débarrassa de leurs manteaux et ouvrit des yeux ronds -quelque peu simplets ?- en attendant la commande.
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Alessand
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleSam 17 Déc - 20:33

[Parvis San Siriano]

Il faillit s’en mordre la langue. Le tact, dés lors qu’il se laissait aller à parler trop librement, n’avait jamais été sa qualité maîtresse. Son intérêt devait être piqué pour qu’il prenne garde à ses paroles et à leurs conséquences. Ca n’avait donc guère d’importance face à des simples inconnus, mais presque inconsciemment il éprouvait de la sympathie pour ce médecin qui se distinguait autant par ses manières que par le début de complicité qui semblait s’être établi. Et c’était d’autant plus dommage qu’à en juger par la soudaine dureté de son regard, il semblait avoir pris la pique comme lui étant destinée.

Aussi Alessandro ne répondit-il pas qu’à son humble avis, ils étaient rares les hommes qui étaient animés par de plus respectables motivations que le poids de leur bourse. En revanche depuis cette invitation inattendue, il n’aurait pas hésité à déclarer que ce chirurgien ne se classait pas dans ce vaste troupeau. Les apparences peuvent bien être trompeuses, on ne peut que difficilement échapper à leur inclinaison.

Le trajet se fit donc en silence, le jeune homme n’osant pas reprendre si vite la parole. D’autant plus qu’étant humain et parfaitement conscient de l’être, s’ajoutait à la volonté de ne pas être en froid avec la première personne qui lui fut réellement agréable depuis un certain temps, le désir de ne pas gâcher l’occasion de profiter de la chaleur du Café Florian et de ses boissons. Que la deuxième raison soit la plus petite des deux n’empêchait pas son existence.

La chaleur ne provoqua pas sur lui le même effet que sur le médecin. Au contraire, retrouvant le sourire, il desserra les pans de son manteau, appréciant du regard le décor autant que toute l’activité humaine propre à ce genre de lieux. C’était vivant. Mais ce furent les paroles de celui dont il était l’invité qui achevèrent de le dérider complètement.


" Et c’est aussi gracieusement que je vais suivre votre conseil ", fit-il, sourire aux lèvres, en se tournant vers le serveur qui semblait par ailleurs assez niais, pour lui commander exactement ce qu’on venait de lui recommander. Il se mordilla à peine la lèvre avant de reprendre.

" Je ne voulais pas vous blesser tout à l’heure et je suis désolé si ça a été le cas. Je n’aurais jamais pu imaginer que vous puissiez être avare. C’est juste que… Eh bien, j’ai des paroles malheureuses par moments. Si vous saviez le nombre de fois où je m’en suis mordu les doigts… "

Le ton était léger, où perçait un doigt d’autodérision sans trace de cynisme ou d’acidité.

" Et ceci est encore plus vrai à Venise. Je crois que durant les premiers jours qui ont suivi mon arrivée j’ai commis plus d’impairs qu’en un an en tout autre endroit. Ma foi, c’est aussi ce qui fait le charme de cette cité je trouve. Cela ressemble à du théâtre. Et parfois on oublie que l’on peut devenir le dindon de la farce. Mais qu’importe. J’espère simplement que vous ne m’en tiendrez pas rigueur, je ne pensais pas à mal. Je vous prie de m’excuser. "

Et finalement une légère lueur interrogatrice fit son apparition dans ses yeux. Elle était autant due à ses propres paroles qu’à la curiosité qui lui venait naturellement face à une personnalité qui bien que n’étant pas propre à se faire remarquer au premier coup d’œil, n’en semblait pas moins rester remarquable.
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Muzio Barrozi
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Muzio Barrozi


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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleDim 18 Déc - 20:54

Suite à la commande -éclairée- d'Alessandro, le médecin indiqua d'un geste au serveur qu'il prendrait la même chose. Bien que ne souffrant pas de la toux, une telle tisane ne pouvait que la lui prévenir... L'homme s'inclina et partit avec empressement transmettre leur commande. Muzio se recentra sur son interlocuteur dont il écouta simplement la tirade, mains croisées et regard attentif. Sa conclusion fut la plus épurée du monde...

"Vous êtes tout excusé, monsieur Menatti. J'ai moi-même tendance, sans doute, à prendre trop au sérieux des réflexions peut-être anodines."

Il s'abstint de tout commentaire concernant Venise. D'ailleurs, le serveur qui revenait plateau à la main l'en aurait empêché. Celui-ci déposa les breuvages et repartit aussi vite. Muzio porta la large tasse à ses lèvres et avala prudemment deux gorgées du liquide brûlant. Finalement, il reporta les yeux sur Alessandro avec une mine intéressée:

"Ainsi donc, vous agréez les Vénitiens de votre talent de violoniste. Ne vous heurtez-vous pas trop à leur... indifférence ?"

Prenant conscience de l'ambiguïté non volontaire de sa question, Muzio crut bon de se rectifier.

"J'ai hélas trop souvent pu constater l'ingratitude des passants envers ceux qui servent la beauté. N'avez-vous jamais été tenté de vous reconvertir dans une activité disons... plus reconnue ?"
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Alessand
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleLun 19 Déc - 19:38

Il écarta ses lèvres à peine trempées dans le breuvage encore fumant. Mais le peu de liquide tombé au fond de sa gorge n’en fut pas moins fort bienvenu, adoucissant les bronches irritées. L’odeur même avait un effet apaisant et le jeune homme l’appréciait à sa juste valeur. Ses yeux se détachèrent des fumerolles s’échappant de la tasse pour revenir à ceux du médecin quand celui-ci lui posa une question dont il ignora délibérément l’ambiguïté rapidement effacée.

Se laissant un peu aller contre le dossier du siège, un soupir s’échappa de ses lèvres avant qu’il en fût conscient. Innocentes ou pas, ces phrases réveillaient un souci qui n’avait cessé de l’irriter depuis son arrivée à Venise. La vie au jour le jour avait ses charmes, mais ils étaient beaucoup plus attrayants dans l’esprit plein d’idées romantiques de ceux qui n’avaient pas tant à se soucier de leur subsistance. Quand la précarité cessait de n’être qu’un risque, on s’en lassait très vite. Seules les joies du voyage et des découvertes la contrebalançaient. Pourtant le sourire ne disparut pas. Il était loin d’être d’une nature pessimiste et préférait prendre chaque situation avec humour plutôt qu’avec des plaintes inutiles, particulièrement quand il était facile de trouver cas bien plus désespérés.


" Ah ça… Ce n’est pas par manque de volonté de ma part. Mais disons que peu d’opportunités se sont présentées et que dans ces moments, les circonstances ne m’étaient guère favorables. En fait j’étais venu ici avec le dessein de commencer une vie… disons, plus stable. "

S’interrompant un bref instant, Alessandro hésitait sur la conduite à tenir concernant ce qu’il devait dire ou taire des précédentes années passées. Le tout était somme toute bien anodin, en revanche certaines questions qui pourraient naître innocemment demanderaient des réponses qui, si elles étaient honnêtes, le seraient nettement moins. Mais il opta finalement pour une explication simple, rapide mais fidèle à la réalité.

" J’ai beaucoup voyagé depuis mon départ de chez moi. Mais je n’ai jamais eu de but précis. J’étais porté au gré de ma fantaisie et de mes possibilités, ou de celles de mes compagnons de voyage. N’ayant pas appris les subtilités d’aucun métier, je ne pouvais pas non plus gagner ma vie de cette manière.
Lorsque j’ai appris à jouer du violon je ne pensais pas qu’il me deviendrait si nécessaire par la suite. Cela a eu son charme un temps mais…le temps passant… Et vous avez bien raison de penser que les passants ne font pas montre d’une générosité extraordinaire. Même si je ne prétends pas non plus être un excellent musicien, " acheva-t-il d’un sourire rendu malicieux par le fait de savoir que s’il pouvait se vanter d’un art c’était bien de celui-ci.

Néanmoins tout ceci le laissait songeur en dépit des apparences. D’une part parce qu’il revenait une fois de plus à ce problème épineux. Et d’autre part, parce que n’étant pas complètement sot ou aussi niais que le garçon qui leur avait servi les tisanes, il n’avait pas manqué de sentir l’intérêt derrière les traits du médecin et son esprit curieux voyait naître des questions.
Sans s’en rendre compte, ses doigts nerveux tapotaient la tasse vidée d’une bonne part de son contenu au fur et à mesure qu’il avait énoncé sa petite tirade.


"Je suis arrivé à Venise avec l’idée de poursuivre mon existence sur un nouvel air", fit-il d’un air légèrement amusé par la formulation de sa phrase. A peu qu’il ne passe pour un de ces blancs-becs persuadés d’être poètes.

"Enfin, je suppose que mon cas est bien commun et bien banal dans ces murs. Vous devez certainement en voir légion en tant que médecin", conclut-il comme si tout ce qu’il avait pu dire auparavant n’était que de peu d’importance alors que ça n’était bien entendu pas le cas.
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Muzio Barrozi
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleJeu 22 Déc - 20:52

Vêtu du masque d'impassibilité qu'il s'était forgé avec les années d'expérience, Muzio prêtait une attention fort intéressée au récit du jeune homme installé en face de lui. Un jeune homme un peu fantasque, qui n'avait pas dû vivre en enfant de choeur durant ces dernières années... Un jeune homme malicieux, optimiste et opportuniste, jouant avec la vie en acceptant de perdre parfois... Un jeune homme apparemment récemment arrivé à Venise et, point primordial aux yeux du médecin, décidé à se stabiliser.

Le regard de Muzio glissa sur les doigts nerveux qui jouaient avec la tasse, s'y attarda une seconde, puis remonta vers le visage tanné. Le médecin se renversa contre le dossier de sa chaise, et un léger sourire étira un instant ses lèvres.


"Aucun cas n'est banal, monsieur Menatti. L'une de mes règles de première importance est de considérer non pas des symptômes universellement décrits et classifiés, mais plutôt un cas bien à part, unique. Unique..." répéta-t-il à mi-voix, avant de relever sa tasse à sa bouche.

Un instant de silence plana, bien que l'agitation ambiante ne laissât pas la place à un tel état de calme proprement dit, instant durant lequel Muzio porta la main à sa poche avant de suspendre son geste. Il se promit de songer à partir à la recherche de son autre montre, affublée d'une chaîne plutôt laide, mais qui ferait bien l'affaire quelques jours... Restait à la retrouver.

Brutalement, le médecin se redressa et se pencha légèrement au-dessus de la table, sur un coude. Son regard se fixa dans les prunelles sombres d'Alessandro, sa voix fut sans fioriture et professionnelle.


"Que diriez-vous d'une place sûre pour un jeune homme droit, des tâches banales et une formation assurée ?"
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Alessand
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleMar 27 Déc - 13:37

La façon qu’eut le médecin de lui exposer sa proposition le prit complètement de court. Peut être la ville commençait-elle à déteindre sur sa manière de voir ou bien était-ce tout simplement une attitude naturelle en pareilles circonstances. Mais en dépit de ses habitudes et de son caractère, avoir manqué de tact puis se trouver gêné par quelques allusions l’avait poussé à agir avec la précaution d’un chat : une patte en avant, l’autre déjà sur le recul. C’est qu’il n’avait pas oublié l’idée qui lui était venue quand le chirurgien lui avait annoncé sa profession, à savoir de proposer ses services, et n’avait donc pas eu la moindre envie de commettre de nouvelles erreurs. Pourtant là…

Il se rendit brusquement compte du silence que sa surprise venait d’imposer une nouvelle foi et se reprit immédiatement, les pupilles sombres s’animant de nouveau. Il se trouvait stupide d’avoir eu une telle attitude.


" J’en dis que je suis votre serviteur Maître Barrozi, " fit-il en inclinant la tête, mais le ton de sa voix et le sourire qu’il arborait ôtait le poids inutile et pompeux de la solennité d’un tel geste.

Ce n’était pas nécessaire d’expliquer à quel point cette offre était bienvenue. Pourtant c’était bien un réel attachement qu’il commençait à ressentir pour le médecin en même temps que sa curiosité était de une foi de plus attisée. Le jeune homme avait déjà assez voyagé en dépit de sa jeunesse pour ne pas ignorer que de tels hommes ne courraient pas les rues. Aurait-il été fervent croyant, il aurait pu se persuader de voir dans de tels évènements la divine main de la Providence.
Mais Dieu était une autre histoire. Alessandro ne cherchait pas à comprendre Ses affaires mais en même temps ne tenait pas à ce qu’Il interfère dans sa propre vie. Il ne fréquentait que rarement les églises autrement que pour gagner son pain et les questions théologiques autant qu’existentielles lui passaient par-dessus la tête. Il n’y avait pas besoin de chercher une logique supérieure à l’existence pour avoir plaisir à être en vie. Et il laissait aux autres le soin de choisir leur propre voie.

Ceci étant dit, le jeune homme était quand même surpris de la promptitude de cette proposition. Beaucoup s’enquerraient consciencieusement des capacités de leur futur personnel avant de prendre de telles décisions. Il n’en pouvait que plus apprécier le médecin de lui faire ainsi confiance. Ce qui ne l’empêchait pas bien sûr de rester curieux.


" Soyez sûr que je ne vous décevrai pas. Mais, si je puis me permettre, qu’attendez-vous de moi exactement ? J’ai reçu une assez bonne éducation je crois, et je sais donc lire, écrire, le latin comme l’italien, compter et tout ce qui va avec. Mais pour autant les tâches quotidiennes ne me sont pas étrangères. Cependant comme je vous l’ai dit, si mon père était médecin, je n’ai moi-même que des connaissances très limitées dans ce domaine. "

Il but la dernière gorgée du liquide tiédissant, sans toutefois lâcher son interlocuteur des yeux. Etre au service d’un autre ne le dérangeait en rien. Il n’avait pas assez d’orgueil pour cela et c’était heureux étant donné sa condition. Mais cela voulait aussi dire apprendre à bien connaître la personne que l’on servait et il saurait s’en donner les moyens.
Sur les derniers mots qu’il avait prononcés pourtant, il se rappela que le médecin avait parlé de formation et se demanda naturellement s’il entendait bien par-là lui enseigner les sciences de la guérison.
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Muzio Barrozi
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleMer 28 Déc - 19:07

Le jeune Menatti avait accepté sans se poser de questions. Durant le court instant de silence qui s'écoula, des dizaines de pensées vinrent s'entrechoquer dans l'esprit de Muzio, dont l'apparence restait, paradoxalement, tout à fait sereine.

Le médecin n'était pas stupide. Il avait compris depuis le début qu'Alessandro n'était pas, ne serait jamais Giorgio. Indépendant, opportuniste, confiant dans sa capacité à surmonter les difficultés quotidiennes, optimiste, sans doute un peu calculateur, joueur, malicieux, habitué aux duretés, à l'hypocrisie et aux douceurs de la ville... Autant de caractéristiques éloignées du calme et introverti Giorgio qui, il l'avait avoué quelques heures avant sa fuite, s'effrayait du monde grouillant qu'était Venise.

Instruit. Un point qui l'éloignait, un peu plus encore, de l'enfant ignorant recueilli plusieurs années auparavant. Irrégulièrement, au gré du temps et des évènements, Muzio lui avait enseigné quelques savoirs de base: lire et écrire en italien, compter sommairement... Et puis, bien sûr, des noms de plantes rencontrées au hasard de ses tournées, l'utilité de tel ou tel remède, la technique d'un bandage ou l'administration d'un traitement...

Muzio fixa un regard sagace sur le jeune homme.


"J'attends de vous que vous preniez en charge les tâches quotidiennes: courses, maintien de la maison, repas... Et ce régulièrement et correctement. Il vous est encore possible de refuser." ajouta-t-il doctement, bien conscient du peu d'intérêt recélé par ces travaux.

Il finit d'un geste le contenu de sa tasse.


"Mais si vous acceptez, je m'efforcerais de vous transmettre des savoirs dans le domaine de ma compétence, que vous m'arriviez néophyte ou non."

Laissant planer quelques secondes de silence, il posa doucement ses paumes à plat sur la table, légèrement renversé sur son dossier.

"Je n'ai pas pour habitude d'engager le premier venu, monsieur Menatti. Vous pouvez maintenant vous lever et repartir, sans que rien ni personne ne vous en tienne rigueur. Mais si vous restez, je m'estime en droit d'exiger de vous une conduite irréprochable - honnêteté, rigueur, loyauté, fiabilité - et une bonne dose de volonté."
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Alessand
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleMar 3 Jan - 23:15

Les mots du médecin ne le surprirent pas. Personne n’en aurait attendu moins de sa maisonnée. Et lui-même n’avait pas la moindre attention de faillir. Non seulement parce qu’il désirait réellement trouver une certaine stabilité, mais aussi qu’il ne voyait aucune raison de profiter de la personne qui lui offrirait l’occasion d’y parvenir. Il était conscient que ce genre de « vœu » paraissait bien fadasse, sans ambition. Mais finalement sa seule véritable ambition étant de profiter de la vie, n’était-il pas sage de veiller à ne manquer de rien qui ne soit nécessaire ? Et était-il nécessaire de nuire pour apprécier ? Bien sûr que non. Ceci, c’était une excuse que les coquins avançaient pour se donner bonne conscience, ne se rendant d’un coup, pas plus intelligents ni réalistes que les dévots et les saintes-nitouches ; et même s’il n’était pas tout blanc et conscient de commettre certaines choses répréhensibles par les lois de l’Eglise, il avait encore assez de respect envers l’Humanité en général pour ne pas tomber dans certains vices.

D’autre part, L’idée de pouvoir être déloyal, sans parler d’être un poids, pour une personne telle que l’était Muzzio Barrozi ne l’avait même pas effleuré ; c’était rare de servir une personne aussi intègre, et qui ne prenait pas ses gens pour des inférieurs sans valeur. Ca aurait été tout simplement mesquin. Et ça n’était pas dans sa nature. Ceci étant renforcé par cette proposition : lui apprendre la médecine. D’abord il n’était évident que quiconque apprenne à ses serviteurs son propre métier. Chacun à sa place, auraient dit certains. Ensuite, s’ajoutait l’utilité de connaître un métier. Enfin c’était la profession en elle-même qui était toute particulière. Si elle n’avait eu aucun attrait dans son enfance, elle commençait à en avoir à présent.

Il n’y avait plus donc la moindre trace de malice dans son sourire lorsqu’il reprit la parole.


" Monsieur, j’ai peut-être parlé un peu vite. Mais c’est qu’en vérité j’avais déjà songé à vous proposer mes services. Et je ne me rétracte pas. Pas plus que je ne vous manquerai à l’avenir. Je ferai ce qui vous sera utile du mieux possible et serai un élève attentif. Vraiment, vous n’imaginez pas à quel point vous m’enlevez d’un poids. "

Du plat de la main il écarta la tasse désormais vide, pour éviter que ses doigts ne pianotent de nouveau sur l’émail, mais comme il le faisait symboliquement d’un chapitre de sa vie. Dorénavant on passait à autre chose. Comme pris d’une légère hésitation sur la marche à suivre, le jeune homme se mordit à peine la lèvre. Mais quand il reprit, ses yeux n’avaient rien perdu de leur éclat de spontanéité.

" Pardonnez-moi, je vais peut-être paraître un peu direct mais… Je ne sais pas quand vous désirez que je commence à me mettre à votre service, ni même où vous logez. "

Sa phrase s’arrêta là, mais c’était sans parler d’une foule de questions, cette foi purement techniques, qui se bousculaient dans sa tête. S’appliquer à l’entretien d’une demeure, quelle qu’elle soit, demandait un minimum de connaissance à son sujet. Mais le temps viendrait pour y répondre.

C’est étrange, songeait Alessandro, comme on s’habitue vite à un changement. Le matin encore il se demandait si son violon suffirait une foi de plus à poursuivre la vie qu’il menait, et le soir venant, ses questions avaient complètement changé de nature, sans qu’il ait éprouvé la moindre difficulté à assimiler son nouveau statut. Nouveau statut qui d’ailleurs, permettrait à son instrument de retrouver son essence artistique et non plus utilitaire.
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Muzio Barrozi
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleSam 7 Jan - 0:03

A la réponse d'Alessandro, le médecin approuva d'un bref signe de tête. Qu'il eût déjà songé à proposer ses services le surprit quelque peu, mais après tout en ville, peut-être se proposait-on ainsi pour le service de tout le monde et n'importe qui...

Visiblement le jeune homme était désireux de bien faire, et Muzio ne doutait pas de sa sincérité. Il se tut volontairement néanmoins, car il avait appris qu'une personnalité se dévoile davantage à travers les questions posées que les réponses. Et, en effet, les questions ne tardèrent pas. Muzio accorda à son jeune interlocuteur un léger sourire qui indiquait qu'il comprenait ses interrogations.


"Vous avez peut-être quelques affaires à régler, ce que je vous prierais de faire au plus vite. Dans le cas où rien ne vous retiendrait, considérez-vous dès à présent attaché à ma maison et à moi-même."

Il marqua une courte pause, puis entreprit de répondre à la seconde question explicite...

"Quant à mon logis, le plus simple est que je vous y mène sur-le-champ. Vous prendrez connaissance des lieux et pourrez vous y installer."

Joignant le geste à la parole, Muzio se leva, repoussa sa chaise et déposa quelques pièces sur la table. Les gens du caffé ayant des yeux et des oreilles partout, un serveur accourut immédiatement avec son manteau qu'il enfila, faisant signe à Alessandro de l'imiter.

Puis il franchit la porte et fut happé par le froid et l'obscurité naissante. Il avala une goulée d'air gelé qui lui fit briller les yeux, resserra les pans de son manteau... En attendant Alessandro, il s'approcha de l'eau et laissa son regard se perdre dans les reflets scintillants des réverbères alentours, tremblotant à la surface du canal. Il avait remplacé Giorgio.

Un bruit de pas le fit se retourner, et il adressa un bref sourire à son désormais serviteur, qu'il devança dans la gondole qui les emmena loin du caffé Florian et de son agitation malsaine.


[Calle Bardini - Maison du médecin]
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Alessand
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleVen 13 Jan - 16:55

" J’ai quelques affaires à prendre dans une chambre d’auberge, " précisa le jeune homme alors qu’il se levait et enfilait son manteau à son tour.

Le froid qui s’imposa dés que la porte fut ouverte lui donna bien vite raison et le poussa à en refermer les pans plus rapidement et à jeter un regard légèrement nostalgique à la table qu’ils quittaient autant qu’au reste du Caffe dont les couleurs, la chaleur et la vie lui plaisaient déjà énormément. Mais il n’y avait pas lieu de regretter de quitter ce lieu puisque c’était pour en découvrir un autre où il doutait que l’hiver ait son entrée.


" Ce n’est pas très loin, " poursuivit-il dans un léger nuage de vapeur, suivant son maître au dehors, violon sous le bras, frissonnant du brusque changement de température.

La primavera semblait tristement loin en dépit de la beauté du tableau qu’offrait la Place St-Marc en ce début de soirée.


" Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, nous pourrions aller les chercher maintenant. De cette manière… "

Il laissa sa phrase en suspens alors qu’il descendait à son tour dans la gondole. C’était, de toute manière parfaitement explicite et ça n’avait rien d’extraordinaire. Accomplir ce bref trajet simplifierait les choses, les clarifierait. La baisse de luminosité semblait décidément inspirer la rêverie, puisque lui-même se mit à songer qu’une fois cette dernière formalité accomplie, sa vie aurait pris un nouveau tour. Un de plus.

Secouant ses mèches brunes pour éloigner ses pensées qui ne lui ressemblaient pas, il prêta l’oreille au chantonnement du gondolier. C’était une chose qui l’avait émerveillé comme cela devait le faire pour tant d’autres étrangers à Venise. La musique semblait être perpétuellement présente, sans jamais s’arrêter aux murs des théâtres, et les plus démunis étaient loin d’être les moins doués. La cité de Vivaldi.

Le tempo marqué du bout de doigts nerveux, la gondole glissa sur les eaux assombries.


[Calle Bardini - Maison du médecin]
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Louis de
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleMer 8 Mar - 20:36

[Eglise San Siriano]

Un peu plus tard Louis et sa compagne entraient dans le café et s'attablaient devant des boissons reconstituantes. Le français avait ôté son manteau et son tricorne et laissait voir un visage juvénile à l'expression avenante. Il souriait à la dame qu'il avait invitée tout en conversant avec elle.

"Voilà madame, nous sommes désormais au chaud, au sec et sauvés de la méchanceté des éléments. Ciel ! Je n'aurais jamais cru qu'il pût faire si froid à Venise."

Il pencha son visage au dessus de sa tasse brûlante pour en inhaler l'odeur.

"Je vous ai dit mon nom mais je ne crois pas que vous m'ayez dit le vôtre, ma chère."
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Enza Rig
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleMer 8 Mar - 23:26

Les narines délicates d'Enza palpitaient. Elle humait les arômes délicats qui s'échappaient des boissons fumantes servies aux différentes tables. Ses grands yeux dévisageaient également le beau jeune homme qui lui faisait face. La chaleur, les odeurs, le confort et le sourire du gentilhomme qui lui tenait compagnie lui tournaient les sens.

Elle avait ôté sa lourde cape avec hésitation. Mais maintenant, elle se sentait pleine d'une nouvelle légèreté dans sa robe de drap bleu vif. Cette robe était d'une extrème simplicité et elle espérait que le sieur de Valombreuse n'en prendrait pas ombrage, ni n'en exprimerait du mépris.


*Si c'est un vrai gentilhomme, il saura qu'il ne faut jamais s'arrêter aux apparences !*

Enza sourit à la question de l'homme puis répondit comme on se jetait dans une eau glacée :

"Enza... Enza Rigatalle. C'est un nom... très simple, d'aucune noblesse et... inconnu de tous."
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Louis de
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleMer 8 Mar - 23:44

Louis fixait attentivement Enza. Ses yeux pétillaient tandis que ses mains se réchauffaient au contact de la tasse brûlante.
Son teint reprenait maintenant quelques couleurs et sa voix devenait plus enjouée; il prit une gorgée de café et se remit à détailler les traits de sa compagne pendant qu'elle répondait.


"Je vois... et puis-je pousser l'indiscrétion jusqu'à vous demander si vous êtes d'origine vénitienne ou si vous venez de quelque autre région d'Italie?"

Il avait lâché sa tasse à présent et ses doigts fins pianotaient lentement sur la table au rythme d'un air inconnu...
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Enza Rig
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleJeu 9 Mar - 13:14

Enza eut l'air légèrement embarassé à la question de De Valombreuse. Elle hésita légèrement et répondit d'une voix douce, presque chuchotante comme si elle avait peur qu'on surprenne leurs propos :

"Votre indiscrétion me met mal à l'aise, monsieur. Je ne suis en effet, pas originaire de cette belle cité. Je dois avouer que vous n'avez en face de vous, monsieur, qu'une simple paysanne italienne..."

D'un geste de la main, elle repoussa une mèche de cheveux afin de dégager son visage, espérant mettre en valeur son regard et son sourire. Avec une grande innocence, elle ajouta :

"J'espère, monsieur, que la bassesse de mes origines ne vous offusque point. "

Son regard se portait sur les longs doigts du jeune homme qui pianotaient sur la table.
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Louis de
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 PerleJeu 9 Mar - 14:42

Le sourire de Louis s'élargit, lassant voir ses petites dents blanches et sa tête s'inclina légèrement sur le côté.

"Non ma chère. J'ai moi-même passé une grande partie de mon enfance parmi les paysans du domaine de Valombreuse, et nos jeux innocents ignoraient bien les différences de classes."

Il haussa les sourcils comme si une question traversait son esprit.

"Mais... comment vivez-vous ici si votre famille est loin? Seriez vous au service de quelque noble vénitienne? A moins que vous ne vous subveniez à vos besoins autrement?"
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MessageSujet: Re: Le Caffé Florian   Le Caffé Florian - Page 4 Perle

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